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Publié le 01 juillet 2008 par Pffftt
- Ben donc tu faisais ta tronche ?
- Nan pourquoi ?
- Bah tu m'causais plus trop ces temps derniers...
- Si faut j'avais perdu ma langue!
- Si faut tu te fous de ma gueule...
- Booh!!!
- Tu proposes quoi du coup?
- La seconde partie de la nouvelle d'Alec Gurney.
- Tu te foules pas p'tain de présenter le taf des autres!
- C'est pour mon p'ti plaisir tout de même...je présente du bon et du bien écrit.
- Hum...c'est pas une excuse pour pas bosser...
- Promis pendant les vacances je vais y penser!
- A quoi? Ecrire une nouvelle?
- Ben ouais faut voir...
- Alors là, je me bidonne : ouaf! ouaf! ouaf!
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"Douche. Aspirine.10h.
A quatre pattes sur le plancher de la chambre, j’ôte les lattes qui dissimulent le double fond.
Le couple du dessus s’engueule, claquements de portes, bruits de verre cassé.
J’arrache une valise et la pose sur le lit ; l’ouvre en jouant avec les molettes de codes. Perruque brune bouclée, moustache style mousquetaire, lentilles pour des yeux couleur marron, carte de crédit et passeport au nom de Walter Vanbrucke citoyen belge, tube de maquillage qui éclaircit le teint estampillé Rozelmak Inc made in Israël, marque officielle utilisée par le Mossad.
J’ai choisi ça pour aujourd’hui.
Fermeture de la planque sans oublier de coincer un cheveu entre les lattes.
Un cheveu…..
J’y croyais toujours pas.
11h.
En sortant de l’immeuble, je croise la voisine aux yeux rougis de sanglots, les joues noircies de rimmel et trimbalant ses copeaux de vie dans une valise avant de rentrer chez sa mère.
Je lui tiens la porte et je pense à autre chose.
Une histoire qui aurait dû être si simple ; cette fille me plaisait, je lui plaisais ; on baise, je la jette gentiment.
Schéma habituel.
C’était comme ça que ça se passait, toujours comme ça. Dans le pire des cas, en période de disette, j’allais me payer un délire de cul tarifé rue du Chat Noir.
C’est tout.
Voiture.
Périph.
Cent mille cheveux par tête, six milliards de têtes, six cent mille milliards de tifs sur cette planète et tout ce bordel à cause d’un seul putain de cheveu de merde qui manquait ce jour là, à cet endroit là.
Porte de Bagnolet.
Sûr, j’ai fait une erreur, jamais cette fille n’aurait dû avoir la possibilité de rester chez moi seule pendant deux heures.
Deux heures de trop et un cheveu de moins.
Equation totale.
Fatale.
Agence immo.
Signature pour une location de deux mois à Noisy-Le-Sec. La femme et les filles de l’ingénieur belge que j’étais adoraient passer leurs vacances à Paris pour faire du shoping.
Un meublé ancien. Petit pavillon de retraités au style typiquement 60’s, parfait en discrétion et en médiocrité, et surtout avec des grandes pièces en sous-sol sur deux niveaux.
Un garçon du Mammouth du Paridis me livra tout ce que j’avais acheté en liquide deux jours avant ; lit, matelas, couette, oreillers, lampe de salon, une autre de chevet, frigo, lecteur-enregistreur de cd avec son micro, table de jardin et ses chaises en plastique, quelques fringues, des bouquins, nécessaire de toilette, deux trois tentures de couleur pour égayer un peu les lieux. Egayer les lieux, n’importe quoi !
J’avais choisi la plus profonde. Pas de fenêtre, porte unique en acier avec une grosse serrure, murs de pierres et sol en terre, coin toilette avec une petite salle d’eau.
Combien de jours et de nuits devrais-je la garder ici ? Combien de temps résistera-t-elle avant de me raconter tout ce qu’elle savait sur moi ? Sur le Réseau ?
Quartier de vieux, assis sur mon perron avec mon mégot.
Elle.
Elle qui m’avait crevé, percé ou, du moins qui était en passe de le faire, de toute façon, elle en savait déjà trop.
DGSE, DST, anti-terro, anti-gang, CIA, MOSSAD, FSB, Mafia russe, bulgare ou albanaise, famille Genovese ou Gambino, ou par simple curiosité de fille ? Pour qui ? Pour qui faisait-elle ça ? Moi, je le faisais pour le Réseau.
Mais pourquoi le faisais-je ? Question philosophique de merde que j’oubliai au moment même où je la pensais.
M’en foutais, j’aimais son odeur, son parfum qui envahissait mes draps depuis quatre semaines et un truc qui devait s’appeler des rêves.
Saloperies d’états d’âme.
Je savais même pas que j’en étais capable…. Ca anesthésiait la conscience comme une tumeur. Rudy avait raison, je devais le faire et vite, très vite, le plus vite possible. Il avait déjà sûrement balancé l’info aux boss et, je savais que ma vie ne valait pas vingt-quatre heures si par malheur je ne résorbais pas ce problème presto.
Mécaniquement c’était simple.
Mécaniquement, 59ième ou 60ième coup de craie sur le tableau des destins que j’avais forcés. Juste un accélérateur du futur, c’était ma vie jusque là.
Mais pour elle, je le tracerai lentement, parce que j’y allais à reculons, parce c’était contre ma propre volonté.
Parce que j’aimais quand nos doigts s’entrelaçaient, quand on se mélangeait.
Parce que je cajolais cette racine de créature chimère, hypothétique dragon sensuel aux deux chevelures, la sienne aussi noire que la mienne était poivre et sel.
Parce que j’aimais la posséder, l’envahir, boire ses yeux et manger son souffle, cette chair que mes mains entendaient vibrer et onduler quand elle prenait son plaisir.
Parce que j’aimais jouir en elle, sur elle.
Pour ce sourire et ces lèvres.
Ses putains de lèvres.
Putains d’états d’âmes.
Bagnole.
Embouteillages.
Cul à cul.
L’habitude de calculer et d’appréhender mon environnement. Observer pour anticiper un danger potentiel.
Une main de femme qui plonge dans un sac à main, quelqu’un qui me regarde tout en faisant un geste, une attitude décalée.
Machinalement enregistrer les visages dans un coin de tiroir.
Acquisition d’un grand sac de voyage, d’un rouleau de scotch toilé, d’une boîte de seringues stériles et je raye la dernière ligne sur la liste mentale des choses à faire aujourd’hui.
15 h.
J’avais faim.
Direction Montparnasse, un bistrot avec les œufs durs sur le zinc, les tables en formica et la cinquième à Vincennes sur le LCD qui passionnait les cinq ou six piliers de bar, l’œil rivé sur l’écran. Un des derniers qui fait encore des frites maison avec une entrecôte énorme et la magnifique feuille de laitue en déco.
Le schéma était clair. Je l’invite, je l’assomme, direction la cave de Noisy-Le-Sec avec le sac de voyage comme emballage.
Après, ça se complique.
Je fais un signe à Alain le patron - titi parisien comme on n’en fait plus - pour qu’il me remette un quart de côte du Rhône.
Après, il fallait que je la travaille au penthotal en doses massives, celles qui font parler…. sauf que si elle était bien une véritable matahari comme je le pensais, elle aurait sûrement l’entraînement nécessaire pour y résister, et là fallait passer en phase deux.
L’aliénation jusqu’au syndrome de Stockholm. Le noir, le silence, la privation, la faim, la soif, et puis après, des litres de champagne et des kilos de bonne bouffe, de la musique et la radio, de la lumière et des cadeaux.
Tout ça en alternance jusqu’à faire péter les plombs, quelle oublie qui elle était, qu’elle me haïsse jusqu’à m’aimer, qu’elle me dise ce que je voulais savoir. Ca pouvait durer des semaines, des mois.
Je devrais la tuer après, pas d’autre alternative. Alternative.
Je lui cherchais des excuses, des alibis, des solutions autres, me mentant le plus fort possible. J’imaginais qu’on pouvait s’enfuir, changer de tête avec un peu de chirurgie, se barrer sur Mars ou Saturne.
Je n’en trouvais pas.
C’était ça mon putain de plan.
Question de survie.
J’avais encore envie d’elle.
Un quart de rouge à nouveau."
By Alec Gurney, A un cheveu près...(2/3)

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