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100 % des voix, 67 % d’abstention, 23 % de blancs et nuls

Publié le 18 juin 2012 par Pierrepaperblog

Il y a parfois des élections dont l’intérêt ne réside pas dans le score obtenu par le vainqueur. C’était le cas dimanche 17 juin au soir, dans la 4e circonscription de Seine-Saint-Denis, comprenant les villes du Blanc-Mesnil, de Stains, de Dugny et de La Courneuve, rattachée pour la première fois à ses voisines dans le cadre du redécoupage électoral. Sans surprise, la communiste Marie-George Buffet, secrétaire nationale du Parti communiste français (PCF) pendant neuf ans, y a été élue députée, avec 100 % des voix : pour ce second tour, elle était en effet seule en lice, conséquence de l’accord de désistement réciproque conclu entre les fédérations PS, EELV et le PCF dans ce département où François Hollande a été plébiscité lors de la présidentielle.

De la même façon, les socialistes Bruno Le Roux (1re circonscription), Elisabeth Guigou (6e circonscription) et Razzy Hammadi (7e circonscription) et le Front de gauche François Asensi (11e circonscription) ont tous été élus dimanche avec 100 % des voix, à la faveur d’un désistement à gauche.

Le 4 juin, Marie-George Buffet participait à un

Le 4 juin, Marie-George Buffet participait à un "rassemblement festif" organisé par le Front de gauche sur la place de la Fraternité, à La Courneuve. © E.R

L’accord, qui profite tantôt aux socialistes tantôt aux communistes dans toutes les élections du département ces dernières années, est censé éviter les duels entre deux candidats de gauche : ceux arrivés en deuxième le 10 juin devaient se désister en faveur de ceux arrivés en tête. Le pacte de non-agression était tel que le Parti socialiste a choisi de présenter de jeunes candidats inexpérimentés face aux figures locales du Front de gauche, comme Mme Buffet ou l’ex-communiste (aujourd’hui membre de la Fédération pour une alternative sociale et écologique, FASE) Patrick Braouezec, à Saint-Denis.

De même, il n’a jamais été question pour le socialiste Daniel Goldberg, député sortant de l’ancienne circonscription La Courneuve-Aubervilliers, de défier Mme Buffet dans la nouvelle circonscription Blanc-Mesnil-La Courneuve. Il a par contre bataillé ferme pour obtenir l’investiture sur Aubervilliers-Pantin, où c’est l’ancienne ministre Elisabeth Guigou qui a été parachutée. Finalement envoyé à l’autre bout du département dans la circonscription d’Aulnay-Bondy, Daniel Goldberg y a ravi le siège à l’UMP.

PRONOSTICS DÉJOUÉS

Tout devait donc se dérouler sans accroc. Mais c’était sans compter sur le libre-arbitre des électeurs qui, à Saint-Denis, ont déjoué les pronostics en préférant, au premier tour, le jeune socialiste de 34 ans Mathieu Hanotin, au député sortant en place depuis dix-neuf ans, M. Braouezec. Il n’en fallait pas plus pour semer la zizanie durant l’entre-deux-tours.

Faisant fi de l’accord, M. Braouezec a décidé de se maintenir, mettant indirectement en péril Mme Buffet dans la circonscription voisine : car le PS, en représailles, aurait pu choisir de maintenir face à elle la jeune Najia Amzal, 30 ans, que Mme Buffet, députée depuis 1997, n’a dépassée que d’une courte tête au premier tour (33,64 % contre 30,49 %) sur la circonscription. Battue à Stains, Dugny et à La Courneuve – où le maire, Gilles Poux, était pourtant son suppléant –, Mme Buffet ne doit sa place qu’au bon score obtenu dans sa ville du Blanc-Mesnil, important contingent d’électeurs.

COUP DE THÉÂTRE

Pour éviter ce duel à l’ancienne ministre, le Front de gauche a donc dû, à contre-cœur, apporter son soutien officiel, à Saint-Denis, au socialiste Mathieu Hanotin, laissant M. Braouezec se présenter seul comme dissident divers gauche. Et Mme Buffet a officiellement dû faire de même.

Mais en milieu de semaine, coup de théâtre : « Mais qui Buffet soutient-elle vraiment ? », titre Le Parisien. Le quotidien révèle que si le soutien de Marie-George Buffet figure bien sur la profession foi du candidat socialiste, « Patrick Braouezec assure avoir reçu à 18 h 30 un coup de fil de la même Buffet l’assurant de son soutien total ». Elle lui a d’ailleurs fait parvenir « un témoignage publié dans le fameux 4 pages du candidat, où elle dit tout le bien qu’elle pense de [lui]« . Une position ambiguë que reconnaît d’ailleurs M. Braouezec dans cet extrait vidéo de son meeting du 14 juin posté sur son blog, où il évoque l’article du Parisien (à 4’32).

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Le même jour, la candidate socialiste Najia Amzal fulminait sur son blog en évoquant la « duplicité » de Mme Buffet, qu’elle appelait à « clarifier la situation d’urgence », menaçant d’appeler au vote blanc ou nul. Elle en profitait au passage pour semer le doute, sans en avoir l’air, sur le bon score de Mme Buffet au Blanc-Mesnil au premier tour : « Les électeurs m’ont placée en tête dans trois villes (La Courneuve, Stains, Dugny) sur quatre de la circonscription, avec 759 voix d’avance. Ce n’est qu’avec le surprenant résultat du Blanc-Mesnil, proclamé seulement après 23 heures, que la candidate communiste me devance de 3 petits points au final », écrit-elle sur son blog. Ce billet fut le dernier épisode de cette agréable et constructive campagne d’entre-deux-tours.

« TOUTES CES MAGOUILLES »

Dimanche, c’était enfin aux électeurs de donner leur avis. Dans la 2e circonscription (Saint-Denis), ils ont désavoué M. Braouezec (46,50 %), donnant 53,50 % de leurs voix à M. Hanotin. Dans la circonscription de La Courneuve, il n’y avait pas d’enjeu : Mme Buffet se présentait seule. Son score de 100 % ne dit donc rien sur le ressenti des électeurs.

L’abstention, par contre, y a battu un nouveau record pour une élection législative dans la circonscription : 67,61 % des inscrits ne se sont pas déplacés – soit plus de 40 000 personnes sur les quelque 60 000 inscrits. Et parmi les rares votants, on trouve un nombre impressionnant de bulletins blancs ou nuls : 22,86 %. Plus d’un électeur sur cinq s’est donc déplacé uniquement pour dire son mécontentement. En tout, c’est ainsi 75,1 % de la population de la circonscription qui ne s’est pas prononcée dimanche : plus de trois électeurs sur quatre. Drôle de manifestation démocratique.

« Les gens ne comprennent pas tous ces arrangements, toutes ces magouilles », confiait ainsi lundi 18 juin au matin une habitante de La Courneuve. Dimanche, elle nous avait écrit un long mail, furieuse de n’avoir pas eu de choix au second tour. « J’estime avoir été trompée par cet accord qu’il y a eu. Car enfin, le désistement républicain, c’est bon quand on doit barrer la route au FN, mais là, il n’y avait pas de risque ! », explique-t-elle, amère. « Pourquoi ne pas nous laisser le choix ? »

A. L.


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