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Paul Le Jéloux | [Aurai-je le plaisir de t’aimer]

Publié le 05 janvier 2016 par Angèle Paoli

[AURAI-JE LE PLAISIR DE T'AIMER] A urai-je le plaisir de t'aimerPaul Le Jéloux,
métaphore feuille d'aube enroulée
moi le paysan de lumière
toi sel de vérité
toutes les vérités se font signe
et le poète tremble sur ces bords :
virginité, l'éternel retour.
La vie est pauvre, nous le savons bien :
exilée de mots dans la pâte cosmique
science, néant
les discours, les hasards de la jeunesse ;
mieux vaut le patriarche et ses proverbes,
La Bible, bulle des purs.
Le Sang du jour, Obsidiane, Collection Les Solitudes, 2001, page 11.
Paul Le Jéloux  |  [Aurai-je le plaisir de t’aimer]

N.B. : [Paul Le Jéloux] était, il est à jamais, à mes yeux, l'un des plus grands poètes de notre temps. Sûrement, de ma génération (à quelques années près), le plus doué, en tout cas le plus purement et exclusivement poète, car il n'a vécu pour rien d'autre que pour la poésie ; et même dans les longues périodes où il restait sans écrire, il vivait au milieu des poèmes et lisait inlassablement, avec passion. [...] En 1983, L'Exil de Taurus, publié chez Obsidiane (où sont parus tous ses recueils) avait été pour beaucoup de lecteurs une révélation. Premier miracle amplement confirmé, en 1990, par Le Vin d'amour, son premier grand chef-d'œuvre. C'est cette année-là que je l'ai connu, après avoir écrit un article enthousiaste sur ce livre qui ne ressemblait à aucun autre, par sa forme autant que par son climat spirituel. A trente-cinq ans [...] Paul était d'une beauté rimbaldienne, avec le même passé immémorial de paysannerie que Rimbaud. Un Breton, comme Rimbaud était Ardennais. Amoureux des langues qu'il avait apprises, à commencer par le breton, justement. Il traduisit plusieurs poètes irlandais et aussi des poèmes de David Gascoyne.

Vingt-cinq ans d'amitié, de lectures communes, d'échanges, devaient aboutir à la parution de son prochain recueil dans la toute petite maison d'édition que je viens de fonder avec mon ami Philippe Giraudon. Il venait de nous envoyer le manuscrit par internet. Nous le publierons, mais hélas sans lui. Maintenant, je relis ses lettres, ses poèmes, et j'éprouve déjà son absence comme une immense blessure parce que sa voix est cruellement devenue cette " voix sans personne " dont parlait Jean Tardieu. Difficile de ressentir plus physiquement à quel point c'est à l'heure de la mort que l'œuvre, si " dés-œuvrée " ait été sa genèse, devient œuvre. [...]

Jean-Yves Masson
Professeur à Paris-Sorbonne
(30 décembre 2015)
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