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Rapiats et colériques

Publié le 09 mars 2017 par Jlk

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Une lecture de La Divine Comédie (8)

Chant VII. 5e Cercle. Avares et prodigues. Coléreux trépignant dans le Styx.

On n’en est encore qu’au 5e Cercle de l’Enfer et déjà l’on se dit qu’il y a, chez ce sacré Dante, comme un fonds de sadisme qui n’a rien à envier au divin Marquis, si ce n’est que nous savons déjà que la Commedia ne se borne pas qu’à l’exploration des bas-fonds infernaux.

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En attendant, c’est bel et bien physiquement, et dans le texte original bien plus que dans sa traduction française, que nous ressentons cette descente dans les séquelles torturantes des turpitudes humaines, à commencer par les avaricieux et les prodigues se heurtant les uns contre les autres et se glapissant au mufle injures et reproches, dans la sarabande desquels Virgile cite «papes et cardinaux» chez lesquels l’avarice atteignit « tous les sommets ».

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Cependant, à Dante qui cherche alors à savoir de qui il s’agit plus précisément, son guide lui répond qu’une telle curiosité ne sera pas satisfaite en l’occurrence, vu que le vice répugnant de ces ladres les a rendus « impénétrables maintenant à toute connaissance ».

« Mal donner et mal garder » les a privés du « beau séjour», leur a ôté le moindre espoir d’accéder au Paradis et les a placés dans ce cirque, Dante écrit « a questa zuffa », et Virgile de conclure que « tout l’or qui est sous la lune » ne saurait assouvir ces affamés jamais satisfaits de ce que la « fortune » leur a concédés - puis, à Dante qui veut en savoir plus sur les aléas de ladite» fortune », son maître de lui répondre par toute une argumentation sur la distribution des «biens» de ce monde qui ne sont, en réalité, que ce que nous en faisons dans nos réalisations bonnes ou mauvaises.

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Sur quoi l’on va descendre vers une « plus dure angoisse» encore, dans les eaux putrides d’un affreux marais où grouillent méchamment les coléreux se frappant eux-mêmes et se mordant férocement et se lamentant, tout plantés comme ça dans la boue et la déglutissant et la régurgitant à grands bavements : «Tristi fummo / ne l’aere dolce che dal sol s’allegra /portando dentro acisiosi fummo / or ci attristiam ne la belletta negra », ce qui signifie dans la langue de Rabelais dûment ajournée : « Nous étions tristes / dans l’air doux que le soleil réjouit, / ayant en nous les fumées chagrines : / à présent mous nous attristons dans la boue noire »…

Images: Pape de Francis Bacon, L'enfer selon Rubens et Gustave Doré.


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