Magazine Journal intime

J'ai vu Jean-Philippe Darcis... en vrai !

Publié le 23 juin 2008 par Anaïs Valente
Après Arthur presqu'en vrai, après Christophe Willem en vrai, voilà que j'ai rencontré Jean-Philippe Darcis.  Monsieur Darcis.  Le célèbre Monsieur Darcis, pâtissier et surtout fabricant de macarons qui font baver le monde entier et Paris...  Prononcez Darci, sans le S, comme Monsieur Darcy cher à Jane Austen.
Flash back.
Samedi 21 juin.
C'est l'été.
J'ai mal à la tête.
Mais je brave la douleur et je pars à l’aube (ah si, partir un samedi à 9h49, c’est l’aube, je vous le dis) vers la gare et le train qui me mènera, je l’espère, à Verviers, siège de la société de Monsieur Darcis, que, pour l’occasion, je me permettrai d’appeler Jean-Philippe, ce sera plus simple (en espérant qu’il ne m’en tiendra pas rigueur et ne me fera pas livrer mon poids en macarons à l’ail et au poivre en guise de représailles).
Grâce à mon sens de l’orientation inné, ainsi qu’à trois cartes, deux plans et un croquis reçu de Jean-Philippe, qui n’a pu résister à mes mails angoissés « oùske vous êtes ? comment vous trouver ? pitiéééé aidez-moi », j’arrive à l’heure pour l’atelier et me joins aux quelques dames qui attendent déjà.  Des dames... oui, uniquement des dames.  J’abandonne illico mes rêves de grand brun ténébreux venu apprendre à faire des macarons pour me séduire, et fais connaissance avec le harem de Jean-Philippe.  12 participantes.  Je suis la 13e, argh, pourvu que ça ne fasse pas tourner la crème pâtissière, brûler le chocolat ou pourrir les fraises.  J’annonce immédiatement la couleur à mes comparses d’une après-midi : je ne mettrai pas la main à la pâte et me contenterai d’observer, de photographier et de noter sur mon joli carnet tout chic tout neuf sorti pour l’occasion, le tout pour un article.  Je précise immédiatement qu’il s’agit d’un article pour le web, au vu de leurs regards soudain interrogateurs, me faisant un bref instant croire que je suis une journaliste célèbre.  Que nenni.  C’est juste pour internet, mes bonnes Dames.
Jean-Philippe nous rejoint vers 13h30, tout de blanc vêtu, manches longues malgré la chaleur, et nous emmène à l’atelier, via un labyrinthe de couloirs, d’escaliers et de cuisines.  Toutes ces dames, prévoyantes, ont pris des tabliers, blancs, bordeaux, à froufrous ou à fleurs.  Moi, bien entendu, je n’ai rien pris et je sens que les citrons, les fraises et le chocolat vont se précipiter sur moi comme la gale sur le bas clergé (j’ai lu cette expression sur un blog, mais je me demande s’il ne s’agit pas plutôt de la petite vérole ou de la syphilis, mais qu’importe).
Le menu est donc annoncé : macarons au chocolat, tartelettes au citron meringuées et éclairs à la crème au jasmin et fraises fraîches du pays.  Argh.  Je sais, à ce moment précis, vous me haïssez.  Je vous comprends.  Et je vous pardonne.
Jean-Philippe nous donne les recettes des trois desserts (moyennant gros pots de vin, je peux envisager l’éventualité de vous les céder, si vraiment vous êtes très très gentils) et c’est parti pour une après-midi gourmandise.  Il maîtrise parfaitement son sujet, passant d’une recette à l’autre en fonction de ce qui doit refroidir, cuire, durcir ou autres verbes réguliers en -ir.  Une participante surveille la cuisson d’une préparation (une fameuse responsabilité que je n’aurais endossée pour rien au monde, my god) pendant que nous observons le maître à l’œuvre, et c’est déjà un régal.  Même s’il nous avoue être de moins en moins souvent « aux fourneaux », business oblige (et rançon de la gloire aussi), on sent qu’il est passionné et que c’est cette passion et le goût du travail bien fait, qui ont fait son succès.
Tout en nous expliquant les étapes de la préparation des trois desserts, il nous livre certaines anecdotes rigolotes (c’est qu’il a le sens de l’humour, en plus) et détails passionnants de sa profession, ses études, sa société, et ses recettes, comme les points noirs de véritable vanille contenus dans sa crème pâtissière, parfois mal vus par la clientèle et considérés comme « des crasse »s (sacrilège, alors qu’ils sont signes de présence de vanille, fichtre*).  Jean-Philippe se raconte en préparant une ganache au chocolat, laquelle servira à farcir ensuite les macarons... L’odeur de la ganache est orgasmique, et je regrette sincèrement que la science n’ait pas encore inventé les PC odorants, vous m’en auriez dit des nouvelles.  En matière d’odeurs, nous serons servies : citron, vanille, fraise, chocolat... De quoi tomber en pamoison.  
Nous entamons la conception des macarons.  Ou plutôt.. conceptualisation... du moins en ce qui concerne ceux de la gent féminine.  Alors que ceux de Jean-Philippe forment un damier régulier, et qu’il semble faire ça avec une réelle facilité, les nôtres sont... de l’art abstrait, de toutes tailles, de toutes formes.  Nous rions beaucoup malgré la concentration intense.  Les miens (oui, finalement, je me prends au jeu, mais refuse que l’on fasse une photo, non mais, le ridicule ne tue pas, mais tout de même, moi en train de cuisiner, ma grand-mère s’étranglerait d’un fou rire dans sa tombe), donc les miens sont tellement gros qu’ils se rassemblent en un genre de bonhomme de neige brun, pour former un trio de macarons indissociable.  La gourmandise est un vilain défaut, je sais...  Au final, nous en comptons 133 : il y aura donc un orphelin, puisqu’un macaron contient deux parties collées par un fourrage (pour les ceusses d’entre vous qui reviendraient du Sahara et ignoreraient encore ce qu’est un macaron).
Les participantes posent un tas de questions dont je comprends à peine le sens : quel type de sucre, eske ça peut cuire dans un four à air pulsé, un four avec ou sans vapeur d’eau (ah bon, les fours contiennent de la vapeur d’eau, première nouvelle, vive le progrès).  Pendant ce temps, je mitraille à tout va, les « mottes » de cinq kilos de beurre (argh, j’ai pris cinq kilos, c’est donc ça... cinq kilos de gras), des « fouets » format géant, une bassine ancienne magnifique, des centaines de macarons découverts dans un coin et Jean-Philippe qui travaille (pour une fois, dirons les punaises que nous sommes).  
En faisant la pâte à choux, il s’emballe, et au lieu des 8 œufs prévus dans la recette, tout en nous parlant et nous expliquant des tas de choses, il ajoute des œufs, encore et encore... 9, 10, 11...  Nous écarquillons les yeux, stupéfaites.  Et il rit.  Il sait ce qu’il fait.  Il a l’œil.  La pâte sera parfaite, bien sûr.
Nous entamons une discussion sur les macarons, Ladurée, Hermé, qualité, goût, format, prix, succès.  Un conseil à retenir : n’achetez pas des macarons trop petits, ils manquent de moelleux et de fondant, dixit Jean-Philippe, qui se refuse à en faire de trop petits (et je confirme, pour en avoir goûté).
Jean-Philippe est aussi à l’aise avec ses spatules et ses platines qu’avec une horde de femmes gourmandes.  Il nous donne également un tas de trucs utiles pour la pâtisserie, trucs que j’oublie immédiatement (du genre mélanger sucre et eau à 121 degrés, non mais, est-ce que j’ai une tête à avoir un thermomètre de cuisson ?), car je le sais, jamais je ne tenterai de préparer ces gourmandises, j’en suis tout bonnement incapable.  Faut savoir reconnaître ses failles et ses (in)capacités.  Et pourquoi perdre mon temps à faire de la pâtisserie ratée, alors que très bientôt un salon Darcis ouvrira à Namur, j’en suis convaincue.  J’ai entamé ma croisade dès mon arrivée, et n’ai cessé de répéter que ma ville serait parfaite, j’ai bien dit par-fai-te, pour un tel salon, avec sa bourgeoisie, ses dames de la haute et ses tas de gourmandes.
Gourmandes dont je fais bien sûr partie.  Et je déplore que tous ces plats utilisés pour fabriquer meringue italienne, crème pâtissière, crème au citron ou ganache au chocolat se soient retrouvés au lave-vaisselle sans que j’aie pu les relécher, sacrilège.  Gaspillage.  Je parviens tout de même, en faisant ma tête du chat potté de Shrek, à manger le demi-macaron orphelin prévanté, recouvert de ganache.  Un régal.  Mais un peu dur, comme l’avait prévu Jean-Philippe : un macaron se mange le lendemain de sa préparation, retenez (et pour avoir mangé mes cinq précieux miens hier, je confirme, le lendemain, c’est un régal, mais un régal, vous n’imaginez pas ce que vous avez manqué, troooooop booooon).
Durant les finitions, savoir le fourrage et la décoration, le silence est religieux.  Nous observons le chef, admirant sa rapidité et sa dextérité.  Waw !  Une séance de photos s’impose.  Je mitraille à qui mieux mieux, pour immortaliser cet instant magique.  Nous installons ensuite nos réalisations (enfin, celles de Jean-Philippe, faut pas se voiler la face) pour la photo finale.
18 heures.  Nous repartons, gâtées comme un matin de Saint-Nicolas (ou de Noël), chargées comme des mules, les yeux pleins d’étoiles, les carnets pleins de notes, les estomacs pleins d’envies, et salivant à l’idée de déguster, le soir même, ou le lendemain, nos macarons, éclairs et tartelettes, ainsi que les macarons et pralines que Jean-Philippe nous a offerts.  Sans oublier les achats faits en repartant.  Gourmandes ?  Ben oui.  Vous en doutiez encore ?
Je regagne ensuite ma ville natale, priant Dieu et tous les saints pour que mes précieuses denrées ne soient pas écrasées à l’arrivée.
Je le savais, bien sûr, mais cette demi-journée en compagnie de Jean-Philippe m’a fait à nouveau réaliser combien la fabrication de pâtisseries et des macarons est un art, prend un temps de fou, demande une énergie énorme ainsi qu’un amour de la perfection et justifie tellement le prix de ces petites choses qui séduisent régulièrement nos palais.  Combien chaque minute compte.  Combien chaque degré de température a son importance.  Combien chaque gramme de sucre, de farine ou de chocolat peut tout changer.  Et surtout, surtout, combien il est interdit d’engloutir un si beau et si bon éclair jasmin-fraise comme l’a fait Jean-Philippe, en deux bouchées à peine (ne niez pas, je vous ai vu, nous vous avons toutes vu, vous le savez, Jean-Philippe, ne niez), car une pâtisserie, un macaron, ça se regarde, ça se découvre, ça s’admire, ça se hume, et puis, seulement, lentement, très lentement, avec amour et délectation, ça se savoure.
J'ai toujours mal à la tête.
* à ce sujet, ne vous fiez pas toujours aux apparences, j’ai un jour mangé du yaourt saveur vanille, contenant uniquement des arômes artificiels... malgré les faux points noirs de vanille s’y trouvant.
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