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Doina Ioanid, Le Collier de cailloux

Publié le 05 octobre 2017 par Angèle Paoli

J e ne veux pas être un bâtisseur obèse. Je ne veux pas m'adapter au rythme des grandes villes, ni escalader des gratte-ciels, et surtout pas être la femme du jour en polaroïds. Peut-être que je ne sais pas encore très bien ce que je veux. Mais parfois, lorsque je retiens mon souffle pour entendre le tien, il me semble que tout devient limpide et aussi frais que le linge qui sèche sur la corde, dehors, dans le froid. Doina Ioanid, LE COLLIER DE CAILLOUX (extraits)
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J'ai frotté ma peau avec des aiguilles de pin, avec de l'écorce et de la sciure, puis avec de la terre meuble et du sable. J'ai frotté ma peau jusqu'au sang, pour me défaire de tout ce que j'ai appris jusqu'à présent. Ainsi, je pourrai savoir ce que je désire vraiment, car cette motte de chair ensanglantée ne peut mentir. Ni le hurlement sous la pluie acide.
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J'ai un collier de petits cailloux. Je les ai ramassés dans les gares, sur les routes asphaltées au ballast, dans les carrières abandonnées, dans mes chaussures, dans les fontaines de nouvelles terrasses, dans les cabas des copains. Tard dans la nuit, je mets le collier autour de mon cou et je me faufile dans les rues. Pliée sous son poids, presque cassée en deux, je tinte tout le temps, leurrant les renards dans les vitrines des magasins.
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Finalement, tout me trahit, ma peau, ma mémoire et mon pull turquoise déjà avachi. Je vis dans l'ombre du mur, de la gouttière, sans journal, sans projet, sans destination précise. Je vis au fil des jours qui passent.
Le Collier de cailloux, poèmes du passage [ Poeme de trecere, Editura Vinea, Bucureşti, 2005], Atelier de l'agneau, Collection transfert, 2017, pp. 14, 16, 19, 25. Traduit du roumain par Jan H. Mysjkin avec l'œil complice de Monica Salvan. Préfacé par Carmen Muşat.
Doina Ioanid, Le Collier de cailloux


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