Magazine Humeur

Le journal du professeur Blequin (50) Episode nombriliste

Publié le 04 mars 2018 par Legraoully @LeGraoullyOff

Vendredi 2 mars Le journal du professeur Blequin (50) Episode nombriliste

10h : La neige a disparu, le pays de Brest a retrouvé son ambiance grisâtre habituelle, rien à signaler. Ah si : depuis quelques jours, le téléphone de mes parents n’arrête pas de sonner, c’est à en devenir fou ! De quoi s’agit-il ? De démarchage téléphonique, pardi ! Vous me direz que ce n’est pas si grave, ils n’ont qu’à leur raccrocher au nez : je vous réponds que toutes ces sonneries pour des conneries, il n’en faut pas plus pour perturber au-delà du raisonnable la vie d’un couple de paisibles retraités qui n’ont rien demandé ! Il faut vraiment être mort pour ne plus être traité comme une vache à lait ! Et encore !

Le journal du professeur Blequin (50) Episode nombriliste
Samedi 3 mars

9h30 : Un internaute, voyant un mien dessin sur la réforme annoncée des chemins de fer, me félicite pour le « message » que je voudrais « faire passer » et pour mon « engagement artistique ». Toujours le même malentendu… Beaucoup de gens me prennent pour un militant mais c’est me faire beaucoup d’honneur. Quand j’étais enfant, j’étais fan des Guignols de l’info (et oui, encore l’esprit canal, je sais) et je m’amusais à imaginer des scénarios pour mon émission culte : aujourd’hui, quand je fais un dessin d’actualité, je ne fais quasiment pas autre chose ! Je ne me vois pas absolument pas passer ma vie à faire la révolution : je ne suis pas un gauchiste, je suis un mec de gauche ! Vous ne voyez pas la différence ? Disons qu’un gauchiste a les mêmes révoltes qu’un mec de gauche mais qu’il est aussi chiant qu’un facho !

Dimanche 4 mars

Le journal du professeur Blequin (50) Episode nombriliste
Un des dessins refusés.

10h15 : La journée commence mal. Je reçois le trimestriel message de la CAF me demandant de déclarer mes ressources ; c’est déjà ennuyeux en soit mais ça le serait déjà beaucoup moins si je pouvais déjà me débarrasser tout de suite de cette corvée au lieu de devoir attendre que leur site se débloque ! Pour l’heure, il est impossible de se connecter… Autre avanie, je reçois une réponse négative d’un journal dont je ne citerai pas le nom et auquel j’avais envoyé quelques dessins : je peux pourtant m’estimer presque heureux, la plupart des rédactions ne répondent même pas… Ils me disent que ça ne correspond pas à leur ligne éditoriale « pour plusieurs raisons » : je n’ai pas le courage de leur demander lesquelles ; chaque fois que je montre mon travail à des professionnels, j’ai une peur bleue qu’ils me disent que c’est sans espoir et que je dois laisser tomber ! Alors j’aime autant ne pas savoir… Oui, ce n’est pas la confiance en moi qui m’étouffe ! Maman, pourquoi ton fils a-t-il voulu devenir artiste ?

16h : Je me suis inscrit à une scène ouverte ; en attendant mon tour, je lis le journal et j’apprends que Marcel Philippot, l’inoubliable client mécontent de la non moins inoubliable série Palace, se serait suicidé : je savais qu’il était mort, mais apprendre qu’il avait décidé lui-même du jour et de l’heure m’a fait sauter de ma chaise ! Ce n’est pas le premier humoriste à s’être donné la mort : comme le disait Wolinski, c’est un métier dangereux ; rire de tout, c’est prendre conscience que tout est dérisoire, autrement dit que tout est vain…

16h15 : Quand je monte sur scène, je lis au public mon poème intitulé Être soi dans lequel je dis, entre autres : « Mes parents m’ont appris le mépris de l’église / Où des ensoutanés racontent des bêtises. / Jamais de caté pour me laver le cerveau / Et me faire enculer par un affreux corbeau. » J’ai quand même de la chance d’être en France : en Egypte, de tels propos m’auraient valu d’être embarqué à l’asile ! Si ça me remonte le moral ? Un peu.


Retour à La Une de Logo Paperblog

Magazine