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Goya***

Publié le 30 juillet 2015 par Zebralefanzine @zebralefanzine

Francisco de Goya (1746-1828), peintre de cour, a connu la célébrité grâce à ses portraits de la famillewebzine,bd,gratuit,fanzine,zébra,bande-dessinée,critique,goya,peintre,glénat,olivier bleys,benjamin bozonnet,caprices,prado,quinta del sordo royale et la publication des « Caprices » en 1799, œuvre gravée, satire sociale et politique très violente pour l’époque. Des monstres fantastiques, des sorcières, hantent un grand nombre de planches.

La BD d’Olivier Bleys et Benjamin Bozonnet choisit de traiter un épisode un peu moins connu de la vie du peintre, celui des « peintures noires » (1819-1823). Goya a perdu sa première femme dans la famine madrilène et épousé la très jeune Léocadia Weiss, de quarante ans sa cadette, récemment séparée de son mari (Goya a 73 ans).

Le contexte politique en Espagne en 1819 au moment où commence le récit est trouble, propice à la réaction et contraire aux idées libérales (mais néanmoins monarchistes) du peintre. Après la guerre contre Napoléon, la politique menée par le nouveau roi, Ferdinand VII débouche sur un climat insurrectionnel et obscurantiste. Goya vient d’être inquiété pour son tableau, « La Maja nue ».

Il s’installe alors loin de la vie intellectuelle et brillante de Madrid. Il achète une maison de campagne de deux étages sur les rives du Manzanares à proximité de Madrid, baptisée « La Quinta del Sordo » (la maison du sourd). Le récit en bande-dessinée débute ici.

Le contexte fait un peu défaut : on est « parachuté » dans la vie du peintre sans connaître les événements qui ont conduit le peintre à s’éloigner du monde avec sa petite famille recomposée. L’arrière-plan politique est très peu présent, en dehors d’une brève discussion entre le peintre et le professeur de langue des signes de la fille de Léocadia.

Le peintre est décrit dans le livre comme un personnage aigri, acariâtre et jaloux, ce qu'il était probablement devenu à cette période de sa vie. Physiquement, Goya est amoindri ; il a perdu l'ouïe et craint de devenir aveugle. On ne retient qu’un aspect de la personnalité du peintre.

Goya se remit de sa grave maladie dans cette maison. On pense qu’il exécuta la série des peintures noires juste après sa convalescence.

Cela dit, le dessin très expressif, très vivant, parfois un peu taillé à la serpe, convient assez bien pour décrire les tourments de l’artiste pendant cette période.

Parallèlement,  l'histoire nous est contée par la fille de Léocadia, Rosario sur le mode du journal intime, les planches devenant alors ocres. Le narrateur décrit les liens qui se tissent entre le peintre et Rosario. Cela débute par leur relation autour du chien de la petite fille croqué à plusieurs reprises par le maitre. Puis, Goya lui apprend à dessiner, elle s’initie à la langue des signes pour communiquer avec lui. En filigrane de cette relation père-fille, se dévoilent les peintures noires.

Le passage de l’anecdote aux réflexions philosophiques et métaphysiques se fait sans heurt et est plutôt efficace : Avant le diner, le peintre nous interpelle : - A quoi bon les couleurs, il n’y a dans la nature que du noir et du blanc… Toute la peinture est là, dans les sacrifices et dans les partis-pris. Ainsi les vastes et sombres compositions s’imposent,  directement peintes à l’huile sur le plâtre des murs. Goya est habitué à orner les pièces de grandes demeures depuis les tapisseries royales de Santa Barbara. Sauf qu’en ce temps (1775), ce sont des scènes de chasse, de pêche, des fêtes champêtres ou pastorales.

Dans la pièce d'accueil, se trouvait le « Saturne, dévorant ses enfants », reproduit en couverture de l’album. Ici le dieu du temps déchire à pleine dent un corps de femme, allusion au dérèglement sexuel et au temps qui passe.

Rosario est terrifiée par cette vision cauchemardesque.  Goya dévoile dans son cycle de peinture (14 fresques au total) une vision profondément pessimiste de la nature humaine et de la vie. L’idée d’introduire Rosario face à cette hallucination accroit l’effet dramatique. La toute jeune fille est désarmée et  ne peut comprendre ce qui pousse un homme à peindre ce genre de sujet. Il faut pour cela, comme le dit lui-même Goya dans la BD, « que l’œil ait vu l’épée sanglante qui fouille des ventres ».

La BD montre bien que cette nouvelle technique puissante et magistrale, qui allait marquer durablement Géricault, Delacroix et Baudelaire, naît de l’isolement, la surdité et la désillusion.

A la fin de la BD, Goya s'en veut du mal qu’il fait subir à sa fille et quitte précipitamment la maison avec sa famille, de façon un peu romanesque.  Le peintre craignait plus sûrement pour sa sécurité et fit don de la « Quinta del sordo » à son petit-fils.

Goya mourut à Bordeaux en 1828, alors que son œuvre commençait à être connue hors d’Espagne, principalement les « Caprices », que l’imprimerie diffusait vite et qui annonçaient le mouvement romantique, bientôt répandu dans toute l’Europe.

Les peintures furent détachées de leurs parois par le Baron d'Erlanger, propriétaire des lieux, puis transposées sur toiles. Celui-ci en fit don au musée du Prado où elles se trouvent toujours aujourd'hui.

L’intérêt principal, outre le dessin spontané et la narration enlevée de cette bande-dessinée est de nous faire voir les œuvres dans la maison et dans le quotidien du peintre, telles qu’elles ont été conçues.

AD pour Zébra

"Goya", par Olivier Bleys et Benjamin Bozonnet, Glénat, coll. "Les Grands Peintres", 2015.


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