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# 41/313 - Ensorcelante cohérence du monde

Publié le 17 février 2017 par Les Alluvions.com
De plus en plus je me laisse porter par l'intuition, et cela se traduit par des impulsions irraisonnées, un appel soudain à se diriger vers tel endroit ou vers tel livre, un mouvement de l'âme, un regard, une tension, un geste vers une nervure du réel qui fait discrètement signe. L'inconscient parle, non, il ne parle pas, il indique, désigne, esquisse, ébauche, à vous de suivre ou non ses lignes de fuite.
Prévoyant de rédiger le précédent article autour d'Anne Serre, directement en ligne comme d'habitude, je me rends tout de même, par curiosité, car cela n'a a priori rien à voir, sur ma page Netvibes, page publique également nommée Alluvions, limitée à douze sites (et même en ce moment à onze). Je n'entreprends aucune visite systématique des nouvelles entrées, non, je me rends, car cela fait un certain temps que je l'ai délaissé, sur le blog de l'écrivain Jérôme Leroy, Feu sur le quartier général. A la date du dimanche 5 février, je découvre ceci :
# 41/313 - Ensorcelante cohérence du monde
Une belle coïncidence (c'est bien, il n'y a pas qu'à moi que cela arrive). Mais, bon, je ne pense pas en faire état pour autant. Je plonge dans mon article.
Relisant la nouvelle d'Anne Serre, je suis alors intrigué par les dernières pages, en fait la deuxième et dernière section de la troisième et dernière partie. Je la cite in extenso pour la bonne compréhension de ce qui suivra :
"Je repartis de chez Ingrid avec une petite part nouvelle de paix dans mon cœur. J'ai toujours aimé les voyages en train. Celui que je fis pour rentrer, changeant trois fois de correspondance, est un des beaux souvenirs de ma vie.. Je me rappelle avoir attendu deux heures la correspondance pour une autre ville. Parce qu'avec Ingrid, secrètement, nous avions déployé la carte de notre vie sur une table sombre et que j'avais pu y distinguer clairement, peut-être pour la première fois, le tracé des routes, la configuration du paysage, j'attendis mon train au buffet de la gare avec confiance. Tout m'y semblait à sa place : le garçon essuyant des verres derrière le bar, l'arrivée des voyageurs ou des errants venant prendre un verre. C'était jusqu'aux conversations que j'écoutais qui me semblaient justes et à leur place. Le monde avait une cohérence ensorcelante.
Ivre de cette cohérence, je sortis pour faire quelques pas dans la ville. Les rues étaient vides - c'était un dimanche -, j'allais jusqu'à l'église qui se révéla être une cathédrale dont les flèches noires me précipitèrent aussitôt dans mon enfance extraordinaire, et je vis que ces flèches étaient celles que je voyais du temps  où Pierre Peloup, dans une vaste plaine, sa voiture gris métallisé immobile, s'activait sur moi, en moi, en dessous de moi, tandis que je regardais un oiseau derrière la portière, tandis que Marianne, ma mère, attendait une visite enflammée. Et je trouvai que tout était bien, que le monde traçait en riant des boucles, des volutes, qu'il suffisait - comme je l'avais toujours su, toujours cru - d'être extrêmement attentif pour que vivre vous procure une joie terrible, pour que se fabrique une œuvre d'art grâce à votre corps, à vos mains, à vos yeux, à votre pauvre cœur brisé." [C'est moi qui souligne]
Les échos entre les deux textes étaient proprement incroyables : cette cohérence du monde tout d'abord, que les deux auteurs jugent merveilleuse ou ensorcelante. Puis le jour où cela se passe : un dimanche, avec une même référence au train, qui apparaît dans un des libellés de Jérôme Leroy, mais encore plus clairement dans un billet postérieur du 10 février, Quitter Vierzon, où il écrit ceci :
Dans un demi-sommeil, lors d'un arrêt anormalement long en gare de Vierzon, le voyageur à bord du train désert se demanda soudain combien de filles, en cet instant précis, un 10 février à 16h31, faisaient l'amour dans la petite ville un peu triste. Une, cinq, dix, aucune? Le train repartit, il n'y eut pas de réponse et le voyageur éprouva une très brève mais intense tristesse comme s'il avait laissé échapper la chance unique de résoudre le mystère de toute chose.
Puis il se rendormit et ce fut tout.
L'amour dans la voiture de Pierre Peloup résonne enfin avec la question de Jérôme Leroy sur les amours  des jeunes femmes vierzonnaises, et comme une harmonique à la couverture du livre de Cécil Saint-Laurent (pseudonyme de l'écrivain Jacques Laurent), ce titre A bouche que veux-tu que le duo Brigitte reprit (sans doute sans le savoir) pour sa chanson sortie en août 2014 :

"Tu le sais, une évidence de tous les diables Je le sais, succomber est inévitable Quel dangereux paradis, s'offrir A bouche que veux-tu L'extase, un incendie qui nous tue C'est merveilleux, tu es foutu"
Ce jeu de miroirs des deux chanteuses, avec ce seul prénom pour deux visages, ne peut que nous évoquer encore une fois le Otto de Marc-Antoine Mathieu.
# 41/313 - Ensorcelante cohérence du monde

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