Magazine Talents

Alan Beffroi #11 (inédit)

Publié le 11 janvier 2016 par Yannbourven



Alan Beffroi #11 (inédit)




Le théâtre des opérations. 

    La Lune avorteuse est pleine. Retour sur le trottoir, à l’endroit même où ils ont ramassé l’enfant… Alan se penche et trouve une place de spectacle coincé sous une pierre. Pour une pièce que l’on donne juste à côté, au théâtre des Bouffes du Nord. La Tempête, de Shakespeare, mais le titre est rayé, comme si la pièce avait été annulée, allons y jeter un œil, je ne risque rien. Il s’approche de l’entrée, les rideaux sont tirés. A côté, une affiche a été collée sur le mur, sur laquelle on peut lire ce titre écrit à la main : La Tempête mentale. Il frappe à la porte. Il y colle son oreille, de la musique, des voix, comme dans une fête privée. Un homme lui ouvre la porte, il se présente, c’est la barman du théâtre, Alan entre, les gens un peu trop chics le dévisagent, happy few pédants, Alan s’installe au comptoir, un peu à l’écart, le barman lui sourit, et lui sert un verre de Chablis, Alan le boit d’un trait, le barman lui remplit un autre verre, et s’en sers un pour lui, ils trinquent à la santé du théâââââtre… et se mettent à rire bruyamment. Une vieille femme rousse-noble s’approche, Alan se retourne.     Bonsoir jeune homme, on vous attendait…    Comment ça ? Je comprends pas.    Patience… Le spectacle va bientôt commencer.    Parvenu ! hurle le barman en désignant Alan du doigt.    Pourquoi tu me sors ça ? J’ai rien demandé moi !    Ah oui, c’est ça ! T’as rien demandé ! Ferme ta gueule, tu m’énerves… lui répond le barman et il se tord de rire.    Alan beffroi aimerait bien comprendre. Il questionne des yeux le barman qui semble ne plus vouloir lui parler, il reste muet, il l’évite, essuie ses verres sans lui prêter attention, Alan observe le lieu, tous ces gens hautains qui parlent entre eux, et qui font comme si il n’était pas là, merde qu’est-ce qui se passe ici, je n’existe plus ? Oh, monsieur ! Qu’est-ce que je vous ai fait ? Y ‘a pas deux minutes, on était les deux meilleurs potes ! Oh ! Vous seriez pas un peu lunatique ! Gros con ! Le barman le regarde méchamment, on peut dire que c’est un beau bébé, du genre imposant, et d’un ton sec il lui demande de payer les verres de Chablis, alors Alan s’exécute.     Mesdames et messieurs, je vous invite maintenant à me suivre ! Les acteurs sont prêts !, dit la vieille femme rousse en souriant.    Tout le monde se presse dans une salle obscure. Guidés par deux ouvreuses, les gens s’installent en silence sur les sièges de ce très beau théâtre à l’italienne plein à craquer, Alan s’est assis au balcon. On allume soudainement les lumières, et Alan, après une seconde de d’hésitation, se met à crier ! Les gens lui demandent de se taire, chut enfin ! Mais c’est pas vrai, taisez-vous, nom de Dieu ! Il se lève ! Erin ! Erin ! Attends, bouge pas !      Erin est allongée sur le dos, complètement nue, et Percy est assis à califourchon sur son torse, lui tenant les bras afin qu’elle ne puisse l’empêcher de bouffer le cou. Étonnement : ce petit de 6 ans est physiquement beaucoup plus fort qu’elle, et il lui suce le sang tranquillement, il la dévore tel un vampire, silence dans la salle. Erin hurle, arrête, arrête je t’en prie, help me ! Help me ! Alan ! Sauve-moi, please ! Help ! Alan s’empresse de descendre, mais deux gros  hommes en sueur l’empêchent d’atteindre la scène, il hurle, on le bâillonne, et on lui attache les poignets derrière le dos, avant de le ramener à son siège. Par derrière, tapi dans l’ombre, un homme lui maintient la tête droite, de telle sorte qu’il est contraint de regarder ce spectacle macabre.Le public semble totalement fasciné par la scène, certaines personnes sourient en se cambrant, d’autres se pourlèchent comme si elles prenaient du plaisir. Il fait très chaud. Le décor se craquelle, les murs oranges ondulent sous les cris glaçants de la belle Anglaise.     Percy (se relevant) : fausse maman ! Espèce de voleuse de rêves !    Erin : Arrête s’il te plait ! Laisse-moi partir, Percy… Tu fais peur à moi, tu es un petit garçon, tu es pas un monstre…    Percy (se calmant un peu) : ce sont les anges aux dos brûlé qui nous forcent à ralentir, espèce de voleuse de rêves, de fausse maman…    Erin (tentant de s’échapper) : Je veux partir, no, please, où est la sortie ?    Percy (se jetant sur elle, et la plaquant sur le sol) : ce sont des anges au dos brulé qui nous forcent à ralentir.     Erin : Je vais mourir, pourquoi faire du mal à moi ? Pourquoi ? Tu es enfant, tu es doux !    Percy : les hommes occupés, dont l’esprit a été minutieusement formaté pour convenir à la société, alourdissent le Temps, s’en font des statues de pierre froide qu’ils oublieront tout au fond d’un terrain vague.    Erin :  écoute, please, écoute-moi. Je veux être libre. Laisse-moi partir. Voir le soleil se lever. Libre.    Percy : les Hommes Penchés se foutent éperdument du mot Liberté. Les Hommes Occupés, ne laissent rien traîner au hasard, tout a été écrit pour eux, le système terrain vague qui bientôt sera exploité, ne pas se pencher par-dessus bord, promis qu’ils sont tout à fait immortels, alors ils vaquent à leurs occupations, sans faire de vagues, en se fondant dans la masse productive, laborieuse, luttes. Grand Soir Sauvage, quand ? Attendre insurrection.     Erin : tu me fais mal, tu parles comme un marxist software déréglé, stop it, don’t kill me, arrête.    Percy : anges crissent, ailes de normalité dans coffres de saccage, de à au monde, exploité, et manipulations, ralentir, qui de eux, sont formatés inutiles, étés, espoirs, calices, l’esprit se tend, réussite tomber Ombres perverses, terrains. Tout est là autour elles, les Ombres, chiennes réveillées, crissent, faire et Ombres, et elles sans leur déléguer quoi que ce soit décolleront, tout elles maman ? Maman, maman, maman !    Erin : je vais retrouver ta maman, i promise, elle se sera là, près de toi, trust me baby.    Percy (lui tétant un sein, avant de l’arracher) : quoi regardez par-delà de maman se prennent qu’ils chèrement arbitre pitié !     Erin s’est évanouie, la public applaudit et siffle en même temps, des hommes hurlent, réveillez-la, c’est un scandale, réveillez-la ! La vieille femme rousse-noble, un peu gênée, apporte un seau rempli d’eau glacée, et le petit Percy attrape Erin par les cheveux et lui plonge la tête dans le seau, puis il lui file des claques, jusqu’à ce qu’elle se réveille enfin.    Alan se débat comme il peut, mais l’homme de l’ombre tient bon, le maîtrise coûte que coûte, regarde le spectacle, crétin. Reste tranquille ou je te tords le cou. Alan doit supporter ce carnage.    Percy : ce sont les anges aux dos brûlé qui nous forcent à ralentir, espèce de voleuse de rêves, de fausse maman…    Erin : Help, help, helphelphelphelppppp.    Percy : les Ombres perverses flottent et nous griffent et nos peaux transparentes se déchirent les Ombres perverses crient regardez elles nous réveillent. Les Ombres perverses crient, elles flottent maman ? Monde de jour et ralentir le retrouver et le tuer regardez-les elles me prennent alignent les faits les songes sont au-dessous impatients avides d’infini ils décolleront partiront au loin par-delà les barres d’immeubles et les océans des prières adressées à maman des larmes de sang dans des calices maman crie en fausses couches ! Ce sont les anges au dos brulé qui nous forcent à ralentir !… Défendant leurs places chèrement acquises, traité de manipulation, seuls au monde, contre tous, sans pitié, réussite  carrière, confortés, calés dans la marchandise, ivres de normalité, lapidant cette planète qu’ils ont préalablement violée, de père en fils… CE SONT LES ANGES AUX DOS BRÛLÉ QUI NOUS FORCENT À RALENTIR !     Erin : no ! It’s not my fault…     Percy : le libre arbitre s’est échappé par l’écran-fenêtre, l’esprit critique provoque des nuées de mal de tête, déléguer les espoirs, se faire avoir, voter, ne pas voter, compter, se laisser porter, s’ « indigner » et rentrer chez soi, s’endormir, ne plus rêver, se réveiller. Tandis que les Hommes Penchés se rassembleront au crépuscule !     Erin : je vais mourir à cause de eux ! Stop !    Percy (arrachant la langue d’Erin) : ne pas tomber malade, si tu veux je te dis quoi penser, capitule coffre en saccage monde de jour et ralentir maman crie en fausses couches monde de jour et ralentir s’amène l’Homme Penché le retrouver et le tuer il faut tous les tuer les Ombres perverses sont de retour regardez-les tout autour regardez elles flottent comme des tombes ailées, maman ? Il a été convenu ce qui suit : les Ombres perverses sont de retour : et vive la Réalité-nuit !Percy dévore Erin… Il la vide entièrement… 
    Noir.
    Le public applaudit, mouvement de foule, et puis Alan est expulsé manu militari par la vieille femme rousse-noble et le barman… Il se retrouve dehors assis sur le trottoir, hébété, observe ses pieds en pleurnichant. Il décide de sortir, rejoindre un ami à lui, Tom B, dans un bar de nuit de la rue de Muller à Montmartre…    Yo mec, comment tu vas ? Tu prends un shot de vodka avec moi ?    Ouais, merci… Toi, ça va ?    Tiens, santé !… Moi je vais bien, j’ai trop faim, faut que je passe acheter un truc à grailler à la bougnoulangerie… Tu veux que je te prenne un fricassé tunisien ?    J’ai pas faim, j’ai un peu trop forcé sur la shnouf, trop coupée au speed de merde…    T’as aimé mon live hier ?    Ouais, c’était excellent…    Pourtant j’étais pas en forme… en plus j’ai pas été payé… la musique ça rapporte plus rien par ici, on n’est pas à Berlin, enfin moi j’aimerais bien me casser à Détroit, jouer dans les ruines, tu vois c’que j’veux dire, mais bon le billet d’avion est trop reuch, t’as vu, bref ! Et toi ? Il parait que t’es dans la merde !… le patron du rade de la rue de Belleville te cherche partout… Je l’ai vu tout à l’heure en bas vers Pigalle, paraît que t’aurais tapé dans la caisse… Et surtout que t’aurais mordu une fille au cou, une Anglaise ou j’sais pas quoi…    Quoi ? Mais non, je te jure que…    Bref, moi je c’est pas mon problème, mec !… Dis-moi, t’as pas une trace à me dépanner ? Ou un numéro ? Mon dealer répond plus, j’suis sûr qu’il est tombé, ce con.    Non j’ai plus rien… Ecoute, je suis fatigué, faut que j’y aille…(Image :  Objet de prémonition, Pommereulle)

Retour à La Une de Logo Paperblog

Magazine