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Olivier Py, le Roi Lear et Avignon

Publié le 27 octobre 2015 par Stella

le roi lear

Les premières représentations ont eu lieu cet été à Avignon, dans la Cour d'honneur du Palais des papes. On s'arrachait les places avant même d'avoir eu vent de ce qu'était exactement cette création, hormis quelques propos - peu élogieux d'ailleurs - dans la presse. Le public, toujours un peu risque-tout, était au rendez-vous. J'ai vu peu de monde sortir en cours de route. A la fin, les applaudissements ont été abondants, malgré quelques inévitables sifflets. Lorsque certains journaux parlent d'un spectacle "hué" je n'en doute pas, mais le soir où j'y suis allée, c'était loin d'être le cas. Et pendant toute la représentation, tout le monde est resté attentif et respectueux du jeu des acteurs.

A-t-il pour autant été "peu convaincant", comme l'a estimé Le Monde ? Le Roi Lear n'est pas un spectacle facile. Même au temps de Shakespeare, cela n'a pas dû être aisé ni à mettre en scène, ni à voir, ni à comprendre. La version d'Olivier Py est moderne, cela va sans dire. C'est même une nouvelle traduction. Je ne saurai la comparer à la précédente, que je n'ai pas vue. Ceci dit, la mise en scène est assez ébouriffante. "C'est du lourd", comme ont dit les djeune's assis devant moi à Avignon. Effectivement... Mais c'est ce qui en fait le charme et la vitalité. Certes, il y a des incongruités : une moto qui fait en tour en scène, dont on aurait aisément pu se passer, notamment. Même chose pour la nudité des acteurs. Oui, bien sûr,  "le roi est nu"... bon, on le saura... Je crois que dans les années 1970 c'était très à la mode de déshabiller les comédiens, aujourd'hui on en est un peu revenu. Du coup, la critique s'engouffre dans la brèche.

Mais à côté de ces accrocs inutiles - j'en conviens - tout le reste est bien. Les personnages sont convaincants, le texte est clair et compréhensible. Oui, c'est une version moderne, oui il y a des graffitis et des trucs contemporains (comme la fameuse moto), et alors ? J'ai vu l'année passée "Le Crépuscule des dieux", l'opéra de Wagner, mis en scène de façon moderne (scénographie et costumes). Il y avait Günther, l'un des rôles les plus importants, chanté et joué par un baryton époustouflant qui n'a pas quitté son... fauteuil roulant pendant les quelque cinq heures que dure la pièce. Il a été ovationné par le public.

J'ai vu que le Roi Lear de Py allait être joué à Paris, je n'ai hélas pas retenu le nom du théâtre. Comment va être interprétée la mise en scène car, si elle m'a parue idoine pour la cour d'honneur, je me demande ce qu'elle donnera dans un espace réduit et clos. Il y a en effet quelques trouvailles, notamment d'immenses rubans rouges qui descendent des cintres comme autant de traits de sang au moment de la bataille finale... Sans le gigantisme du lieu et le vent follet pour les agiter, cela doit être beaucoup moins impressionnant. La critique va s'y faire les dents, c'est sûr. Quant à moi, je ne saurai que trop encourager mes lecteurs à tenter l'aventure. Une aventure qui ne sera pas de tout repos, dérangeante, brutale, parfois un peu effrayante mais ô combien exaltante. Si je devais choisir une image, je dirais : il s'agit de voir "le théâtre en train de se faire". La création dans toute sa modernité, son actualité, avec ses erreurs et ses tâtonnements. Du spectacle...


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