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Cineris

Publié le 16 juillet 2015 par Jérémias Boulongne @JABoulongne

" Encore six heures et je serai mort. Est-il bien vrai que je serai mort avant la fin du jour ? ". Suite à cette phrase, il reposa le Dernier jour d'un condamné de Victor Hugo soigneusement sur son bureau et tira une cigarette de son paquet. Il l'alluma et prit une grande bouffée dont il recracha la fumée sans même l'avaler. Derrière l'écran de fumée qui se dissipait, il porta son attention sur une photo qu'il avait accrochée là il y a plus d'un an ,déjà. Il ne l'avait pas fixée ici par hasard : il pouvait la voir quand il se levait le matin depuis son lit, quand il était sur l'ordinateur ou quand il travaillait sur son bureau ; rendant ainsi ce visage angélique, imprimé sur papier glacé omniprésent dans la pièce. C'était en effet un visage : fin et élégant, encerclé de cheveux bruns légèrement bouclés, parsemé de deux yeux marron clair et lumineux, assorti d'un sourire jeune et insouciant. C'était elle. Derrière ce visage se cachait timidement une âme. Une âme dont on lui interdisait l'accès depuis plus d'un an maintenant, il l'aimait cette âme, il l'aimait...

En arrière plan de la photo, on pouvait voir un parc et ses arbres, sa pelouse verte, tondue à ras de terre sans cailloux. Derrière tout ce décor, un bâtiment de brique qui rappelait la présence de la ville dans ce paradis.

- Tu sais ce que c'est ce bâtiment ? lui demanda-t-elle.

- Je dois reconnaître que non... Dit-il, ça ressemble à un bâtiment administratif, voir même une école...

Elle ne l'écoutait plus, elle le regardait comme on regardait un mirage : avec méfiance et espérance. Un papillon se posa sur le bout de son nez, elle ri aux éclats et se retourna et ramena ses genoux vers sa poitrine, elle se mordit la lèvre tout en insistant du regard.

- Embrasse-moi. Dit-il.

- Non. Répondit-elle en riant.

Il la saisit par les épaules et l'allongea sur le dos. Clémence. Ses joues étaient encore rougies par le désir, ses yeux brûlaient de la flamme du bonheur et ses lèvres découvraient des dents blanches comme la lumière du jour. Il hésita un instant, puis, il prit une mèche brune de ses cheveux et la replaça derrière son oreille. Il approcha ses lèvres avec précaution et saisi celle de Clémence.

Il se détacha de sa délectation et fixa son visage. Il était angélique. Il passait ses doigts fins sur ses joues rebondies et douces ; il dut fermer les yeux pour profiter pleinement du lisse délice de son épiderme.

Elle riait. Il pouvait sentir les vibrations de son rire jusque dans son cœur. Son chemisier bleu lui donnait la couleur de l'été. Il replaça sa croix en argent dans l'axe de sa poitrine et s'allongea à ses cotés.

- Parfois je me demande ce que pensent les gens qui nous voient heureux ainsi, dit-elle. Par exemple la première fois que tu m'as embrassé... Ils ne savent pas qu'ils assissent à quelque chose d'intérieurement grand...

Il sortit de son songe et détacha la photo pour la poser sur la table de nuit. Le réveil affichait...

- 17h14 ! Dit-il fièrement.

- C'est précis !

- C'est un problème ?

- Non.

À cette seconde, il hésita entre fuir pour toujours ou l'aimer pour la vie. Il fit le pas le plus important de sa vie et saisi les lèvres de Clémence avec la précision d'un aigle en chasse, il ferma les yeux, son cœur battait vite, sa respiration était arrêtée... Il posa ses mains sur ses hanches et la serra comme pour ne pas perdre un rêve qui se réveille... Il recommença une fois, puis deux... Il voulait périr dans l'enfer de ses baisers. Il prit délicatement son visage entre ses mains : il était doux et fragile comme une poupée de porcelaine.

Il avait naturellement ramené ses mains à son visage en se rappelant ce moment. Il prit la montre et la jeta injustement dans le tiroir sombre de la table de chevet. Le jour n'était pas prêt à se coucher, nous étions le 10 juin, le soleil brillait avec insolence sur cette journée de deuil, les oiseaux chantaient à la gloire des jours futurs et la chaude brise d'été murmurait les moments passés. Il ferma le volet, puis la fenêtre. Seul un rai de lumière osait percer la pénombre de sa vie, un rai de lumière dont il rêve de remonter jusqu'aux cieux, jusqu'aux portes du paradis où la souffrance et l'amour ne sont plus que des souvenirs gênants dont on fait vite de se débarrasser. Il découpa dans une feuille de papier la forme d'un pégase prenant son envole qu'il plaça ce pégase devant le rai de lumière qui en prit immédiatement la forme sur le mur au papier peint bleu. Il sortit d'un placard une boîte noire qu'il ouvrit. Encore six heure et il sera mort.


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