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Le plein-emploi en Allemagne ? Ah ben mince, pendant un moment, j’y ai cru…

Publié le 25 juillet 2015 par Legraoully @LeGraoullyOff
Amis messins, bonjour ! Je vous écris depuis la pointe Bretagne où, après avoir appris que la Chine était déjà devenue la deuxième puissance industrielle mondiale grâce à son cocktail infernal de libéralisme économique sauvage et de dictature implacable, je m’étais déjà résigné à ce que les populations des démocraties occidentales soient peu à peu condamnées au chômage sans aucune échappatoire envisageable, donnant à la Chine le champ libre pour devenir la première puissance industrielle mondiale, tremplin que ne manqueront pas d’employer les pourris du parti « communiste » chinois pour dicter leur loi à tous les États du monde, ce qui se traduira certainement par la disparition, à moyen terme, de la démocratie et de l’État de droit sur Terre (déjà que ni l’un ni l’autre n’était pas surreprésenté)… Comment ça, je suis parano ? Ça va faire des années maintenant (on peut remonter au moins à l’année des événements de Tien an Men, ça fait donc déjà plus de vingt ans) que les chefs du régime pseudo-communiste chinois se gobergent sur le dos d’une population contrainte de se tuer à la tâche sans bénéficier du moindre petit embryon d’un microscopique soupçon de liberté d’expression, et ça fait à peine moins longtemps que les dirigeants occidentaux, à de rarissimes exceptions près, s’écrasent systématiquement, que ce soit sur les Droits de l’homme, le Tibet ou l’environnement, face aux ordures maoïstes tendance MacDo qui détiennent le pouvoir à Pékin, de peur que ces derniers ne leur achètent plus de camelote ou n’exportent plus les téléviseurs à écran plat sur lesquels les chômeurs occidentaux regardent les technocrates savants chanter les louanges du « miracle économique chinois »… Bref, pourquoi voudriez-vous que des salauds pareils, à qui les démocraties occidentales déroulent déjà le tapis rouge, aient des scrupules, dans un avenir proche, à user de leur surpuissance industrielle et de leur droit de véto à l’ONU pour juger, par exemple, qu’un pays ayant élu des dirigeants qui ne sont pas de leur côté doit être mis au pas ? En 1973, l’oncle Sam, champion autoproclamé de la démocratie, avait orchestré le renversement du gouvernement socialiste chilien et l’arrivée au pouvoir de Pinochet : pourquoi les pourris du P.C.C., qui ne se parent même pas du titre de démocrates, auraient-ils plus de scrupules que l’Amérique du grand capital à en faire autant dans un pays d’Europe où la gauche serait arrivée au pouvoir ? Et dois-je vous rappeler que les américains, après l’effondrement de l’empire soviétique, avaient proclamé, se retrouvant sans concurrence pour être la première puissance économique et militaire mondiale, que leur modèle politique et social, fondé sur la démocratie manipulée par les puissances d’argent et sur l’égoïsme, était le meilleur et qu’aucun autre n’était envisageable ? Si la Chine devient demain la première puissance mondiale, pourquoi les pourris de Pékin hésiteraient-ils à imposer leur modèle dictatorial à toute la planète, par la force si besoin est ? Le plein-emploi en Allemagne ? Ah ben mince, pendant un moment, j’y ai cru…

Racisme antichinois, moi ? Non : anti-P.C.C., c’est tout. Vous m’objecterez que les Chinois doivent se contenter de cela, sinon, ils se révolteraient… Et vous, vous vous contentez de Sarkozy ? Non. Et pourtant, vous ne vous révoltez pas… Vous feriez bien de relire les écrits de La Boétie sur la servitude volontaire ! De surcroît, vous avez vraiment la mémoire courte : il arrive que les ouvriers chinois font grève, lassés de ne jamais voir la c’ouleur des richesses qu’ils produisent (notez bien ceci, c’est important pour la suite et je ne le répéterai pas : seul le travail crée des richesses !) ; il y a donc un besoin de liberté d’expression, d’autant plus flagrant que de plus en plus de Chinois quittent le parti communiste – authentique ! Alors non, les Chinois, sous la botte d’un dictateur, ne vivent pas plus heureux que les occidentaux ! Ils sont comme nous ! Bien entendu, il y a le vieux cliché du chinois frugal qui se contente d’un bol de riz pendant sa (très) longue journée de travail payée une misère… Il se contente par choix, à votre avis ? Les Chinois sont des humains comme les autres, b***** à c** ! Proposez-leur les mêmes avantages que ceux dont bénéficient les travailleurs français, et je peux vous assurer qu’ils fonceront pour les obtenir ! Ceux qui prétendent le contraire au nom d’une quelconque spécificité du peuple chinois sont des xénophobes refoulés – désolé de le dire comme ça. Au fait, vous ai-je dit que je m’inquiétais de la montée en puissance de la Chine ?

Le plein-emploi en Allemagne ? Ah ben mince, pendant un moment, j’y ai cru…

Imaginez donc ma joie lorsque j’ai lu à la une de l’édition du jeudi 12 août du quotidien Ouest France : « L’Allemagne manque de main-d’œuvre » ! Je l’ai aussitôt interprétée – et je crois bien que c’est ainsi que la rédaction du journal voulait qu’on l’interprète – ainsi : « Ah mais alors le chômage n’est pas une fatalité pour l’Occident ! Nous pouvons nous en sortir et ne pas laisser les pourris du P.C.C. décider pour nous tous dans l’avenir ! » En effet, si un pays manque de main-d’œuvre, c’est qu’il s’achemine vers le plein-emploi (s’il ne l’a pas déjà atteint), non ? Beaucoup de gens se seraient arrêtés à ce titre rassurant pour aller faire les mots croisés du journal ; ce n’est pas mon cas, je ne suis pas cruciverbiste. J’ai donc creusé et continué à lire, d’abord les lignes écrites tout de suite après ce titre, à la une : « Hausse des exportations, baisse du chômage, croissance… Chez nos voisins, tous les indicateurs se sont remis au vert ». Jusqu’ici, tout va bien, on se dit que si les allemands s’en tirent mieux que nous, Sarkozy ne peut pas dire « c’est la faute à la crise » ; voilà où ça mène d’élire un bouffon de droite ! Merkel est de droite elle aussi, mais elle est sérieuse, elle ! Bon, poursuivons : « Pour pallier le manque de main-d’œuvre qualifiée, le pays songe à recourir à l’immigration ». Bonne nouvelle : enfin un pays d’Europe – outre l’Espagne qui a déjà assoupli les conditions de séjour des étrangers sur son territoire – qui reconnaît que l’immigration est une chance. Mauvaise nouvelle : on nous a dit que l’Allemagne manquait de main-d’œuvre, et là, on précise qu’elle manque de main-d’œuvre qualifiée : ça fait une différence ! En Allemagne, on embauche donc, mais ça ne concerne pas les non-qualifiés qui peuvent aller se faire voir… Mon optimisme est déjà plus modéré !

Le plein-emploi en Allemagne ? Ah ben mince, pendant un moment, j’y ai cru…

L’article correspondant à cette annonce se trouve, nous dit-on, page 2 ; allons donc page 2 : c’est bon, l’article y est, si Ouest France est un tissu de mensonges (ce qui m’étonnerait quand même un peu), ce n’est pas de ce point de vue-là. Mais si Ouest France n’est pas un tissu de mensonges (ce qui m’étonnerait quand même beaucoup), est-ce aussi du point de vue du contenu des articles qu’il publie ? Lisons le papier en question, signé Sébastien Vannier et intitulé précisément « L’Allemagne en quête de main-d’œuvre qualifiée » : là, au moins, c’est clair, on ne vous fait pas des cachotteries coomme à la une. « Daimler, BASF, Adidas : les grands fleurons de l’économie allemande ont annoncé l’un après l’autre des chiffres aussi positifs qu’inattendus pour ce début d’année » continue Vannier ; bon, c’est bien joli, mais ça ne veut rien dire : ces grosses boîtes ont de plus en plus tendance à délocaliser à tout va, ce n’est donc pas parce qu’elles font de bonnes affaires que les allemands eux-mêmes en tirent profit ; s’il suffisait qu’un pays soit riche pour que les habitants ne soient pas pauvres, on le saurait ! « La chambre du commerce et de l’industrie allemande prévoit ainsi, une augmentation de 11% des exportations en 2010 et l’Allemagne pourrait retrouver en 2011 le niveau record de 2008 » : vous avez bien lu, ils prévoient et l’Allemagne pourrait retrouver le niveau de 2008 : ce n’est même pas sûr ! Quand on sait de quelle façon les prévisions des experts sont souvent confirmées, on est en droit de s’inquiéter…

Le plein-emploi en Allemagne ? Ah ben mince, pendant un moment, j’y ai cru…
Si vous croyez que je dis des bêtises, cliquez là-dessus pour lire l’article.

« C’est également le cas sur le marché du travail » : ah, tout de même ! C’est finalement le seul point qui nous intéresse vraiment : jusqu’alors, ça concernait surtout les riches ! « L’agence pour l’emploi fait état en juillet de 7,6 % de chômage avec 3,19 millions de chômeurs, 270 000 de moins que l’année précédente. » Ah. J’ai calculé, à ce train-là, il faudra plus de onze ans pour résorber le chômage en Allemagne ! Et en onze ans, Dieu sait s’il peut s’en passer, des choses pouvant inverser cette tendance positive… pas de quoi pavoiser ! Mais soyons honnêtes : il est vrai que proportionnellement, étant donnée l’ampleur de la population allemande, le taux de chômage, est plus faible en Allemagne que chez nous.

Poursuivons si vous le voulez bien – et même si vous ne voulez pas, c’est le même tarif : « Tant et si bien que ministre de l’économie, le libéral Rainer Brüderle, a indiqué, dans une interview au quotidien Handelsblatt, que ʺc’est le manque de main-d’œuvre qualifiée, et non pas le chômage, qui sera le problème central de l’emploi allemand ces prochaines annéesʺ. Cette perspective, déjà abordée en Allemagne avant la crise, s’appuie sur différents facteurs : un nombre déjà élevé des employés (40,3 millions en juin), une population allemande vieillissante et des manques déjà présents dans certaines professions comme les médecins, les ingénieurs ou les professeurs. » Voilà comment j’interprète les choses maintenant : en Allemagne, il y a du travail, mais uniquement pour les qualifiés, et il y a, en revanche, plein de chômeurs non-qualifiés qui ne trouvent pas de travail et à qui on ne paie pas de formation qui leur permettrait de s’en sortir… Pourtant, payer une formation à un individu est un investissement à part entière qui peut, sur le long terme, grâce aux richesses produites par ledit individu après sa formation, rapporter plus à la société que ladite formation ne lui aura coûté. Pas besoin d’être docteur en économie pour comprendre ça, non ? Mais va faire comprendre ça aux hérauts de l’économie ultralibérale pour qui compte uniquement le profit à court terme, pour voir ! Cela dit, il y a tout de même une bonne nouvelle dans le tas : si l’Allemagne manque de professeurs, d’ingénieurs et de médecins, on évite le cauchemar du jeune diplômé brillant qui se retrouve au chômage et passe sa vie à vivre de stages sous-payés…du moins, j’ose le croire, ce n’est même pas précisé. Enfin, on peut espérer. Donc, vous voulez devenir enseignant ? Et bien commencez par apprendre l’allemand et émigrez en outre-Rhin : l’heure n’y est pas aux suppressions forcenées de postes, on ne vous reprochera pas de pressurer les finances de l’État !

Bon, mais revenons au manque de travailleurs qualifiés : va-t-on former les chômeurs non-qualifiés ? Non, ils peuvent crever, si l’on en croit Herr Brüderle qui « compte notamment attirer de la main-d’œuvre venue de l’étranger. C’est également l’avis de Maria Böhmer (CDU), responsable de l’intégration pour le gouvernement allemand, selon laquelle l’Allemagne ʺa un besoin urgent de travailleurs immigrés qualifiés dans leur propre professionʺ ». C’est plutôt une bonne nouvelle que l’immigration puisse ne plus être considérée comme un problème en Europe, mais accueillir favorablement le savoir-faire des immigrés n’empêche pas de proposer AUSSI une formation aux chômeurs qui sont déjà là, non ? Bon, d’accord, accueillir directement des travailleurs déjà qualifiés coûte moins cher, à court terme, que payer une formation aux chômeurs sans qualification mais, outre l’argument, déjà avancé, des richesses produites par le travailleurs nouvellement formé, lesquelles richesses amortissent largement la dépense que représente la formation, il ne faut pas voir seulement l’intérêt de l’économie nationale mais aussi celui de la population : pourquoi ne pas profiter de cette conjoncture favorable pour en faire profiter ceux qui sont actuellement au chômage ? Ah, oui, j’avais oublié, la droite est aussi au pouvoir, là-bas…

Ah ? Apparemment, il ne faut pas voir toute la droite en noir : « Mais la proposition, effectuée par le ministre de l’Économie, d’une prime aux travailleurs étrangers versée par les entreprises, a rencontré immédiatement l’opposition non seulement du syndicat Ver.di, mais aussi de la chancelière Angela Merkel. » Vannier ne dit pas pourquoi Merkel n’est pas d’accord. J’ose espérer que c’est pour des raisons similaires à celles invoquées plus haut, mais il n’est pas exclu que ce soit aussi pour contenter son électorat le plus réactionnaire : c’est déjà un miracle qu’elle soit encore chancelière dans un pays où les ressortissants de l’ex-RDA sont encore considérés comme des sous-hommes, elle ne va pas prendre le risque d’affoler ceux de ces électeurs qui n’ont élu une femme que du bout du bulletin de vote… « Le chef de l’Agence pour l’emploi, Frank-Jürgen Weise, s’est également déclaré contre ce projet : ʺLe potentiel déjà présent dans le pays doit d’abord être utilisé. Nous ne pouvons pas permettre que des gens soient laissés au chômage seulement parce que leur talent n’est pas utiliséʺ ». Et bien voilà, ça, c’est bien dit ! Je ne sais pas comment on devient chef de l’Agence pour l’emploi en Allemagne, mais ça fait déjà cinq ans que Merkel est au pouvoir, je conçois mal que ce monsieur Weise ne soit pas de son côté… Quoi qu’il en soit, non seulement on reconnait, en Allemagne, qu’il y a toute une partie de la population laissée sur le carreau parce qu’elle n’est pas qualifiée, mais en plus, on reconnait aussi que c’est un problème – je vous assure que ceux qui ont les yeux rivés sur les chiffres de l’économie n’y verraient aucun inconvénient !Conclusion : Ouest France commence par vous dire que l’Allemagne est si prospère qu’elle connaît à nouveau le plein-emploi mais, ENSUITE seulement, il vous précise qu’en fait, une frange non négligeable de la population est au chômage parce qu’elle manque de qualifications. Bon, pas de quoi faire la fête, c’est finalement une situation tout à fait courante aujourd’hui en Occident : ce n’est pas d’aujourd’hui que le chômage frappe surtout les moins qualifiés. Pour le reste ? Les entreprises allemandes se portent bien en ce moment, d’accord, mais rien ne dit, d’une part, que cela profite suffisamment à l’Allemagne pour qu’elle puisse prétendre conserver, sur le long terme, une prospérité lui permettant de faire face à la montée en puissance de la Chine, ni, d’autre part, que cette tendance favorable va se prolonger…

Il n’y a donc plus qu’à aller se coucher et attendre que le Parti Communiste Chinois soit en mesure de dicter sa loi à la terre entière ? Qu’on se rassure : s’il n’est pas sûr que l’Allemagne continue sur sa lancée actuelle, il l’est encore moins que la Chine puisse continuer à se faire plus grosse que le bœuf américain. J’avoue avoir été pessimiste tout à l’heure, mais finalement, tout est possible, le pire comme le meilleur : c’est dans cette imprévisibilité de notre avenir que se situe notre chance d’être humains. Comme on dit, qui vivra verra !

Amis lorrains, 后会有期。Ou auf Wiedersehen, si vous préférez.

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