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Les justes et les mains sales

Publié le 02 décembre 2017 par Legraoully @LeGraoullyOff

Vous vous souvenez peut-être de la diatribe de Philippe Val sur ceux qu’il appelle « les traitres et les crétins », les crétins étant bien évidemment, aux yeux de Val qui est un traitre, ceux qui tiennent à rester fidèles à leurs convictions quoi qu’il arrive. Naturellement, dans la bouche du type qui a pourri la vie de Charlie Hebdo puis celle de France Inter, c’est réductible à la phrase « Il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis mais ce sont les scélérats qui disent ça » et pourtant, c’est une manifestation parmi d’autres d’un débat vieux comme le monde, une sorte de serpent de mer politico-éthique qui a refait surface récemment dans ma chère ville de Brest.

En effet, avec ce qui s’est passé au sein de la majorité municipale brestoise, en l’occurrence l’entrée de deux dignitaires socialistes dans les rangs de LREM, chacun y est allé de son petit couplet sur l’éthique en politique, la question étant de savoir s’il vaut mieux rester fidèle à ses convictions, même au risque de perdre les élections, ou s’il ne faut pas hésiter à se salir un peu les mains pour peser dans les débats. On pense tout de suite à Camus (Les Justes) contre Sartre (Les Mains sales). Personnellement, je pense que les deux positions sont respectables à condition que la première ne serve pas de prétexte pour rester au chaud et pouvoir continuer à rouspéter sans risquer de devoir prendre une décision (c’est très courant) et que la seconde ne serve pas d’excuse pour une pure et simple trahison aux motivations carriéristes (c’est encore plus courant).

Mais si l’on abandonne un instant l’aspect éthique de la question pour raisonner en termes d’efficacité, est-on bien certain que l’avantage revienne nécessairement aux « mains sales » au détriment des « justes » ? Pas sûr… Que font les premiers ? Ils délaissent leur camp au profit d’un autre, jugé en meilleure posture, mais leur nouveau camp n’est en position de force qu’à un instant T de l’histoire, celui qu’ils vivent présentement et qui est, par définition, éphémère. Souvenez-vous de « l’ouverture à gauche » pratiquée par Sarkozy au début de son quinquennat : un certain nombre de personnalités emblématiques de la gauche avaient cédé aux sirènes du Napoléon des Hauts-de-Seine, persuadés que ce dernier était là pour mille ans. Il ne leur a pas fallu longtemps pour déchanter, dès les premiers signes de faiblesses de la Sarkozie ! Et on peut remonter plus loin dans le temps pour trouver d’autres exemples de « mains sales » qui sont finalement devenues des « mains vides », comme ceux qui avaient parié sur Balladur en 1995 voire, pour prendre un exemple extrême, ceux qui avaient plongé avec délice dans la collaboration avec l’Allemagne nazie, persuadés que cette dernière était appelée à dominer le monde et qu’il fallait s’aménager sa place dans une Europe contrôlée par Hitler. Toutes ces « mains sales » ont en commun d’avoir tout simplement manqué de vision à long terme : ils avaient oublié que rien n’est éternel, surtout en politique, et qu’un parti en position de force ne le reste pas éternellement. En comparaison, les « justes » peuvent être en position de faiblesse à un moment donné, mais c’est pour mieux attendre leur heure quand celle-ci viendra…

La question qu’on n’ose pas poser aux ex-socialistes qui rejoignent le mouvement de Macron, c’est « êtes-vous sûr que vous n’aurez pas à regretter votre choix quand Macron ne sera plus le plus fort ? » Peut-être a-t-on peur de les entendre répondre « non car j’en serai quitte pour trahir une nouvelle fois », ce qui, pour le coup, rendrait le débat VRAIMENT sordide…

Les justes et les mains sales


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