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Lettre ouverte à madame Catherine Deneuve

Publié le 11 janvier 2018 par Legraoully @LeGraoullyOff

Lettre ouverte à madame Catherine DeneuveChère madame Deneuve,

Ce n’est pas pour vous accabler que je prends la plume ; mes désaccords ponctuels avec vos prises de position n’enlèvent rien à mon respect pour votre personne et votre parcours de comédienne. Je ne peux cependant cacher la déception que j’ai ressentie en découvrant votre nom parmi les signataires de la tribune en faveur de la « liberté d’importuner » qu’il faudrait reconnaître aux hommes. Tout d’abord, en tant qu’homme, je trouve la démarche insultante : en effet, je souffre depuis l’enfance des stéréotypes liés à au genre masculin, ces préjugés imbéciles suivant lesquels, pour être « un homme, un vrai », il faudrait impérativement jouer au macho et à la petite brute à tout bout de champ sous peine de voir sa masculinité remise en cause ; d’aussi loin que je me souvienne, je ne me suis jamais conformé à ce modèle que je trouvais ridicule et que votre tribune semble légitimer. Il n’est pas consubstantiel au genre masculin de traiter les femmes comme des bêtes à plaisir à leur disposition, tous les hommes ne sont pas des phallus sur pattes incapables de réfréner leurs ardeurs sans consentir à un effort surhumain : prétendre que les hommes ont le droit de manquer de respecte aux femmes, c’est manquer de respect aux hommes.

De surcroît, votre démarche me semble profondément indécente vis-à-vis des femmes qui n’ont pas la chance d’avoir votre statut social : vous ne l’ignorez pas, vous êtes une vedette riche, célèbre, adulée et vous êtes sûrement très intelligente ; vous l’êtes en tout cas certainement assez pour comprendre que la plupart des personnes de votre sexe n’ont pas été aussi gâtées que vous par le destin. Or, si vous, Catherine Deneuve star de cinéma, avez les moyens de vous défendre efficacement quand un homme se montre excessivement entreprenant à votre endroit, vous vous doutez bien qu’il n’en va pas de même de la petite stagiaire qui se fait peloter les fesses par un patron vicelard pendant qu’elle fait ses photocopies ou de la secrétaire en CDD qui n’ose pas repousser les avances d’un supérieur de peur d’un licenciement. Et que dire de toutes ces femmes qui, de par le monde, sont brimées, mariées de force, réduites en esclavage et n’ont aucun moyen de se défendre parce qu’on leur refuse l’accès à la culture, victimes de régimes politiques et / ou d’intégrismes religieux qui ne leur accordent aucun droit et qui ne vous laisseraient même pas, vous, en tant que femme, vous exprimer dans un quotidien ? De même que la plupart des autres signataires de la tribune, il semble que votre position sociale plus qu’enviable vous ait fait oublier que le monde ne se réduit pas à une cour de Versailles où des gentlemen « importunent », comme vous dites, de belles dames qui peuvent s’en rire en minaudant des « oh, grand fou » : les prétentions masculines à la domination sexuelle s’expriment en général sous des formes autrement plus violentes. Je me doute que vous ne défendez pas toutes ces oppressions, mais ne pensez-vous pas que lutter efficacement contre le harcèlement sexuel peut être une première étape, pas suffisante mais nécessaire, en vue du combat contre toutes les formes d’oppression que peuvent subir les femmes au quotidien dans toutes les régions du globe ?

Veuillez agréer, madame Deneuve, l’expression de mes salutations les plus distinguées. Cordialement vôtre,

BENOÎT « Blequin » QUINQUIS

Lettre ouverte à madame Catherine Deneuve


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