Magazine Journal intime

La fracture du myocarde

Publié le 30 juin 2008 par Corcky


Hier, c'était dimanche.

En principe, le dimanche, je ne blogue pas.
Je vais à la messe.

Mais pas comme tu le penses.

Je ne vais point accomplir moult génuflexions devant un pédophile potentiel en soutane qui me vouerait sans doute aux gémonies s'il savait, en plus, que je ne reçois point la Sainte Semence dans le but de me reproduire pour la plus grande gloire du Saigneur Seigneur, mais que je me roule dans le foin avec une créature totalement femelle qui me ressemble (sauf qu'elle, elle est musclée, sportive, tout ce que tu veux, alors que moi je suis une vraie merde sur ce plan-là).

Donc, ami lecteur, le dimanche, je vais à la messe, je dirais même à la Grand-Messe, puisque justement, en parlant des muscles de ma femme, le dimanche, c'est jour de torture sport.
Et tiens, j'y mets une putain de majuscule: le dimanche, on fait du Sport.
Le dimanche, en principe, ma femme et moi élevons nos prières à la déesse Fhîte-Naisseuh, et nous les élevons à la même cadence que nos petits culs quand ils montent et descendent au-dessus de la selle.
Car le dimanche, nous maltraitons nos corps comme des pénitentes médiévales, en pédalant quelques heures sur des vélos pourris à travers le Bois.
Nous déifions, purifions et vénérons ainsi nos corps, qui sont des temples d'après ce qu'on dit.

Sauf que si le temple de Val ressemble effectivement à une pub pour la campagne anti-malbouffe, anti-cholestérol et anti-tabac, le mien tiendrait davantage du confortable lupanar entièrement dédié à la déesse Flodor et au dieu Kronenbourg.

Tout ça pour te dire qu'en théorie, le dimanche, je ne blogue pas.

Ce qui ne m'empêche pas de penser, ni surtout de panser (oui, car en général quand je reviens du Sport, je dois fournir quelques efforts supplémentaires pour soigner les bobos divers et variés que je n'ai pas manqué de me faire).

Et justement, hier, j'ai eu beaucoup de temps pour penser (d'autant plus que je n'ai rien eu à panser) parce que le Sport est, pour une fois, passé à la trappe (la faute aux chevilles de ma femme qui étaient douloureuses...cette fille a un ego réellement sur-dimensionné).

Du coup, il m'est revenu à l'esprit, va savoir pourquoi, un devoir de français que j'avais eu à pondre en classe de Première, y'a un an, un siècle, y'a une éternité.

Je ne me souviens hélas plus de l'intitulé exact de cette dissertation, mais je sais qu'elle partait d'une célèbre citation de Blaise Pascal (qui n'avait pas un prénom facile), citation qui dit en substance que le coeur a ses raisons que la raison ignore.

Comme je regardais ma femme en pensant à cette phrase devenue mythique au point de se mettre un doigt dans le culte, je me suis dit, dans le dedans profond de moi-même, que c'était une belle grosse connerie proférée par un mathématicien de génie devenu un cul-béni de première bourre et mort complètement gâteux (tu connais mon sens de la mesure).

Parce que le coeur, il a décidément bon dos.

"Le coeur est un chasseur solitaire": Carson Mac Cullers.
"Coeur contre coeur, le coeur bat plus vite": Gainsbourg.
"
Coeurs sensibles, coeurs fidèles Qui blâmez l'amour léger. Si l'amour porte des ailes N'est-ce pas pour s'envoler ?": Beaumarchais.

Je t'en cite trois, hein, mais si tu cherches "coeur" sur Gogol, tu devrais tomber sur approximativement 56 25986 citations littéraires.

Parce qu'on nous en fait des caisses et des caisses, depuis des siècles, à propos d'un machin qui n'est avant tout qu'un muscle.
Ben oui.

Un muscle.

Au même titre qu'un biceps, un quadriceps, un grand dorsal.
Un muscle qui se contracte, environ 70 fois par minutes (90 si tu es fumeur, 120 si tu viens de faire l'amour, 150 si tu viens de voir Blair Witch Project dans une salle obscure).
Foin de métaphores et de symboles à deux balles.

Je le clame bien haut et sans fausse pudeur, bordel:
Le coeur est un muscle.

Imagine qu'on fasse la même chose pour le rectum.
Hein?
Allez, imagine.
Tu crois vraiment qu'on en aurait, des poèmes, des allégories, des kilomètres d'envolées lyriques sur "le fondement primitif", "l'abysse ténébreux", "l'abîme d'où finit par émerger toute chose", "l'origine de la matière fangeuse qui façonne les bas-fonds de notre conscience"?

Tout ça, c'est matière organique, amas cellulaires, molécules et conduction électrique, point barre.

Non?

Pourquoi je te raconte tout ça?

Peut-être parce que justement, toutes ces pensées parfaitement inutiles me sont venues alors que j'étais en train de contempler ma femme.

Qui n'était même pas à poil.
Juste en petite robe d'été.
Occupée à étendre du linge sur la terrasse, ce qui n'est pas la plus sexy des activités, tu en conviendras.
Avec un rayon de soleil qui venait lui chatouiller le bout du nez.
Avec ses taches de rousseur qui lui faisaient des galaxies sur les bras, qu'on en aurait eu envie d'être un extraterrestre cherchant son chemin entre tous ces petits points.
Avec ses yeux et ce regard qui me colle davantage de frissons qu'une barquette entière de glaçons déversée sur mon échine.

La regarder faire, ça m'a déclenché un genre de foutue crampe dans le thorax, douloureuse comme un début d'infarctus, un peu comme si je m'étais fait bousculer par Orson Welles.

Et ça, c'est bien la preuve que, même si on s'en tient à cette explication basique dépourvue de tout romantisme, à savoir que le coeur est un muscle, tout ce que je viens de t'expliquer plus haut n'est qu'un ramassis de conneries totalement pas crédibles et carrément bonnes à balancer aux chiottes.

Parce que si le simple fait de regarder ma femme étendre du linge en repoussant distraitement une mèche rebelle peut me faire l'effet d'un monumental coup de poing dans le plexus, imagine un peu la quantité de sentiments que ça pompe, un coeur, au décours d’une vie?

La plupart du temps, ce sont des broutilles, un peu de colère, des petites peurs, une tendresse de môme, l'aiguillon vicelard de la jalousie, les papillons hystériques d'un désir un peu dingue.
Mais des fois, on engouffre un raz-de-marée de haine ou d’amour, et là, mon vieux ça turbine grave, ça bosse jusqu’à l’épuisement, ça absorbe, ça éponge, ça essore et ça recrache tout ça en presque un seul battement.
Tu sors de là épuisé, vidé, lessivé, mais bon sang, avec l’impression de te sentir plus vivant que jamais.
Comme si tu venais seulement de réaliser qu’elle est bien là, cette pompe à émotions, qu’elle pulse même quand tu dors, qu’elle te fait vivre et qu’elle ne s’arrêtera que quand tu seras mort.

Ouais.

Ce qui revient à dire que ce billet part complètement en sucette, que ma théorie matérialiste est à peu près aussi valable qu'un slogan sarkozyste, et qu'on aura beau vouloir rationaliser les tempêtes sous un crâne et les tsunamis de ventricules, on se heurtera toujours à une réalité toute simple:
Le coeur perçoit ce que l'oeil ne voit pas (c'est pas moi qui le dis, c'est Al Gazal).
Et c'est sans doute pour ça que ma femme m'aime autant.

Bon.

Ben je ferme ma gueule et je retourne lire Les pensées de Pascal.


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