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Pour tout dire (78)

Publié le 13 novembre 2016 par Jlk

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À propos de la morosité désabusée et de l'optimisme béat voire béant. De l'hédonisme morose et des raisons déraisonnables d'espérer. Qu'une autre vie est possible et que ce n'est pas une rêverie creuse. Quand Toni Morrison et Hölderlin la ramènent. De l'expérience humaine et de la vraie nouveauté documentée par le film Demain...


Pour Sophie et Florent, Julie et Gary, Lady L. et les autres...

"Au milieu des pires saloperies humaines perdurent leurs contraires: entraide, détermination, vitalité, projets, courage, douceur", écrit Jean-Claude Guillebaud dans un grand petit livre datant de 2012 et réédité récemment, dont le titre proclame tranquillement qu'Une autre vie est possible et qui relance notre indignation contre la morosité désabusée de ceux qui ne croient plus à rien, sans donner pour autant dans un optimisme que Georges Bernanos qualifiait de "fausse espérance à l'usage des lâches et des imbéciles ".

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Avant d'être l'auteur d'une série d'essais très éclairants sur notre époque et un passeur d'idées nourri des meilleurs esprits de la France intellectuelle non inféodée aux idéologies mortifères ou aux modes volatiles (de Jacques Ellul à Edgar Morin en passant par Michel Serres et René Girard), Jean-Guillebaud fut le témoin, sur le terrain, des "pires saloperies humaines", du Vietnam au Liban ou du Biafra à Sarajevo, notamment.
"Le cynisme me fait horreur", poursuit -il. "Et la désillusion m'apparaîtrait comme une trahison. Mon optimisme n'a pas "survécu" aux famines éthiopiennes , aux assassinats libanais ou aux hécatombes du Vietnam. Tout au contraire, il leur doit d'exister, il s'est nourri et fortifié de ce que j'ai vécu là-bas."


Ce grand reporter qui ne se la joue pas star du scoop mais accorde autant d'attention aux "pires saloperies humaines" qu'aux gestes moins spectaculaires de la solidarité et de la survie obstinée, fonde sa réflexion sur l'observation de ce qu'il y a de meilleur dans notre espèce à double face d'ombre et de lumière: "De façon très concrète, cette espérance correspond à des maisons dix fois détruites et dix fois reconstruites, à des répressions policières mille fois défiées, à des iniquités dénoncées, à des familles endeuillées mais à nouveau debout, à des joies collectives toujours renaissantes après l'horreur ".

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Or une autre forme d'horreur m'apparaît ces jours, devant l'annonce hideuse de nouveaux prétendus lendemains qui chantent, sous les dehors d'un retour au "réalisme " dont Bernanos, encore lui, disait qu'il fondait "la bonne conscience des salauds". Ainsi Donald Trump sera-t-il enfin plus "réaliste" que le rêveur Obama, à la pleine satisfaction de ceux qui voient en les Lois du Marché un dogme "réaliste " par excellence , en Europe autant qu'aux States et en Suisse autant qu'en Europe - en Suisse où le "réalisme " consiste à sécuriser le territoire et les jardins privatifs quitte à flinguer vite fait tel jeune Congolais agité ou à pousser les jeunes réfugiés au désespoir, au dam de ceux qui défendent une tradition généreuse non moins réelle.


Jean-Claude Guillebaud plaide contre la peur, rejoignant la romancière noire Toni Morrison qui parle elle aussi d'expérience. Ainsi tweetait-elle le jour même de l'élection du nouveau président aux idées rances: "C’est précisément maintenant que les artistes doivent se remettre au travail. Il n’y pas de place pour le désespoir, l’auto-apitoiement, le silence ou la peur”...

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Après l'effondrement du Mur de Berlin, le poète Claude Roy (de quoi je me mêle ?) détona sur l'euphorie ambiante en s'exclamant: "C'est très bien , mais qui va faire peur aux riches maintenant ?" Et sans doute, avec l'avènement des cyniques au sommet des Etats, les riches auront-ils de moins en moins peur. Mais un autre poète, visionnaire politique à ses heures, du nom de Friedrich Hölderlin, fait écho à son tour à l’ancien communiste et à la négresse: “La où est le danger croît aussi ce qui sauve”. Ou encore: “Que serait la vie sans espérance ?”


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Retour alors, précisément, à l'espérance qui ne soit pas que vaine parlote, alors, avec cette autre réalité, dont parlent autant Jean-Claude Guillebaud que Jean Ziegler dans son dernier livre, de la myriade d'associations non institutionnelles se développant dans le monde au nom d'un autre réalisme, et défiant toute peur.


Contre la prétendue nouveauté des alternances binaires, un autre demain se prépare peut-être, dit-on. On verra ça demain même si tout se trame dès aujourd'hui et depuis des lustres. Ah mais ça tombe bien, demain c'est lundi et je passerai, comme promis, chez Karloff ou m'attend le DVD de Demain...

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