Magazine Journal intime

texte écrit pour "histoires à mourir de vivre 2"

Publié le 18 juillet 2017 par Anaïs Valente

En cherchant un texte écrit sur une mouche, que je n'ai pas retrouvé, j'ai trouvé ceci, écrit pour le volume 2 de Histoires à mourir de vivre :

Genèse de la psychopathie

 Ses grands yeux bleus d’enfant de huit ans se posèrent d’abord sur la coccinelle. La plus jolie. Rouge écarlate.  Rouge sang. Elle lui arracha les ailes sans ménagement. Ou plutôt les élytres, puis les ailes. Deux fois plus de bonheur qu’avec la mouche qu’elle avait dépecée auparavant. Trop facile, la mouche. Ici, il y avait plus de travail, plus de minutie à avoir.

Elle y prenait un plaisir certain, même en n’ayant aucun public pour l’admirer. Et sa concentration était telle que de grosses gouttes de sueur perlaient régulièrement sur son front blanc. Il n’était pas question qu’elle laisse le moindre morceau d’aile sur l’insecte. Ni aucune patte, d’ailleurs, pensa-t-elle en en s’appliquant sur son minutieux démembrement de coccinelle.

Elle s’attaqua ensuite au papillon. Avec douceur, consciente de la beauté de ses ailes, qu’elle réduisit cependant en miettes avec délectation. Ensuite, le rituel était le même. Arracher les antennes, une à une. Puis les pattes, une à une. Observer le résultat, avec une satisfaction qui aurait effrayé tout qui croiserait ce regard océan, si glacial. Ce sourire presque carnassier.

Puis elle décida de viser plus haut. Les insectes, c’est bien, mais elle ressentait peu leur souffrance. Rien dans le regard. À peine un frémissement, et encore, c’était peut-être son imagination qui s’emballait. Alors, à quoi bon s’acharner, perdre son énergie, pour n’avoir aucun réel retour ? Elle s’attaqua alors à un chaton roux, qui semblait somnoler sur son étagère à jouets. L’œil vert ne broncha pas lorsqu’elle le saisit. Il ne se débattit même pas lorsqu’elle coupa son oreille gauche avec ses ciseaux à bouts ronds, maman insistait beaucoup sur l’importance des bouts ronds, plus sécurisant pour une petite fille si fragile. Il restait amorphe, quoi qu’elle lui fasse. Déception. Elle se demanda si l’amputation des oreilles ne l’avait pas tué net d’un arrêt du cœur, conséquence d’une montée d’adrénaline. Bien sûr, dans son cerveau d’enfant, elle ne pensa pas « arrêt du cœur » et « adrénaline », mais elle avait une vague idée de l’effet de la peur sur le cœur. Vraiment décevant. Ce chat n’était pas plus réactif que la coccinelle, que le papillon ou que la mouche. 

Elle songea alors au nourrisson de quelques jours, endormi dans son berceau, dans la pénombre de la pièce qui jouxtait la sienne. Elle hésita, vu sa taille. Trop difficile. Et puis maman ne serait vraiment pas contente. Elle se moquait un peu des réactions maternelles, elle y était habituée. Souvent punie, elle se refermait dans sa bulle, songeait à ses prochains méfaits, et attendait que le temps passe et que la liberté d’agir lui soit de nouveau offerte.

Mais là, elle pensa qu’elle en avait déjà fait assez pour aujourd’hui.

Demain, elle agirait.

Demain, si le bébé était encore dans son couffin, calme, à portée de main, à l’abri du regard de maman, elle tenterait une expérience sur lui. Elle hésitait entre l’oreille ou la lèvre, plus douce, plus charnue. Facilement taillable avec une paire de ciseaux, même à bout rond.

Elle verrait demain.

Parce que maman l’appelait. 

« Lucie, à taaaaaaaaaable, le poulet est prêt », cria-t-elle, d’une voix empreinte de douceur mais de fermeté.

Elle regarda ses jouets, ou du moins ce qu’il en restait, ramassa les morceaux épars de ses diverses victimes de plastique, les emballa dans un morceau de papier qu’elle trouva dans son armoire, destiné à l’un ou l’autre bricolage, et enfouit le tout dans le fond de sa poubelle. Elle fit du regard le tour de la pièce, satisfaite. Rien ne transparaissait de ses activités « criminelles ».

Elle quitta la salle de jeux et rejoignit sa famille avec hâte, car ce soir, c’était poulet rôti. Elle adorait le poulet rôti.

Surtout les ailes, qu’elle dépeçait toujours avec délectation…

En cherchant un texte écrit sur une mouche, que je n'ai pas retrouvé, j'ai trouvé ceci, écrit pour le volume 2 de Histoires à mourir de vivre :

Genèse de la psychopathie

 Ses grands yeux bleus d’enfant de huit ans se posèrent d’abord sur la coccinelle. La plus jolie. Rouge écarlate.  Rouge sang. Elle lui arracha les ailes sans ménagement. Ou plutôt les élytres, puis les ailes. Deux fois plus de bonheur qu’avec la mouche qu’elle avait dépecée auparavant. Trop facile, la mouche. Ici, il y avait plus de travail, plus de minutie à avoir.

Elle y prenait un plaisir certain, même en n’ayant aucun public pour l’admirer. Et sa concentration était telle que de grosses gouttes de sueur perlaient régulièrement sur son front blanc. Il n’était pas question qu’elle laisse le moindre morceau d’aile sur l’insecte. Ni aucune patte, d’ailleurs, pensa-t-elle en en s’appliquant sur son minutieux démembrement de coccinelle.

Elle s’attaqua ensuite au papillon. Avec douceur, consciente de la beauté de ses ailes, qu’elle réduisit cependant en miettes avec délectation. Ensuite, le rituel était le même. Arracher les antennes, une à une. Puis les pattes, une à une. Observer le résultat, avec une satisfaction qui aurait effrayé tout qui croiserait ce regard océan, si glacial. Ce sourire presque carnassier.

Puis elle décida de viser plus haut. Les insectes, c’est bien, mais elle ressentait peu leur souffrance. Rien dans le regard. À peine un frémissement, et encore, c’était peut-être son imagination qui s’emballait. Alors, à quoi bon s’acharner, perdre son énergie, pour n’avoir aucun réel retour ? Elle s’attaqua alors à un chaton roux, qui semblait somnoler sur son étagère à jouets. L’œil vert ne broncha pas lorsqu’elle le saisit. Il ne se débattit même pas lorsqu’elle coupa son oreille gauche avec ses ciseaux à bouts ronds, maman insistait beaucoup sur l’importance des bouts ronds, plus sécurisant pour une petite fille si fragile. Il restait amorphe, quoi qu’elle lui fasse. Déception. Elle se demanda si l’amputation des oreilles ne l’avait pas tué net d’un arrêt du cœur, conséquence d’une montée d’adrénaline. Bien sûr, dans son cerveau d’enfant, elle ne pensa pas « arrêt du cœur » et « adrénaline », mais elle avait une vague idée de l’effet de la peur sur le cœur. Vraiment décevant. Ce chat n’était pas plus réactif que la coccinelle, que le papillon ou que la mouche. 

Elle songea alors au nourrisson de quelques jours, endormi dans son berceau, dans la pénombre de la pièce qui jouxtait la sienne. Elle hésita, vu sa taille. Trop difficile. Et puis maman ne serait vraiment pas contente. Elle se moquait un peu des réactions maternelles, elle y était habituée. Souvent punie, elle se refermait dans sa bulle, songeait à ses prochains méfaits, et attendait que le temps passe et que la liberté d’agir lui soit de nouveau offerte.

Mais là, elle pensa qu’elle en avait déjà fait assez pour aujourd’hui.

Demain, elle agirait.

Demain, si le bébé était encore dans son couffin, calme, à portée de main, à l’abri du regard de maman, elle tenterait une expérience sur lui. Elle hésitait entre l’oreille ou la lèvre, plus douce, plus charnue. Facilement taillable avec une paire de ciseaux, même à bout rond.

Elle verrait demain.

Parce que maman l’appelait. 

« Lucie, à taaaaaaaaaable, le poulet est prêt », cria-t-elle, d’une voix empreinte de douceur mais de fermeté.

Elle regarda ses jouets, ou du moins ce qu’il en restait, ramassa les morceaux épars de ses diverses victimes de plastique, les emballa dans un morceau de papier qu’elle trouva dans son armoire, destiné à l’un ou l’autre bricolage, et enfouit le tout dans le fond de sa poubelle. Elle fit du regard le tour de la pièce, satisfaite. Rien ne transparaissait de ses activités « criminelles ».

Elle quitta la salle de jeux et rejoignit sa famille avec hâte, car ce soir, c’était poulet rôti. Elle adorait le poulet rôti.

Surtout les ailes, qu’elle dépeçait toujours avec délectation…


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