Magazine Journal intime

La peur, ennemi intérieur…

Publié le 26 novembre 2015 par Stella
Le 11 janvier 2015, deux millions de personnes manifestaient leur émotion à Paris. Je me souviens...

Le 11 janvier 2015, deux millions de personnes manifestaient leur émotion à Paris. Je me souviens...

Comme mes lecteurs le savent maintenant, j'ai eu la chance de n'être pas touchée, de près ou de loin, par la tuerie du 13 novembre. Pourtant, je ne peux me défaire d'un sentiment d'amertume, et d'une sourde peur, irrationnelle et non fondée mais qui me fait regarder mes contemporains d'un œil suspicieux qu'ils ne méritent certainement pas.

Exemple. J'étais dans l'autobus la semaine passée. Il y avait beaucoup de monde, nous étions serrés. Près du chauffeur, un jeune homme debout, sac à dos, dûment muni d'un casque audio dernier cri sur les oreilles, regardait fixement la rue. D'un coup, il se mit à marmonner, mélange de mots et d'une vague mélopée, d'abord mezzo voce puis plus fort. Il y eut alors comme un frisson de l'air : brusquement, tous les passagers situés dans sa proximité immédiate se mirent à le fixer, retenant leur respiration. Cette crispation collective fut si forte et si perceptible que le jeune homme se retourna, comme pris en flagrant délit de... mais de quoi ? Pris par les décibels qui se déversaient dans ses oreilles, il ne s'était probablement pas rendu compte que son murmure intérieur était devenu audible. Avec un air gêné, il se détourna. Dans notre tête à tous, j'en suis intimement convaincue, il était passé d'un coup la crainte d'être en présence d'un jeune kamikaze. S'il avait poursuivi son monologue extérieur, nul doute que quelqu'un lui aurait sauté dessus.

Et me revient en mémoire une anecdote survenue il y a deux mois, alors que je dînais dans un restaurant éthiopien près de la place de Clichy, dans le 17ème arrondissement, avec un ami djiboutien de passage à Paris. Nous étions au milieu de la salle, en plein brouhaha, lorsqu'un claquement sec se fit entendre dans la rue. Instantanément, toutes les conversations se turent. Un silence pesant régna dans la salle et les regards se tournèrent vers la terrasse. L'attitude tranquille du serveur en train d'apporter une injera - le plat traditionnel éthiopien - à l'une des tables rassura tout le monde et les discussions reprirent. Je fis remarquer à mon hôte qu'une telle réaction n'aurait jamais eu lieu avant le 7 janvier dernier, date de l'attentat contre Charlie Hebdo et l'Hyper-Cacher de Vincennes. Il acquiesça, et me rappela à quel point le temps est notre meilleur allié : il nous soigne et nous aide à oublier les épisodes difficiles de notre vie.

Cette fois-ci, il a été impossible de manifester notre émotion collective, si ce n'est par cette minute de silence qui a eu lieu un peu partout à Paris. J'y ai participé, bien sûr, et à plusieurs reprises. Mais je crains qu'une seule minute, même multipliée par cinq ou six, soit largement insuffisante pour effacer des heures de cauchemar.


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