Magazine Journal intime

Richard Avedon

Publié le 07 juillet 2008 par Stella

Il fallait voir et être vu, lundi 30 juin dernier, au vernissage de l’exposition photo Richard Avedon, au Jeu de Paume. Le tout-Paris s’y pressait, en compagnie du tout-New York en vacances, filles longilignes aux jambes interminables et mecs branchés lunettes noires et cabriolet. Il y avait davantage de monde au rez-de-chaussée, où étaient exposés les clichés de stars et de mannequins qu’au premier étage, où se cotôyaient portraits de SDF, d’ouvriers d’usine et de serveuses de restaurant dans une Amérique à des années lumières de celle que nous connaissons tous.

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Avedon a commencé sa carrière après la guerre en travaillant pour le magazine Harper’s Bazaar. Il est considéré comme un révolutionnaire pour avoir fait sortir ses mannequins dans la rue, dans les bars, dans des lieux insolites que l’on contemple aujourd’hui avec le même étonnement, ou presque, qu’il y a soixante ans. La belle Dovima posant dans la sciure, au milieu d’un ballet d’éléphants, est toujours aussi fascinante. Glamour chic, élégance choc, le maître a fourbi ses armes dans le luxe pour mieux s’en servir dans la politique.

Son engagement était à la fois personnel et artistique, c’est ce qui en fait tout le charme et l’intérêt. Un mur entier de l’exposition est consacré aux différentes personnalités du Congrès et du monde des affaires. L’on y voit Jimmy Carter et Ronald Reagan jeunes, Rockefeller, Kissinger. Un gigantesque panneau rassemble les membres de la Factory d’Andy Warhol. Ils font face à des inconnus dont les corps et les visages racontent une histoire autrement tragique : anciens esclaves, pacifistes pourchassés et victimes vietnamiennes du napalm sont figés dans un cri éternel et “munchien”.

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Richard Avedon a su développer un regard particulier et son oeil, devenu notre oeil, rencontre celui de son sujet dans un duo magique, étrange et dérangeant. Les figures photographiées dans l’ouest américains sont de celles qui cassent tous les mythes. Ces gens ordinaires, aux vies étroites et dures, ont la même étincelle éperdue dans le regard que Marylin Monroe, attrapée comme à la sauvette loin des sunlights. Les visages portent comme un fardeau l’empreinte du temps et de la mort, la marque de la violence impitoyable qui est leur lot quotidien, loin de la douceur tranquille des beautés chic des magazines.

Cette exposition est fascinante, même si elle dérange. On s’y promène d’abord avec ravissement, comme dans un vieux film en noir et blanc. On découvre les visages d’auteurs lus et relus dans notre jeunesse aventureuse avant de se sentir attiré, magnétisé par les regards mille fois répétés d’autres personnages plus obscurs et déroutants, faces cachées d’une lune froide qui n’a rien à prouver, rien à démontrer, qui se contente d’être elle-même.

Au Jeu de Paume, place de la Concorde à Paris. Tous les jours de 12 heures à 19 heures, le week-end à partir de 10 heures et le mardi jusqu’à 21 h 30. Jusqu’au 28 septembre. Entrée : 7 euros.


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