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Attention au départ ! 3/3

Publié le 18 juin 2015 par Lucie Léanne @lucieleanne75

Un divan dans ma cellule

-On a du chagrin, mon poulet. Pleure, cela te soulagera.

-Foutez-moi…la…paix.

-Raconte, raconte, à Lucie ta petite enfance.

-A partir de quand ?

-Entre zéro et huit ans.

-Euh…Je suis fils unique. Ma mère a toujours été possessive avec moi, presque tyrannique ; elle m’étouffait.

-Oh! pas si vite. Dis-moi d’abord ton nom.

-Clément Thine

mère parc
-Bon, continue bonhomme. Alors ta mère t’étouffait et…

-Non « à » ; à tel point qu’un jour, j’ai fugué. J’avais un an, j’ai sauté de mon parc et je me suis réfugié dans les toilettes.

-Où habites-tu ?

-Rue de l’Ermitage, dans le 20 ème arrondissement de Paris.

-Dis-moi, Clément, ta mère t’enfermait-elle quand tu étais petit ?  T’empêchait-elle de sortir pour te punir ?

-Oui, souvent ; elle verrouillait la porte de ma chambre lorsque je ne rapportais pas de bonnes notes de l’école. Il fallait avoir tout le temps dix sur dix.

-Un instant, je récapitule : alors mère castratrice ayant un fort complexe d’infériorité, d’où désir violent que son fils se surpasse ; fils fait ce qu’il peut mais demeure frustré. Et ton père ? Parle-moi de ton père.

-Il est mort.

-Toutes mes condoléances. En quelles circonstances ?

-Lors d’un saut en parachute ; il a confondu le fil blanc avec le fil rouge, avec le fil jaune.

-Lequel fallait-il tirer ?

-Aucun ; c’était la courroie bleue.

-Ah…la courroie bleue.

Je toussote.

-Comment as-tu vécu ce décès ?

-Mal, même si on a retrouvé les restes de papa ; certaines fois lors des exercices militaires, on ne retrouve pas les corps mais nous, on nous a remis une urne et la médaille de la bravoure.

-Eh ben…enfin c’est mieux qu’une médaille en chocolat.

Je me gratte le front, pince les lèvres.

-Pourquoi es-tu devenu policier, enfin gardien de cellule; c’est bien toi, qui est chargé de surveiller les prisonniers du commissariat ? Tu m’as l’air si jeune…

-Où est le rapport ?

-Dans ma tête, ne t’inquiète pas. Alors quelle volonté subite a fait de toi, un splendide geôlier ?

-Quand les détenus sont enfermés, je me sens plus fort ; cela me délivre de mes angoisses; j’ai l’impression de vaincre ma mère ; je ne suis plus enfermé.

-Je vois transfert identité, conflit intérieur non résolu, moi hypertrophié ; motif du délit cérébral : crise sado-dépressive.

-C’est grave ?

-Oui, tu n’as pas résolu tes problèmes avec ta mère ; mais si tu m’ouvres la porte de la cellule, on peut s’arranger. Il existe à Paris, des psychologues très compétents.

-Mais je n’ai pas le droit de vous ouvrir ! Mes supérieurs me déshonoreraient s’ils le savaient et je perdrais mon emploi.

L’ amer hic !

-Un emploi, dans lequel visiblement tu t’épanouis. Et avec la crise économique actuelle, le chaos social qui se profile, cela ne va qu’empirer.
Sais-tu qu ‘il y a de plus en plus de suicides chez les policiers ? Trop de stress, manque de moyens, d’effectifs ; la preuve : deux de tes collègues sont en arrêt maladie. Ouvre les yeux, Clément (le gauche aussi, voilà)! Tes supérieurs te manipulent, tu n’es qu’un pion du système. A la moindre faute professionnelle, au moindre pétage de plomb : « Au revoir, Monsieur Thine, vous nous fûtes très utile, merci. Non, non, pas de révérence ; allez dégager ! »

-Comment vais-je m’en sortir ?

-Sur la pointe des pieds. Tu es intelligent, consciencieux. Trouve-toi un autre travail, même si c’est difficile avec le chômage actuel.

Je lève les yeux , fixe les barreaux de la cellule.

mère , boisson
-Deviens djihadiste ! On recrute en ce moment pour le moyen-Orient, partout, dans le monde entier, même en France ! Le moyen Orient, c’est un peu  comme la nouvelle Amérique. Des emplois, du rêve. Djihadiste, c’est une expérience à tenter ; tu vas t’éclater,  voir du pays, apprendre une nouvelle langue, l’arabe; parler avec des bâtons de dynamite barbus.

-Le jeune homme fronce les sourcils, méfiant.

-C’est pas dangereux ?

-Pas du tout, c’est moins dangereux qu’un policier en plein exercice; et tu sais pourquoi ? Parce que les djihadistes sont sponsorisés par Allah.

-C’est quoi Allah ? Une marque de soda ?

-Tu ne connais pas la nouvelle boisson « Pschit Allah Menthe » ; les djihadistes en boivent tout le temps ; ça remplace le coca-cola, si tu veux…C’est sponsorisé par Allah ; une boisson énergétique du tonnerre.
Ta mère, sera fière de toi quand elle verra son fiston à l’oeuvre; son cœur fera BOUM ! Le tien aussi !
Allez ! Ouvre-moi la porte de la cellule; tu vois bien que j’ai raison…

Et voilà, chers lecteurs, comment j’ai réussi à sortir du commissariat, la tête haute, avec mes escargots, en racontant des histoires.
Maintenant je suis LIBRE !!!


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