Magazine Journal intime

See You Later Alligator...

Publié le 05 juin 2008 par Mélina Loupia
Ce matin, en me levant à six heures hurlantes, je me suis dit en allant réveiller Jérémy que si le soleil était enfin de la partie, la journée et la semaine ne pouvaient que rouler comme le rire dans sa gorge qu'on entend si rarement. Il a ouvert ses yeux et a souri à sa mère. " Si tu pouvais me réveiller tous les matins, j'aurais encore envie d'aller dans ce putain de collège. -T'en as plus pour très longtemps, imagine dans un mois, c'est les vacances. -Ouais mais en attendant, y a le brevet. -Non, en attendant, y a le petit déjeuner et tu sais quoi, je t'ai fait griller du pain de mie. -T'as mis du Nutella dessus? -Oui, au couteau, comme tu l'aimes." Ensuite, en l'accompagnant à l'arrêt de bus improbable devant chez ma grande soeur à un kilomètre défoncé de là, j'ai ouvert la fenêtre pour aspirer l'herbe des fossés taillée de la veille et dont la rosée avait ressuscité le parfum. Aucun doute, l'été allait naître très bientôt, tout irait mieux à présent. Au retour, en me recouchant après avoir réglé le réveil à huit heures quarante-cinq ultra précises, j'ai embrassé Nicolas qui sifflait son asthme pour donner à ses derniers rêves un petit air de musette. Copilote a serré ses mains contre sa poitrine chaude et m'a bercée de son sommeil serein. "Maman, c'est l'heure que tu m'accompagnes au collège. -J'ai pas entendu le réveil ma puce, j'ai le temps de te faire le petit déjeuner? -Je me le suis fait, je vais me laver les dents. -Moi aussi et ensuite on file en vitesse. -Je t'ai fait le café, il t'attend dans le cellier, mais j'ai pas fumé ta cigarette. -Non, faudrait pas te mettre en retard." Sur le trajet, le soleil était franc et semblait me confirmer que mes espoirs n'étaient pas vains, je l'aurais bel et bien ma journée tranquille. Juste que depuis le début de la semaine et jusqu'à vendredi, j'allais me réveiller deux fois par jour et tenter de jongler en aidant les uns et les autres. Juste ce matin, le frigo et les placards à remplir, déplorer que non, c'est pas encore demain que je pourrai manger des tomates SAVEOL bio, mais tout de même emballées dans du plastique, mais qu'importe puisque je trie mes déchets. Juste Nicolas est vraiment très enrhumé mais que je n'aurai jamais le temps de l'amener chez le docteur et qu'attendre samedi pour qu'il vienne à la maison serait peut-être dangereux, mais qu'importe, il se mouche correctement et n'a plus de fièvre, cet enfant grandit et se défend quasiment tout seul, excepté contre la connerie de ses camarades. En acceptant de payer deux cent trois Euros pour manger pendant dix jours, mon téléphone m'apprend que tout va toujours aussi bien jusqu'à la fin de la semaine, sans compter l'après-midi de demain un peu bousculée par des obsèques. Mon coin de ciel bleu s'étiole un peu, mais je me dis qu'il est hors de question de briller par mon absence. Le jour où, et le plus loin possible, un être cher me sera arraché violemment, je serai probablement soutenue par les présents qui auront précipité leur vie pour adoucir la mienne. Juste une ligne de plus dans l'agenda, une heure ou deux données à quelqu'un qui ressent le besoin d'être entouré. Et c'est une heure justement que j'ai devant moi avant de récupérer mes deux ados et leur pote, leur odeur de salle de classe en sueur , leur pointure quarante et un et leurs estomacs torturés de faim. Ils feront la gueule, ils fouilleront dans le coffre de la voiture pour calmer la colère de midi et demanderont de mettre la radio "Plus fort maman." Mais en attendant, je file à la Radio faire des bizettes, écouter un peu de musique et boire un petit noir à la terrasse de La Terrasse. J'y fais une rencontre à approfondir et je reprends le contrôle de mon tuteurât légal, il est midi moins dix et mes bébés en mutation sortent à pile. "On commençait à se faire du souci et comme on a pas de portable, on de demandait comment on allait faire pour t'appeler. -Pour savoir quoi, où j'étais? -Oui, on vient d'entendre sonner les pompiers. -Oui, on est le premier mercredi du mois. -T'as fait les courses au moins? -Non, j'ai glandouillé dans les rayons en poussant un caddie vide, et j'ai compté au bout de combien de temps les clients allaient me signaler à l'accueil. -J'espère que t'avais vu qu'il y avait presque plus de nouilles. -Oui, et c'est pour ça que j'en ai pas acheté. -Tant pis, t'en achèteras demain, en allant accompagner papa à la gare. -Je te demande pardon, tu dois t'être trompé de famille, ton père ne travaille pas à la SNCF. -Non, mais il part à Paris demain. -... Je sais, enfin, mais soyons clairs, nets et précis, je l'accompagne pas à la gare, mais chercher la voiture de location qui elle, l'accompagnera à la gare, où le TGV prendra le relais qui lui, l'accompagnera sur Paris. -Alors du coup, c'est qui qui accompagnera Arnaud au bus vendredi matin puisque tu vas à la radio à sept heures? -...Mais tu crois que j'ai pas tout prévu? -Je demande. -Je te réponds, ne te fais pas de souci, j'ai paré à tous les imprévus qui peuvent arriver, comme leur nom l'indique, à n'importe quel moment. Je laisserai Arnaud chez tatie un peu plus tôt pour être à la radio juste un peu plus tard. -Tiens et Aude, pourquoi elle est dans le bus devant? -Bé teh, parce qu'on la prend ce midi. -...C'est pour ça que j'ai prévu plus large pour le repas. -Tu feras un couscous ce soir, comme t'avais dit maman? -Oui, quand je serai allée récupérer le vélo d'Arnaud qui rentre de la classe de mer à trois heures moins le quart, juste avant que j'aille en réunion. -Quatre heures moins le quart maman. -C'est exactement ce que je disais, pile à l'heure de la réunion que j'ai. Maintenant, si vous voulez manger en temps et en heure et surtout entiers, je vous prie de bien vouloir me déranger qu'en cas de feu à l'arrière de la voiture." Je viens de plier du linge et en ramenant son tas dans sa chambre, je vois que Jérémy m'avait laissé un petit billet doux, par dessus son bordel. " Si tu pouvais me repasser mon jeans, je t'aimerais plus que ma fiancée. Bisous." " Pense à me faire penser qu'il faut que je confirme que vous serez là pour la chorale mardi soir prochain". Avait quant à lui bafouillé Nicolas au dos d'une enveloppe Kraft. Arnaud m'aimait du silence de ses rêves, le nez criblé de tâches de soleil et les rêves pleins de vagues. Alors que j'allais éteindre mon ordinateur, MSN m'interpelle. "Tu as lu le livre de la caissière? -Non, j'ai déjà pas lu le mien, alors ça serait vraiment un comble si je lisais le sien, mais on dit qu'il est très bien. -Je l'ai commandé. -Bonne nuit. -See you later, alligator." C'était pas la nuit qui donnait cet aspect sombre à ma journée puis ma semaine.

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