Magazine Journal intime

Édouard et Valérien (suite)

Publié le 14 décembre 2016 par Barbu De Ville @barbudeville
Édouard et Valérien (suite)

**1ère partie Ici**

Conscription oblige

En 1918, c’était la quatrième et dernière année de la Première Guerre mondiale. 1918, c'est l'année de l'enrôlement obligatoire pour tout Canadien français qui avait 18ans, incluant Édouard et Valérien Beauséjour.Les frères Beauséjour reçurent l'ordre de se rendre à Montréal pour signer les fameux papiers et partir vers Val-Cartier. Ils allaient devenir des soldats du mythique 22e régiment. Un régiment ayant seulement des Canadiens français dans leurs troupes.


Pendant qu'Édouard lisait la fameuse lettre, on pouvait sentir une odeur d'urine autour de lui. Le squelette dans le corps d'Édouard a chié dans ses culottes. Édouard n'a fait ni une ni deux, il est parti rejoindre son frère trop jeune pour s'enrôler, Joseph. Il est parti se cacher dans la forêà Mackenzie. Lui qui détestait bûcher du bois, il s'était soudainement découvert une vocation pour le métier de bûcheron.C’était mal connaître l'Armée canadienne. Les ''MP'' avaient pour mission de retrouver tous les pissous qui avaient osé défier l'autorité gouvernementale. ''MP'' c'est pour Military Police ou si vous aimez mieux, Police Militaire. Un gros M avec un grand P, c'est ce quy cherchait notre pauvre gauche à barniques.Avant de s'enfuir dans le bois, Valérien avait dit à Édouard:- Valérien:L'frère on est aussi ben d'aller se présenter au bureau de Montréal plutôt que de se sauver comme des bandits de grand ch'min.Jai la chienne comme toé, mais une chose qui me voleront pas, c'est mon honneur.-Édouard:Moé, j'me pousse pis ton honneur tu peux ben t'le fourrer dans l'cul...Trois semaines plus tard...Édouard est assis à côté de son frère, ils sont rendus à Val-Cartier et ils partagent des lits superposés. Les ''MP'' ont retrouvé Édouard, caché sous une batterie de cuisine dans un camp de bois à Mackenzie.La rumeur qui circule depuis ce jour dans les rues et boulevards de Lachute c'est que le bonhomme Mackenzie a reçu une bonne somme de bills du Dominion pour dénoncer ses bûcherons de fortune. Les ''MP'' n'ont pas eu à chercher longtemps.Le traitement militaire a duré un mois.Course à pied, maniement du fusil, transport de sac à dos, entraînement intense… l'armée canadienne avait pour mission de préparer des simples citoyens au combat. Après un mois de préparation, Édouard était toujours aussi pissou et sur la base militaire, il était devenu l'exemple à ne pas faire.Mais malgré tout, le pays avait même besoin des mauvais exemples.Les Beauséjour et les autres Canadiens français jouaient aux soldats.Les soldats Édouard et Valérien Beauséjour sont partis de Val-Cartier avec le 22e régiment le 6 juillet 1918 vers Chérisy dans le nord de la France.Être ou ne pas être puceauRendus en France, les deux frères avaient un objectif avant d'aller au front. En fait tous les Canadiensfrançais avaient un objectifà part revenir au pays et c'était de ne plus être puceaux. La logique derrière ce fait était ''d'in coup qu'on meurt''.Personne, mais personne ne veut mourir puceau, tout gars qui se respecte veut connaître le plus grand des plaisirs sur cette Terre. Heureusement pour le soldat Canadien français, à cette époque, il ne manquait pas de filles de joie dans le nord de la France.Les deux frères, Turcotte, Loiselle pis Bilou Gagné étaient dans la même condition. Ils cherchaient celle qui allait les faire devenir homme, rien de moins.Un seul des pauvres soldats allait rencontrer son destin, les autres étaient beaucoup trop gênés pour aller demander à une fille de joie. Notre antihéros Édouard par un beau soir a rencontré une belle Française, fille de fermier. Elle était seule et gênée, il était mal habillé, mais décidé. Elle s'appelait Églantine. Elle était plutôt grassette, mais belle comme le jour dans sa robe fleurie. Et avait un sourire à faire tomber un régiment de soldat.Ce qui devait arriver arriva....Le même soir, l'ancien puceau est rentré dans le camp fier comme un paon. Il avait le torse bombé comme un Beauséjour. Tous les gars du 22erégiment lui ont fait la bascule, on avait oublié la guerre pour un instant grâce aux exploits du chevalier à barniques. Tous les gars du camp ont entouré Édouard pour qu'il raconte son après-midi merveilleux...-Bilou Gagné:Envoye, conte nous ça! Elle avais-tu des gros seins ta belle Française?-Lazy Loiselle:Pis ses fesses y’étaient-tu douces?-Le grand slaque à Turcotte: Comment ça marche? Tu rentres ça comment?-Édouard fâché: Heyles gars, un peu de respect pour Églantine.Mon Églantine c'est comme un poème de Nelligan, c'est un vaisseau dor!Pis ce que j'ai vécu avec ma belle Française c'est entre moi pis elle. C'est nos beaux souvenirs. C'est tu clair TABARNAK?Églantine c'est une fille distinguée!-Bilou Gagné:Fa moé rire, distinguée! La fille s'écartille après un après-midi de fréquentation pis tu vas me dire...Bilou n'avait pas fini sa phrase qu'il était sur le cul, se demandant ce qui venait de se passer. Le nouveau Édouard lui avait donné un ''uppercut'' de tous les diables en plein milieu du menton. Ce fut la dernière fois que les gars ont achalé Édouard à propos de sa belle Française.28 août 1918Les soldats du 22e bataillon ne le savaient pas encore, mais ils allaient vivre un moment historique. Ils allaient vivre la grande bataille d'Arras, la deuxième menée par les Canadiens français.Édouard, Valérien, Bilou, Lazy et le grand slaque avaient un rendez-vous avec le destin, celui de jeunes hommes à peine à l'ombre de leurs 20ans.Ils avaient en guise de cadeau, un fusil avec un poignard au boutte, question de continuer à se battre si jamais ils manquaient de balles etun beau ''cass'' en métal qui devenait un bol à soupe si jamais on avait faim.Le temps était gris, c’était un beau temps pour rester sous les couvertures dans le camp et se conter des peurs. Le 22e régiment a attaqué les Allemands de façon magistrale.Un merveilleuxguet-apensqui allait, avec le temps, faire très mal et qui allait mener au traité de paix du 11 novembre 1918.Édouard était dans une tranchée aux côtés de son frère quand un bâton de dynamite a éclaté dans leur trou.Un bruit sourd se fit entendre, le genre de bruit qui vous arrache une oreille et qui vous magane l'autre pour la vie. Le genre de dynamite qui vous arrache une jambe complètement et qui envoie votre chum ''Lazy'' Loiselle en morceaux aux quatre coins de la France.**Pause dans le texte**''Lazy'' Loiselle c'est un gars deSaint-Félicien. Un bon diable pas méchant pour 5 cennes avec un coeur gros de même. Un autre gars qui ne voulait pas aller au front, mais qui sest présenté seul de son propre chef à Montréal pour l'enrôlement. Il était parti de son coin de pays pour la première fois avec comme seul bagage, un sac avec deux tartes aux bleuets de sa mère.Il était juste en arrière de Valérien dans la file de lenrôlement.Un brave soldat ce ''Lazy'' Loiselle et depuis ce jour, il repose en paix aux quatre coins du pays de nos ancêtres.Édouard crie de toutes ses forces, il crie le nom de son frère… un cri qui vient du plus profond de son être.-Édouard: VALÉRIEN, VALÉRIEN, VALÉRIEN, VALÉRIEN OSTIE...Valérien est au sol une jambe en moins, elle a éclaté littéralement.Édouard lui fait un garrot de fortune et l'embarque sur ses épaules, cellesdu chevalier à barniques. À côté d'eux, il y a Bilou Gagnéagonisant. Édouard le prend sur son autre épaule de chevalier à barniques. Comment est-il sorti du trou? Jusqu'à ce jour, ça demeure un mystère!Édouard court sur 4 km avec les deux hommes sur ses épaules. Il se rend jusqu'à une tente de fortune qui servait d'hôpital pour les soldats blessés.Quatre longs kilomètres, pour celui-là même qui avait eu peur de son ombre.-Valérien, une jambe en moins:Mon frère, mon Édouard, j'vas leur dire que t'es brave, que t'étais le plus brave de toutes nous autres. J'vas leur dire que tu nous as traînés sur 4 km. Édouard, c'est un honneur d'être ton frère.-Édouard: Tum'as toujours protégé mon frère. T'as toujours été là pour moé. Pis ya pas un câlisse d'Allemand qui va jouer aux bras avec toé devant moéÉdouard embrasse son frère et met sa main sur son coeur.Il quitte avec les deux mains bien prises sur son fusil en criant...-Édouard: J'aipus peur de mon ombre, j'ai pus peur...Lettre de l'autre bordLa mère d'Édouard a dans sa boîte aux lettres, une lettre de l'Armée canadienne.Il n'est jamais bon signe de recevoir une lettre de l'autre bord en temps de guerre.On peut y lire:Le soldat Édouard Beauséjour sest battu courageusement jusqu'à son dernier souffle. Il est mort comme un brave au front et ainsi il recevra la croix de guerre.Joséphine pleure doucement son fils et embrasse la lettre. Elle pleure celui qui était toujours sous sa jupe. Son petit Édouard tant aiméPour fin historique...Édouard a abattu plusieurs Allemands avec un s.Le grand slaque Turcotte en fut témoin et la preuve vivante jusqu'en 1981. Selon lui, Édouard était le meneur des troupes, le premier au-devant.Trois mois plus tard, c’était la signature de l'armistice, le 11 novembre 1918.À la fin de la Première Guerre mondiale, le 22e régiment compte 1074 morts dont Édouard Beauséjour, ''Lazy'' Loiselle et 2 887 blessés dont Valérien Beauséjour, Bilou Gagné et le grand slaque à Turcotte.Valérienà son retour a fait publier une longue lettre dans le journal local L'Argenteuil pour que plus jamais on nutilise l'expression « Avoir peur de son ombre comme Édouard ». En respect au brave homme qui a combattu pour la paix et pour laisser son frère reposer en paix.Ce qui fut fait et partout dans la belle province, on a respecté ce souhait et depuis ce jour, le nom d'Édouard n'est plus dans l'expression.

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