Magazine Journal intime

La famille pathologique.

Publié le 25 juin 2008 par Lawrencepassmore
Parfois, les familles sont plus graves que les patients.

Et ce patient étant particulièrement grave, sa famille, son épouse en l’occurrence, est en passe de rentrer dans ma Panthéon personnel.

Elle est enseignante.

Je sais exactement ce à quoi pensent à l’instant précis tous les soignants qui me lisent.

Mais cela va au-delà.

Elle critique tout, vérifie tout (même si les infirmières ont bien tous leurs diplômes !), et attend avec une sorte de délectation morbide « la faute », pour nous tomber dessus, telle une Erinye.

Croyant savoir, et pouvoir tout contrôler, un peu comme dans une salle de classe, elle nous mène l’enfer. Mais encore une fois, je crois que cela va largement au-delà.

Son mari très dénutri par 3 semaines de réanimation se laisse aller. Il ne participe à rien, et après quelques progrès initiaux, stagne. A sa place, avec une épouse comme elle, j'aurais laché la rampe depuis bien longtemps. J'admire sa résistance.

Je crois qu’elle est désespérée de le voir comme cela et qu’elle cherche constamment l’affrontement pour s’épancher, libérer son désespoir et peut-être aussi se cristalliser sur un hypothétique responsable.

Je vais vous donner un exemple typique.

Son mari a des selles diarrhéiques environ toutes les 48 heures.

Je demande au gastro-entérologue de passer le voir.

Un examen et un TR plus tard, il pose le diagnostic de fausse diarrhée du constipé et propose un lavement.

Dans l’après-midi, l’épouse m’appelle et refuse d’emblée le lavement.

Je lui explique que le gastro-entérologue a du faire un TR et constaté une constipation. Elle me soutient que non, que son mari le lui aurait dit.

Bon, conciliant, je lui propose d’en reparler de vive voix.

Plus tard, elle m’attend avec son mari dans la chambre. Son mari lui a parlé du TR, et elle est un peu plus conciliante.

Finalement, après lui avoir dit qu’ils avaient toutes les cartes en main, elle accepte.

Après un petit conciliabule avec l’IDE et l’aide soignante, devant l’épouse, nous convenons de lui faire ce lavement le lendemain matin pour éviter tout accident nocturne.

Je vais m’occuper d’autres patients.

Je reviens, et finalement l’infirmière me dit qu’elle les a harcelées afin de faire le fameux lavement sur-le-champ. Elle a prétexté que son mari avait des douleurs abdominales, que les choses pouvaient se dégrader dans la nuit…

De guerre lasse, et étant donné la prochaine sortie, l’infirmière s’est exécutée.

Espérons que son pauvre époux n’ait pas de problèmes explosifs de tuyauterie en plein sommeil...

Elle ne lui rend pas service.

Les soignants des différents services où il est passé précédemment n’ont eu qu’une seule idée en tête peu après son admission, s’en débarrasser le plus rapidement possible. Tout cela n’est pas très favorable aux soins et à la consolidation…

Elle me fait de la peine, cette dame.

Je pense qu’elle bénéficierait d’une ferme mais courtoise explication en tête à tête.

Le patient grave et sa famille, même si elle est « grave » elle-même sont des victimes, et de ce fait jouissent de plus en plus d’une espèce d’immunité qui rend toute critique ou mise au point socialement et/ou commercialement (dans une structure privée) délicate.

Ainsi va le monde.

On est passé du règne de certains mandarins tout puissants et méprisants au règne de certaines familles et/ou patients qui ne sont pas moins pires que ces premiers.

L'esclave est un tyran dès qu'il le peut (Harriet Beecher Stowe).

Le proche d'un patient est un mandarin dès qu'il le peut (Lawrence Passmore)


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