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15 août 1810 | Naissance de Louise Colet

Publié le 15 août 2015 par Angèle Paoli

L e 15 août 1810 naît à Aix-en-Provence, Louise Révoil, plus connue sous son nom d'épouse, Louise Colet. Elle est la fille de Henri-Antoine Révoil, directeur des postes, et de Henriette Le Blanc, dont le père, bien qu'appartenant à la noblesse, partageait les idéaux de son ami Mirabeau. Louise eut trois frères et deux sœurs plus âgés qu'elle. Une enfance entre Aix, où la famille habite un appartement de fonction dans un hôtel particulier de la rue de l'Opéra, et la propriété de Servanne, à Mouriès, qu'Henri-Antoine a rachetée à son beau-père, ruiné par la Révolution et par ses idées utopiques. Le père apprend l'italien à sa fille, et sa mère lui donne une solide culture littéraire ( cf. Joëlle Gardes, " Chronologie " in Louise Colet, Du sang de la bile de l'encre et du malheur, Éditions de l'Amandier, 2015, page 153).

En juillet 1846, Louise Colet rencontre Gustave Flaubert, qui n'est alors qu'un inconnu de vingt-quatre ans. C'est le début d'une liaison difficile et discontinue, comme l'est la correspondance entre les deux écrivains.

15 août 1810  | Naissance de Louise Colet

EXTRAIT DE LOUISE COLET, PAR JOËLLE GARDES

L a pensée des premiers moments avec Gustave, loin de me réchauffer, me fait frissonner. Le temps a mis sa patine sur la plupart de mes souvenirs et je n'en garde au cœur qu'une vague tristesse. Mais ceux-là continuent à me tourmenter dans mes rêves et la journée, dès que son nom surgit dans mon esprit. Même en resserrant autour de moi mon triste châle gris, le froid ne me quitte pas, le froid de la dernière saison de ma vie plus que de l'hiver. Et ce n'est certes pas dans ces images que je peux trouver quelque douceur, quelque chaleur. Le regret seul demeure, empreint de colère et d'amertume. Sauf pour ce qui touche à la littérature, l'unique domaine que nous ayons vraiment partagé.

L'a-t-on répété à l'envi que j'étais sa Muse, sa Musette (je détestais ce diminutif qu'il lui arrivait de me donner et qui me rabaissait), comme de bien d'autres, d'ailleurs ! En réalité, quand je l'ai connu, j'ai été sa conseillère écoutée et respectée, plus que son inspiratrice. J'étais plus âgée (il nous a toujours aimées mûres, comme Elisa, avec qui il a joué les amoureux transis, ou Eulalie, la Marseillaise, avec qui c'était autre chose !), j'étais auréolée de mes succès auprès de l'Académie, je pouvais espérer que mes leçons, mon amour surtout, lui enseigneraient que la vie vaut mieux que les livres.

En définitive, peu à peu, les rôles se sont renversés et c'est lui qui m'a servi de mentor, jugeant mes vers avec une extrême sévérité qui rendait d'autant plus précieuses ses rares approbations. Que de moqueries devant la comparaison qu'après notre rencontre enflammée de Mantes j'avais faite de son impétuosité avec celle d'" un buffle indompté " ! Il avait annoté en détails la Colonie de Mettray, pourtant primé par l'Académie, ou mon poème sur Pradier, comme le plus impitoyable des censeurs, traquant les répétitions, les métaphores banales, les rimes à l'intérieur du vers... Il m'avait proposé des corrections, changeant même un simple " sa " en " ta ". D'une manière générale, dans son horreur des choses " po-ë-tiques ", il n'appréciait guère mon lyrisme, qu'il jugeait faux, ni les débordements de mon imagination. Il trouvait faible la composition de mes volumes. Pour lui, le plan d'un livre était fondamental. Je dois reconnaître qu'il était tout aussi sévère pour lui-même, navré d'un défaut de construction dans son Saint Antoin qui le privait d'un effet dramatique. Un livre, selon lui, devait être exempt de tout élément personnel, alors que c'est précisément ce que je recherchais, dans ma poésie comme dans ma prose. J'avais donc tort de poétiser les réalités les plus simples et je faisais de l'art un pot-de-chambre où je déversais un trop plein sentimental ! Je devais oublier Lamartine et relire La Fontaine et Montesquieu ! La portée sociale de mes textes l'exaspérait aussi, tout comme ma défense des femmes. [...]

Avec Gustave, j'étais également critique. J'aurais voulu qu'il enlève de la première Éducation sentimentale le personnage de Jules qu'il trouvait nécessaire par rapport à Henry. Avec le recul du temps, je reconnais que j'avais d'autres motivations que purement artistiques. En Henry, je voyais Gustave et en Jules, son âme damnée, Maxime. Mais tout de même, je pense que je n'avais pas tort. Cette version, d'ailleurs, il ne l'a pas publiée.

Le style de ce roman ne devait pas l'emballer. Voilà bien ce qui l'enflammait, le style ! Il aurait dû faire tenir à lui seul un livre sans matière, évidemment privé de sentiment et quant à l'intention, elle ne comptait pas... Son travail, il en souffrait, il lui arrachait des larmes, mais il l'aimait comme il ne m'a jamais aimée. Il l'avait dans la peau, lui disait " le ventre " ! Contre une femme, j'aurais peut-être pu lutter, je n'avais aucune chance contre les charmes et les caprices de cette rivale, l'écriture !

Joëlle Gardes, Louise Colet. Du sang, de la bile, de l'encre et du malheur, Éditions de l'Amandier, Collection Mémoire Vive, 2015, pp. 111-112-113-114.


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