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Le monde tourne

Publié le 24 juin 2008 par Frédéric Romano
- Lui : T’as vraiment l’air bête la bouche ouverte à regarder le ciel…
- Moi :

-Lui : Hé ! Tu m’entends !?
- Moi : …

Il est vingt heures quarante-cinq, je marche dans la rue. Je reviens d’une crêperie où j’ai soupé avec Jonathan, un ami de longue date. La ville est animée par le foot et par la fête de la musique. J’ai mes écouteurs et j’avance vers la Place des Palais. Une masse de gens en revient. L’un des concerts vient probablement de se terminer. Je ne sais pas trop comment expliquer ce que je ressens. Je suis heureux, heureux d’être seul ce soir.

La solitude ne m’a jamais fait peur. Adolescent je passais le plus clair de mon temps seul dans ma chambre. Étudiant c’est dans la solitude que je trouvais le peu de sérénité qui sommeillait en moi. Ces dernières années, c’est seul que j’ai passé les étapes qui ont fait de moi ce que je suis aujourd’hui. Je ne m’en suis, je pense, jamais plains. Il m’arrive, de temps à autre, de le vivre un peu moins bien, certes, mais globalement je m’accommode de cette situation. D’une certaine manière, je m’y résigne. Ces derniers mois ont pourtant été plus difficiles. J’ai eu ce sentiment de n’aller nul part, parfois même, de marcher à reculons. Les mêmes journées, les mêmes mots, les mêmes émotions, les mêmes actes et les mêmes conséquences sur les mêmes personnes. C’est une forme de nausée que certains décrivent mieux que moi. C’est, le temps d’une parenthèse, prendre conscience de son existence et en reconnaître l’absurdité, la tristesse et l’inutilité. Puis le cerveau est ainsi fait qu’il produit ce qu’il faut aux  bons endroits. On oublie, on se lève et on repart, vivre les mêmes choses avec les mêmes personnes poursuivant les mêmes scénarios.

Aujourd’hui c’est différent. Je me sens seul, terriblement seul, mais je m’en réjouis. La place est pleine de gens que je ne connaîs pas. Certains me reconnaîssent et viennent me saluer. Ils buttent sur mon prénom, je leur rafraîchis la mémoire, je leur pardonne et on se dit à plus tard avec la certitude que je ne les reverrai pas de la soirée. Il y a un gars chiant derrière mois. Il pense que le chanteur de Zita Swoon est homosexuel juste parce qu’il parle timidement entre les chansons. Timidité et homosexualité, quelle bête analogie. Globalement le type est tout sauf drôle. Il m’énerve un peu. J’aimerais qu’il se taise. À quelques mètres devant moi j’aperçois Dan Miller, le même dont je vous ai déjà parlé, celui qui aime les gens. Il me saluera quelques minutes plus tard. Le public est déçu, AaRON ne viendra pas à cause d’un problème de cordes vocales. Mon voisin de derrirère proteste. “C’est quoi ces chanteurs qui ont mal à la gorge ?“. Tais-toi crétin ! Finalement, Girls in Hawaii remplacera. Le public est comblé. Je reçois un sms d’une amie, j’y réponds. Je l’appelerai à la fin du concert. Le groupe est bon, leur musique passe très bien. Je frappe dans les mains sur les morceaux que je connais, c’est très plaisant. Lors du rappel, un hommage un peu triste est rendu à leur producteur qui a du s’exiler à plus de mille kilomètres pour une cure de désintox. Le public ne se montre pas très compatissant. Certains sont même vachement lourds. Pas mal de gens sont déjà passablement bourrés, ça se sent. Le concert se termine par un DJ Set du Français Agoria, de la techno que j’aime particulièrement. Je remarque à mes côtés un petit gars venu lui aussi seul au concert. Comme moi il a l’air de beaucoup aimer la musique qui se joue. Je lui souris de temps en temps et on fini par rire ensemble de l’état légèrement éméché de certaines personnes. Il s’appelle Dimitri et il est franchement mignon. Je lui paye un verre. Il me propose une clope. J’hésite mais je finis par refuser. Je ne fume pas après tout. Le concert se termine, c’était chouette. Je salue Dimitri. Il rentre du côté de Madou et moi vers Louise. J’hésite un instant. Finalement je ne lui dirai rien de plus. Peut-être j’aurais du lui demander si il était pédé. Enfin, sans doute pas de cette manière…

Je traîne un peu sur les pavès de la Place des Palais. Ces pierres ont cent septante-cinq ans, peut-être plus. J’en ai vingt-huit, bientôt davantage. Je suis seul au milieu d’une foule qui me rassure. J’aime l’odeur de la ville, de la cigarette et des substances illicites. Je me retourne de temps en temps et je regarde les gens qui s’éloignent. J’ai du mal à marcher. Mes jambes sont lourdes mais je m’applique. Quelques kilomètres me séparent de mon appartement. Dans les rues qui suivent les gens disparaissent. Je m’éloigne de l’effervescence, je retourne à la sollitude, je reviens à moi. Je me dis que je suis seul, debout dans un monde tartiné sur une planète qui ne cesse de tourner. Et je tourne avec…


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