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Trouvé fille perdue

Publié le 03 décembre 2017 par Legraoully @LeGraoullyOff

Trouvé fille perdue

Les deux coudes posés sur le comptoir, je contemple la foret de bouteilles qui tapissent le fond du bar. Tandis qu’avec ma main gauche je fais tourner le glaçon dans mon verre de single malt, je joue de mon Zippo avec la droite. Je m’adonne donc à mon occupation favorite, celle de ne rien faire … la sublime oisiveté.

Un pressentiment me fait lever les yeux quelques instants, cela a suffit pour que je croise le regard d’une fille qui vient de s’installer sur un tabouret. Elle débarque certainement, je ne l’ai pas vu en arrivant. J’ai immédiatement été frappé par ses yeux. Elle a le regard triste des filles qui s’ennuient, celles qui s’emmerdent avec un mec devenu trop paresseux, celles qui se sont laissées submerger par le quotidien, enlisées dans le sable mouvant de la routine, trop tard pour y échapper, ses yeux ne brillent plus.

Tu me connais un peu maintenant, tu te doutes bien que je ne vais pas laisser cette souris seule avec son désespoir et son verre de Martini dry. Encore un boulot pour le bon samaritain !

Je sors un CD de ma poche que je fais glisser sur le bar, de tel sorte qu’il vient s’arrêter pile poil devant son coude droit. Elle pose sa main sur le disque, regarde un peu interloqué de quoi il s’agit puis tourne son visage vers moi, des points d’interrogations à la place des prunelles.

Je profite de l’instant pour me rapprocher de la fille et m’installe juste à ses cotés. A peine suis-je assis que mon basset ne sentant plus ma présence ouvre un œil, se lève, s’étire de tout son long, et un basset qui s’étire de tout son long, ça vaut le détour mon pote, il étire ses petites pattes, cherchant sans doute à les rallonger un peu, mais en vain, il s’ébroue et vient reprendre sa place et son sommeil à mes pieds, vu que c’est là qu’il dort le mieux.

La belle a encore sa main sur le disque, je pose la mienne sur la sienne et plonge mon regard dans le sien, j’appelle cela le kumi-kata des yeux. Je lui dis alors :

 – Ecoute ma belle, je vais causer, tu ne vas pas me répondre, ce n’est pas la peine, Ok ? Tu me laisses jacter, tu as bien compris..

Te dire qu’elle est dubitative serait de trop, non ? Alors je ne vais pas le dire mais imagine toi bien dans quelle état d’esprit mon approche a pu la mettre.

– Je t’ai remarqué tout à l’heure lorsque tu es arrivée, je t’ai observé commander ton verre, y tremper tes lèvres, les yeux dans le vague et tu sais ce que j’y ai vu ? Non, non ne réponds pas, laisse moi parler s’il te plait… j’ai vu une fille triste. Tu t’emmerdes chez toi, c’est ça ? Tu t’emmerdes avec ton mec depuis trop longtemps déjà, tu es piégée dans le train-train, le crédit de la maison, le labrador, le monospace et les deux gosses, c’est ça … si je me trompe, je t’autorise à me couper … tu ne dis rien, je continue alors. Tu en as marre de ta vie, la baise du samedi soir, celle juste pour l’hygiène, que tu fais machinalement, sans plus y croire, sans y mettre ton cœur, tes tripes, le panard fadasse en quelque sorte. Il est quoi ton Jules, plutôt du matin, plutôt du soir ? Peu importe, une habitude, qu’elle soit à huit heures ou à vingt deux heures, c’est la petite mort du couple. Tu aimerais qu’il te surprenne encore hein ? Qu’il te fasse ton affaire sur la table de la cuisine en plein après-midi, pendant la sieste des gosses, hop, un petit coup de langue dans le sanctuaire, qu’il te prenne sur la canapé voir en vitesse dans l’ascenseur ou même dans la bagnole tiens, ça te rappellerait vos premières années. Tu es comme un oiseau qui ne vole plus depuis trop longtemps, tes ailes sont collées, tu as l’impression que tu ne sais même plus comment faire pour les déployer. Quel dommage, tu es encore bandante je trouve, un cul pareil, c’est un don du ciel.

Là, elle feint d’être choquée mais la carapace est fendue, le mal est fait, elle commence à y prendre goût à mes méthodes. Elle se souvient soudain qu’elle peut encore plaire, ça y est, elle cesse d’être une mère, celle qui fait le ménage, torche les mioches, fait la popote et l’infirmière pour son mec, elle redevient une femme, et ça lui plait. Elle tourne sa tête vers moi, croise ses jambes de telle façon que sa jupe remonte légèrement le long de ses cuisses, me laissant entrevoir la naissance d’une dentelle d’un bas de soie.

A ce moment là, je lève ma main de la sienne.

– Regarde la pochette du CD, ce que tu vois là va te redonner des ailes ma chérie.

– Ohh, Pearl Jam, dit elle. J’écoutais ce groupe au lycée !!

– Et oui ma jolie, ils sont toujours là et ils vont te faire du bien, c’est un album live, enregistré en 2017 et comment te dire .. ?? le mieux est encore de l’écouter, de se laisser envouter par la voix d’Eddy Vedder … juste pour se rappeler que ce groupe issu de la scène grunge de Seattle, comme Nirvana, Alice in Chains et Soundgarden, et devenu l’un des plus grands groupes de rock au monde, viens suis moi.

Bon la suite devient un peu privé, tu ne m’en voudras pas de ne pas tout te raconter, j’aurais trop peur de te choquer, de violer tes chastes oreilles. Quoi ? Tu veux quand même savoir !! Petit coquin va, après tout, tu as raison, on est pas chez Marc Levy ici, on est entre adultes consentants, qu’on s’entende bien, ici point de retenue, on appelle une chatte une chatte, ici les glands sont turgescents, la moniche est mouillée, les lèves humides, le verbe et la queue tendus bien hauts, comme des étendards.

J’ai donc ramené la petite perdue dans mon antre, ai collé le disque dans le lecteur et nous sommes partis pour un merveilleux tour au pays du luxe et du stupre. Je ne peux pas te narrer ici tout ce que nous avons fait .. disons que la musique de Pearl Jam nous a inspiré !

Passé les premières figures imposées, nous nous sommes lancés dans la figure libre, l’expression corporelle sans retenue. Pour te dire la vérité, le 10/10 de Nadia Comaneci n’est rien à coté de la note que nous aurions reçu pour cette prestation. Ce fut épique.

Le cygne avait retrouvé ses ailes et je suis persuadé qu’en rentrant chez elle au petit matin, elle chantera encore ‘Alive ‘ dans sa tête et trouvera la force de dire merde et d’envoyer promener sa vieille vie triste à mourir. Tant pis pour son mec, elle est ressuscitée !

Et moi, je me retrouve de nouveau seul chez moi, j’écoute encore Pearl Jam, bercé d’un sentiment ambivalent, entre la satisfaction d’avoir redonné vie à une âme perdue et mélancolique de la voir partir, elle me plaisait bien cette petite.

Voilà pis c’est tout.


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