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Sur la route de Brocéliande. Abélard, abbé de Saint-Gildas de Rhuys.

Publié le 11 août 2017 par Perceval

Eglise abbatiale de Saint-Gildas

En ce temps là ( disons l'an 490) - l'année même ou le roi Arthur remportait la victoire du mont Badon qui mit un coup de frein provisoire aux invasions saxonnes - Saint Gildas fut comme de nombreux jeunes clercs de cette époque l'élève de l'abbé Ildut au Pays de Galles avant de s'illustrer comme fondeur de cloches.

Sur la route de Brocéliande. Abélard, abbé de Saint-Gildas de Rhuys.

L 'abbaye est fondée au 6ème siècle (536) par Gildas, moine venu d'Angleterre. Auparavant, après un pèlerinage à Rome, il a fondé en 528 : Holy Trinity près de Glastonbury ...

Au Xème siècle, l'abbaye est détruite lors des invasions normandes. A la demande du Duc de Bretagne, Geoffroy 1er, un certain Félix, moine de l'abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire la reconstruit, en pierres cette fois-ci. Commencée en 1008, la reconstruction s'achève en 1032 par la consécration de l'église par Judicaël, évêque de Vannes et frère du Duc. Félix meurt le 4 mars 1038. Plusieurs abbés succèdent à Félix. Un certain Robert est le prédécesseur d'Abélard et mourra vers 1130.

Sur la route de Brocéliande. Abélard, abbé de Saint-Gildas de Rhuys.Abélard enseigne

Pierre Abélard ( 1079-1142) a connu le choeur, le déambulatoire et le transept quasiment tel que nous les voyons aujourd'hui. Il a célébré la messe entre ces colonnes et ces chapiteaux magnifiques.

L'abbaye semble manquer de moyens. Les moines cherchent alors un abbé puissant et reconnu capable de les aider. Ils font appel en 1125 à Abélard, réputé dans certains milieux, notamment en tant que fondateur de la scolastique, mais également détesté par d'autres pour certaines de ses remises en causes de dogmes établis.

Abélard explique dans un courrier (en latin) qu'il n'est pas volontairement venu en Bretagne, mais pour fuir les conflits qu'il connaissait dans ses fonctions précédentes. Il y décrit les moines qu'il doit diriger comme pauvres et victimes d'un seigneur voisin tyrannique, mais également comme très indisciplinés. Il s'inquiète et s'indigne en particulier de leur mode de vie peu en rapport avec leur fonction monastique : ces moines, selon Abélard, passaient plus de temps à la chasse et à des activités matérielles qu'à la prière et à l'élévation de l'esprit :

" C'était une terre barbare, une langue inconnue de moi, chez les moines des habitudes de vie d'un emportement notoirement rebelle à tout frein et une population grossière et sauvage. "

Sur la route de Brocéliande. Abélard, abbé de Saint-Gildas de Rhuys.
" Les portes de l'abbaye n'étaient ornées que de pieds de biche, d'ours, de sanglier, trophées sanglants de leur chasse. Les moines ne se réveillaient qu'au son du cor et des chiens de meute aboyant. Ils étaient cruels et sans frein dans leur licence"

" Et là, sur le rivage de l'Océan aux voix effrayantes, aux extrémités d'une terre qui m'interdisaient la possibilité de fuir plus loin, je répétais souvent dans mes prières : "Des extrémités de la terre j'ai crié vers vous, Seigneur, tandis que mon coeur était dans les angoisses." "

Sur la route de Brocéliande. Abélard, abbé de Saint-Gildas de Rhuys.

Les moines de Saint-Gildas ne veulent pas abandonner femmes et enfants et au contraire ils réclament de leur abbé de quoi nourrir leur famille. En effet, que deviendraient ces femmes et ces enfants abandonnés ; et où iraient-ils ?

" Les moines m'obsédaient pour leurs besoins journaliers, car la communauté ne possédait rien que je pusse distribuer, et chacun prenait sur sa bourse pour se soutenir lui et sa concubine, et ses fils et ses filles. Non seulement ils se faisaient un plaisir de me tourmenter ainsi, mais ils volaient et emportaient tout ce qu'ils pouvaient prendre, pour me créer des embarras dans mon administration, et me forcer ainsi, soit à relâcher les règles de la discipline, soit à me retirer tout à fait. "

Les moines tentent de se débarrasser de leur père abbé en versant du poison dans le calice de la messe. Abélard est prêtre; au moins depuis qu'il a été élu abbé.

Sur la route de Brocéliande. Abélard, abbé de Saint-Gildas de Rhuys.

Une scène non moins étonnante se déroule à Nantes où Abélard est venu visiter le comte Conan III qui est malade. Un serviteur de la suite d'Abélard a reçu mission de ses frères d'empoisonner l'abbé au cours du repas. Mais c'est un moine qui, par ignorance, mange la nourriture empoisonnée destinée à Abélard et meurt sur le champ. Le serviteur criminel, épouvanté, s'enfuit !
Si un petit groupe de moines est fidèle à Abélard, qui s'est réfugié dans les dépendances de l'abbaye, un autre groupe lui tend des guet-apens dès qu'il sort de l'abbaye en postant, à prix d'argent, des brigands chargés de le tuer.

" Je considérais en gémissant combien ma vie était stérile et malheureuse : stérile pour moi comme pour les autres, tandis qu'elle était jadis si utile à mes disciples ; je me disais qu'aujourd'hui que je les avais abandonnés pour les moines, je ne pouvais, ni dans les moines, ni dans les clercs, produire aucun fruit : j'étais frappé d'impuissance dans toutes mes entreprises, dans tous mes efforts, et l'on pouvait justement m'appliquer ce mot : "Cet homme a commencé à bâtir, et il n'a pu achever." J'étais profondément désespéré, "

Sur la route de Brocéliande. Abélard, abbé de Saint-Gildas de Rhuys.Abélard et Eloïse

Pendant qu'Abélard, nouvel abbé de Saint-Gildas depuis un an, peut-être deux, est aux prises de mille difficultés avec ses moines, des nouvelles alarmantes lui arrivent du monastère d'Argenteuil où Héloïse est prieure. Suger organise un concile à Saint-Germain-des-prés et obtient du légat du pape, Mathieu d'Albano, l'expulsion des moniales de leur couvent Héloïse et quelques unes des religieuses se trouvent à la rue. Heureuse coïncidence, le Paraclet d'Abélard est vide et disponible.

" Les voyant dispersées de tous côtés par l'exil, je compris que c'était une occasion qui m'était offerte par le Seigneur pour assurer le service de mon oratoire. J'y retournai donc, j'invitai Héloïse à y venir avec les religieuses de sa communauté ; et, lorsqu'elles furent arrivées, je leur fis donation entière de l'oratoire et de ses dépendances, donation dont, avec l'assentiment et par l'intervention de l'évêque du diocèse, le pape Innocent Il leur confirma le privilège à perpétuité pour elles et pour celles qui leur succéderaient. "


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