Magazine Humeur

La petite semaine du professeur Blequin (34)

Publié le 05 mars 2017 par Legraoully @LeGraoullyOff

La petite semaine du professeur Blequin (34)

LUNDI 27 FÉVRIER

– Bonjour, madame Kervella.

– Bonjour, professeur ! Vous avez réussi à passer entre les gouttes ? C’est pas le beau temps, hein ?

– On ne peut pas dire le contraire. Servez-moi un Earl Grey.

– Vous avez raison, c’est un temps à boire du thé. Alors, quoi de neuf, cette semaine ?

– Ben lundi, j’ai participé à la conférence de presse autour de l’événementiel « La rive droite fait son 8 mars » : Brest est sans doute une des rares villes en France où la journée des droits des femmes dure une semaine !

– C’est pas mal, en effet, surtout quand on sait que dans certains foyers français, cette journée dure zéro jour !

– Je ne vous le fais pas dire ! Notez que ma présence n’était pas indispensable mais je préférais être là pour expliquer en quoi consiste le « Tac au Tac » que j’organise dans ce cadre ! C’est fou à quel point ce concept, que je croyais pourtant très simple, est obscur pour beaucoup de gens ! Ça montre à quel point les médias font cas du dessin !

La petite semaine du professeur Blequin (34)

MARDI 28 FÉVRIER

– Et mardi ?

– Et bien mardi, j’ai appris que Cyril Brun, un orateur que j’avais prévu d’aller écouter le lendemain, était rédacteur en chef du blog « Riposte catholique »,  pro-Trump et anti-avortement…

– Du coup, vous n’y êtes pas allé ?

– Ben si, quand même.

– Quoi ?

– Il venait parler de Cyprien, un roman d’Afrique qui s’était converti au christianisme et était même devenu évêque : le rapport avec les idées pourries qu’il défend était quand même assez faible… Donc je pouvais faire abstraction de ce que j’avais à lui reprocher dans la vie « civile ».

– Mouais ! La vraie raison, ce n’était pas plutôt votre incapacité chronique à renoncer à ce que vous aviez prévu ? Déjà enfant, dès qu’on bousculait le programme, vous le preniez comme si vous étiez condamné à mort ! Alors ce n’était pas ce que vous veniez d’apprendre au dernier moment sur les opinions de ce triste sire qui allait vous faire reculer !

– Hum ! Vous avez un peu raison, sauf sur un point : Cyril Brun est un authentique érudit et ne mérite pas que vous le traitiez de « triste sire » ; il n’a même pas essayé de profite de l’occasion pour distiller sa propagande…

– N’empêche, je n’arriverai jamais à comprendre comment des gens censément instruits et cultivés peuvent se laisser aller à défendre des idées aussi rétrogrades…

– Il est facile de vous répondre : la plupart des universitaires en poste aujourd’hui sont ultra-spécialisés, ils connaissent énormément de choses dans des domaines très restreints. Ce ne sont pas des imbéciles, leurs connaissances sont très précieuses, mais ils n’ont pour ainsi dire aucune polyvalence. Il suffit de voir tous ces brillants chercheurs avoir tant de mal pour allumer le rétroprojecteur dont ils ont besoin afin de faire apparaître à l’écran leur présentation Power Point pour se convaincre qu’une fois sortis de leurs domaines de compétences, ils sont comme l’albatros de Baudelaire au sol ! Alors un brillant historien spécialiste de l’Antiquité tardive qui n’entend rien à la réalité d’un monde qui change et défend des idées archaïques, ça n’a rien d’incongru, croyez-moi !

La petite semaine du professeur Blequin (34)

MERCREDI 1er MARS

– Donc, vous êtes allés écouter ce monsieur et vous n’êtes pas allé au meeting de Benoît Hamon qui se tenait à Brest ce mercredi.

– Exactement ; de toute façon, par principe, je ne vais jamais aux meetings politiques parce que j’ai horreur de la foule et que j’ai toujours peur que ça se termine par des bagarres !

– Pourtant, Benoît Hamon est votre candidat préféré, il me semble ?

– Tout à fait, et même de loin ! Raah, mais pourquoi ce con de Mélenchon a refusé de se rallier à lui ? Il aurait pu entraîner dans son sillage toute la gauche alternative ! Maintenant que les faux socialistes sont chez Macron, la candidature Hamon était une occasion en or massif pour engendrer une grande union de la vrai gauche ! Ensemble, ils auraient fait un tabac, ils auraient peut-être même pu empêcher la chienne de Buchenwald d’accéder au second tour !

– Que voulez-vous, Mélenchon a été ministre : à ce titre, comme tous ceux qui ont connu le goût du pouvoir, il croit dur comme fer à son destin national ! Pourquoi croyez-vous que Fillon s’accroche malgré tous ses problèmes ?

– Hum ! Bon, on a assez parlé de la campagne.

La petite semaine du professeur Blequin (34)

JEUDI 2 MARS

– D’accord, d’accord… Sinon, j’ai appris que votre copine Lyz’an passait dans « N’oubliez pas les paroles » ?

– C’est exact : j’ai essayé de regarder mais je n’ai pas pu rester plus d’un quart d’heure…

– Ah ? Pourtant, vous l’aimez bien, Lyz’an ?

– Je l’adore ! Elle était d’ailleurs fidèle à elle-même avec son talent et son charisme habituels ! Si j’ai décroché, c’est pour des raisons qui n’ont rien à voir avec elle : c’est juste que je ne supporte plus ces shows télévisés ! Dès que j’ai vu le générique, je me suis dit « houlà, la télé publique, ça ne s’arrange pas » ! De fait, je trouve ces émissions incroyablement vulgaires et populistes !

– Ah ? Pourtant, ce n’est pas ce qu’il y a de pire…

– Le pire, c’est que vous avez raison : en comparaison des shows de télé-réalité dont nous abreuvent les autres chaînes, cette émission passe pour ce qu’elle est en dernière analyse, à savoir un divertissement populaire bien innocent, et la génération des Castaldi, Hanouna et autres Aliagas qui s’est imposée à l’antenne depuis les débuts de Nagui ont permis de revoir à la hausse le niveau de ce dernier, mais rien à faire : ce genre d’émission ne m’intéresse plus. Pour moi, l’histoire de la télévision s’est arrêtée au milieu des années 1990 avec la fin de l’âge d’or de Canal+.

– Vous n’en voulez pas à Lyz’an d’avoir participé à cette émission, tout de même ?

– Absolument pas : Lyz’an est une excellente chanteuse, une bête de scène comme on en fait peu, une interprète de talent dont le charisme n’a d’égale que sa générosité. Il est donc tout à fait légitime qu’elle fasse connaître son talent dans la France entière. De plus, tout comme Guy Bedos allant au « Jeu de la vérité », elle allait à « N’oubliez pas les paroles » pour défendre une cause, en l’occurrence celle de la lutte contre la maladie d’Alzheimer : quand on a une cause qui vous tient à cœur comme ça, on est prêt à faire pas mal de sacrifices !

– Le sacrifice n’a pas été énorme pour votre copine : elle a eu l’air de bien s’amuser !

– C’est vrai ; et j’ai envie de dire que c’est le principal.

La petite semaine du professeur Blequin (34)

VENDREDI 3 MARS

– Il y a autre chose ?

– Oui : vous savez que j’ai été un des rares enfants à échapper au rouleau compresseur de Disney.

– Ça, je le sais ! D’habitude, les gosses, pour avoir la paix, on les mettait devant la télé avec un film de Disney : avec vous, ça ne marchait jamais, vous le preniez comme une punition quand on vous proposait de regarder Aladin ou Le roi lion !

– Et bien je m’en félicite aujourd’hui : j’ai appris, vendredi, que l’oncle Walt avait donné des ordres très clairs pour qu’une femme « trop puissante » ou « trop belle » soit forcément méchante et qu’une femme « gentille » soit taiseuse ou sexuellement neutre ! La version disneyenne de « La belle au bois dormant » est la seule version du conte où la fée Maléfique est vraiment méchante d’un bout à l’autre ! Et ces directives de l’oncle Walt continuent à être appliquées aujourd’hui ! Étonnez-vous après ça que les Américains aient eu plus peur d’Hillary Clinton que de Donald Trump !

– Je ne suis pas étonné : Walt Disney n’était pas le seul homme sur terre à avoir eu peur des femmes capables de lui tenir la dragée haute ! J’en sais quelque chose ! Mais voyez le bon côté des choses : si la jeunesse occidentale est formatée pour avoir peur des femmes fortes, on peut se féliciter que ce soit la fille Le Pen qui ait hérité de la boutique et non le fils…

– …

– Bon, bon, excusez-moi. Et hier, vous avez fait quoi ?

La petite semaine du professeur Blequin (34)

SAMEDI 4 MARS

– Et bien je suis retourné à la ferme de Traon Bihan et, comme la dernière fois, j’ai fait quelques dessins que j’ai laissés sur place pour soutenir la ferme bio de Brest qui lutte pour sa survie.

– Ah ! Vous voyez bien que vous êtes capable de faire des sacrifices pour une bonne cause !

– Ce n’était pas un sacrifice énorme de venir dessiner ! Sans compter que les organisateurs ont pris soin à ce que les dessinateurs soient comme des coqs en pâte : on était dans une salle isolée, à l’étage, avec du chauffage ! Avec le temps qu’il faisait, on appréciait !

– Ah, je vois… Expérience à refaire, donc ?

– Tant que la ville de Brest n’aura pas donné des garanties à la ferme, oui. Bon, je vous laisse.

La petite semaine du professeur Blequin (34)
Encore merci à Valérie pour son accueil.

DIMANCHE 5 MARS

– Vous partez déjà ?

– Oui, je vais profiter des moments de calme qui me restent : avec « La rive droite fait son 8 mars » et le chapiteau d’hiver du Relecq-Kerhuon, le mois de mars s’annonce assez rocambolesque.

– Bien ! Tâchez de faire bonne figure malgré l’angoisse électorale qui vous tord encore les entrailles !

– J’essaierai… À la prochaine !

Share This:


Retour à La Une de Logo Paperblog

Magazine