Magazine Journal intime

Quand Les Têtes Raides Me Laissent Sur Le Cul...

Publié le 16 juin 2008 par Mélina Loupia
Quand Les Têtes Raides Me Laissent Sur Le Cul...N'en déplaise à Raoul, hier soir, j'ai failli. Je suis allée à mon baptême de concert. Non pas que je n'aie jamais assisté à ce genre de culture de plein air sans filet ( range tes sarcasmes Raoul ), mais que je n'avais jamais jusqu'ici prêté une oreille attentive aux artistes qui allaient se produire sur la scène de ce petit village qui abrite ma douce voix de Roger toute la semaine. C'est donc à Marseillette que nous voilà rendus, Copilote, Troicencette et un sac de malbouffe à emporter. Manger en quinze minutes avec la fébrile attente que ça commence, et le tout sous l'oeil vigilant de trois autres qui appartenaient à une paire de chiens liés par la filiation qui jalousaient nos sandwiches pourtant immondes tout en espérant que nous allions leur laisser les restes, c'est aussi aisé que de relire cette phrase à voix haute avec un sandwich dans la bouche. Malheureusement, aujourd'hui, même les chiens subissent l'inflation que leurs maîtres encaissent de plus en plus difficilement. Alors imaginons un peu ceux qui n'en ont pas. De chiens. Mais soit. Après un duo de cafés noirs bien serrés pour assurer toute la soirée, gentiment offerts par Marie bien seule ce soir-là, le moment où tout commence approche à grands pas que nous nous empressons d'aligner les uns derrière ou devant les autres afin de gagner l'esplanade, la scène, les bruits, les odeurs, les gens et ce que les vrais artistes appellent l'énergie. Ma première surprise a été le nombre calculable mais fourni de personnes qui m'ont reconnue. "Pour une fois qu'ils me reconnaissent pas parce que je suis au bras du vendeur d'ordinateurs... -Tu vois ce que ça fait d'être connu dans tout le canton... -Oué, et franchement, ça fait bien plaisir, je comprends Jacques Chirac quand il prenait ses bains de foule et en ressortait détendu comme après un orgasme." La seconde, et de taille, j'en reste encore bouche -bée, heureusement qu'en toute bonne fan qui se respecte, telle l'asiate face à la tour Eiffel, j'avais pris de quoi immortaliser l'instant. Dès l'instant où Copilote, solennel, m'a demandée de me retourner afin de m'enfiler le pass' autour du cou, je n'ai plus fonctionné autrement que par sensations. L'odeur de la baraque à frites et Mathieu qui tente d'amortir son investissement. Le brouhaha des buveurs de tout et de rien agglutinés à la buvette, les petites abeilles en jaune et noir qui s'affairent autour des fûts ou des congélateurs pour étancher les soifs. Les portes des toilettes écolos qui s'ouvrent et se ferment déjà frénétiquement. L'odeur de la sciure qui me rappelle tellement mon grand-père et son atelier de menuiserie. Les pas lents et concentriques des forces de l'ordre qui ont veillé au grain toute la soirée et qui tournaient comme des rapaces autour de leurs proies suspectes. Les cris et les sifflets de ceux qui approuvent ou détestent les premières parties qui vont et viennent sur la scène. Les rires qui éclatent ça et là, spontanément, entre les gradins, la route en dessus et la fosse. Le tabac blond, brun, léger ou plutôt chargé qui se promène au gré du vent. La nuit dans laquelle nous nous lovons tous avec plaisir, impatience et espoir. Au moment où quelques étoiles s'allument enfin dans le ciel, les projecteurs s'éteignent sur scène. Pour se rallumer dans une saturation de lumières et de sons. "Et merde." Une voix. Des voix. Une joyeuse bataille rangée d'instruments et de voix qui se sont accordées toute la soirée. Une acoustique tellement parfaite que je n'ai pas terminé mon verre de jus d'orange pétillant tant ce que j'entendais et voyais me rassasiait. Des cris. Des souffles. Quelques respirations. Alors que quelques minutes avant le début, j'avais fait remarquer à Copilote l'étonnante disparité des genres, des sexes, des tranches d'âge ou encore de style vestimentaire, il avait suffit de quelques Têtes Raides pour mettre tout le monde au diapason. Juste avant la fin, les projecteurs se sont balancés comme des bateaux ivres dans la foule. Malgré la clarté faite sur nous, je n'ai vu qu'un corps sautillant, les bras levés, à l'unisson vers la scène. Tous pareils. Tous unis. Pour la musique. Puis il y a eu ce final. J'ai longtemps hésité à entamer la valse à laquelle j'étais invitée. Après la fanfare, Fan et moi avons voulu saluer Les Têtes Raides derrière la scène, à l'heure ou les bilans se font et la pression retombe comme le soufflet de cet accordéon magique. Nous avions répété notre entrée et nous sommes vautrés comme des bleus. Comme deux ados devant Tokio Hôtel. Nous avons vécu je pense le plus grand moment de solitude que l'espère humaine puisse supporter. Mais il valait la peine. Je n'oublierai jamais que j'ai tenu dans mes mains le briquet de Christian Olivier.

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