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Interview : Raphaël Delpard

Publié le 28 février 2018 par Legraoully @LeGraoullyOff
Interview : Raphaël DelpardRapahaël Delpard en 2010
(Photo : Esby)

Cette interview a été publiée, sous forme abrégée, sur le site Lars & Ruby.

L’année dernière, l’écrivain et cinéaste Raphaël Delpard a porté au cinéma son livre consacré à la persécution des chrétiens dans le monde actuel. Le film sera projeté demain à Brest, aux Studios.

Qu’est-ce qui vous a conduit à réaliser ce film ?

Dans les années 1996-1997, j’ai découvert que les chrétiens, dans certains pays, étaient persécutés en raison de leur foi. J’ai même vu une vidéo amateur d’un mariage de chrétiens kabyles qui se tenait…dans une cave ! Ça m’a stupéfait : il y a des gens qui se marient dans la peur ! C’est à partir de là que j’ai commencé à recueillir des informations, jusqu’à ce que je décide d’aller me rendre moi-même sur le terrain : Syrie, Irak, Afghanistan, Inde… J’en ai fait un livre qui est sorti en 2009 mais je pensais que l’image serait un véhicule plus puissant : j’ai eu un peu de mal à trouver des sous mais j’ai quand même réussi à faire ce film et à le sortir en 2017.

Comment avez-vous travaillé sur ce sujet assez délicat ?

Comme je vous le disais, je suis allé dans les pays pour recueillir des témoignages, j’ai ramassé les éléments et structuré un récit. J’ai notamment travaillé avec des ONG chrétiennes présentes dans les 50 pays persécuteurs listés par l’ONU, sauf en Corée du Nord, premier État de la liste, où aucune ONG n’est autorisée à intervenir. Mais il y a eu deux temps, celui du livre et celui du film et, entre les deux, j’ai eu le temps de réunir des éléments nouveaux.

Il n’y a donc pas que les chrétiens d’Orient, dont on parle beaucoup, qui sont persécutés : pourquoi parle-t-on si peu des autres régions du monde ?

Je pense que ça tient à un phénomène historique : les chrétiens d’Orient sont des chrétiens « autochtones », qui ont été envahis par les musulmans au VIe siècle, et certains d’entre eux sont venus évangéliser l’Europe : Irénée de Lyon, par exemple, venait de Smyrne (aujourd’hui Izmir, en Turquie). De plus, à partir de la loi de 1905, la France a reçu pour mission de préserver les chrétiens d’Orient : par exemple, il y a un consul français qui remplit cette mission en Israël. Beaucoup de pays persécuteurs sont oubliés et c’est donc à cause de ce lien très fort entre l’Europe et les chrétiens d’Orient qu’il y a ce phénomène de méconnaissance.

Que peut-on faire pour les aider ?

Vaste question ! On peu déjà rappeler qu’il y a des ONG qui travaillent dans les pays persécuteurs, comme SOS Chrétiens d’Orient ou l’Aide à l’Église en Détresse (AED) qui agit dans le monde entier : elles font leur possible pour aider sur le plan social, elles tiennent grâce à des donateurs qui leur permettent de travailler. Mais il faut aussi alerter l’opinion afin que les esprits s’éclairent devant cet ethnocide : le film montre clairement que la Charte Universelle des Droits de l’Homme est foulée aux pieds !

Espérez-vous faire réagir la communauté internationale ?

Oui, bien sûr. Dans un sens, elle est déjà alertée, je sais qu’il y a un responsable européen, à Bruxelles, qui essaie de faire un travail d’information, mais la question religieuse semble toujours assez gênante. Or, si la communauté internationale ne se mobilise pas plus que ça, on peut estimer que d’ici dix ou vingt ans, il n’y aura quasiment plus de chrétiens dans certains pays du monde ! Je dis ça, mais beaucoup de Kabyles et de Berbères se convertissent au christianisme. Pourquoi ? Je ne sais pas, je fais juste le double constat d’un risque de disparition à terme, d’une part, et d’une relative résurgence du culte chrétien, d’autre part.

Êtes-vous déjà venu à Brest ?

Oui, il y a une dizaine d’années, dans le même cinéma, pour présenter un autre film, Les convois de la honte, lui aussi adapté d’un de mes livres, consacré au rôle de la SNCF de la seconde guerre mondiale. Je garde de Brest le souvenir d’une ville blanche, mais j’y suis resté trop peu de temps.

Qu’attendez-vous de cette projection à Brest ?

Que les gens viennent, et pas seulement les chrétiens (je ne le suis pas moi-même) mais aussi tous les curieux : c’est une occasion de découvrir un drame terrible qui menace 210 millions de personnes et il n’y a pas que les chrétiens qui doivent être au courant ! Donc, j’espère qu’il y aura beaucoup de monde.

Quels sont vos projets quand vous aurez tourné la page de ce documentaire ?

J’espère que je ne vais pas la tourner tout de suite ! De toute façon, ça va prendre du temps, c’est tout un travail de longue haleine. Mais je n’attends pas la fin de l’aventure pour faire autre chose : je prépare un livre sur la situation des pères divorcés en France où 2 millions d’enfants voient rarement leur père et 600.000 ne le connaissent pas. J’ai un peu de mal à trouver un éditeur, mais je commence déjà l’enquête, j’adore faire du terrain ! Je ferai peut-être aussi un documentaire sur la déchristianisation de la France : j’ai beau ne pas être chrétien, je suis quand même stupéfait qu’on en arrive à faire des procès pour une croix à l’entrée d’un cimetière !

La persécution des chrétiens aujourd’hui dans le monde, projection et rencontre avec le réalisateur, jeudi 1er mars à 20h aux Studios,136 rue Jean Jaurès, Brest

Interview : Raphaël Delpard


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