Magazine Journal intime

Jean-Pierre Thystère Tchicaya

Publié le 02 juillet 2008 par Stella

Oh, je sais, d’aucuns diront “encore un mort” mais que voulez-vous, ils tombent tout autour de moi… Je voudrais vous parler d’un monsieur que j’ai rencontré l’année dernière pour une interview. Il s’appelait Jean-Pierre Thystère, il était Congolais (de Brazzaville) et avait 72 ans. Son décès remonte déjà à la semaine passée, mais je l’ai appris hier dans le Carnet du Monde. J’avais apprécié notre rencontre, c’était un vieux monsieur comme on n’en trouve plus qu’en Afrique. Il avait connu bien des régimes, bien des vicissitudes et s’efforçait de raconter son Congo natal avec force détails de façon à bien se faire comprendre de ses interlocuteurs.

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Jean-Pierre Thystère Tchicaya était, jusqu’aux dernières élections législatives, en août 2007, président de l’Assemblée nationale du Congo. Il n’était toutefois pas novice en politique et les Congolais le connaissaient depuis 1968, date à laquelle, jeune directeur de l’Ecole normale supérieure d’Afrique centrale, il a pris position contre les querelles idéologiques autour du président Alphonse Massamba Débat, accusé de vouloir substituer le socialisme « bantou » au socialisme scientifique. Débat idéologique de notions oubliées qui nous semble aujourd’hui un combat de dinosaures, mais qui passionnait les foules au lendemain des indépendances. Proche de son successeur, Marien Ngouabi, dont il a été longtemps ministre, il s’est retiré de la scène à l’assassinat de ce dernier en 1977. Un an plus tard il revient et se joint au mouvement qui chasse Joachim Yhombi Opango du pouvoir. En 1984, Denis Sassou Nguesso l’écarte, allant même jusqu’à le faire jeter en prison pour une obscure affaire d’attentats à la bombe commis en 1982. Libéré en 1986, il repart en politique. En 1993, il est maire de Pointe Noire lorsque qu’éclate la guerre civile. Ses relations, anciennes et suivies, avec le président Pascal Lissouba le désignent comme médiateur entre celui-ci et ses adversaires, Denis Sassou Nguesso et Bernard Kolélas. Lorsque la guerre reprend en 1997, il parvient à nouveau à protéger sa ville des combats. Cette même année, il sera ministre du gouvernement de crise, après la dissolution de l’Assemblée et les élections législatives anticipées.

Son parti, le Rassemblement pour la démocratie et le progrès social (RDPS) s’est allié au Parti congolais du travail (PCT) du président Sassou Nguesso depuis 2000, date des élections législatives qui l’ont porté à la présidence de l’Assemblée. Mais l’élection présidentielle de 2002, que Jean-Pierre Thystère a toujours considérée comme irrégulière et entachée de nombreuses fraudes, a jeté une ombre sur cette majorité présidentielle. Souffrant d’une jambe, il n’a pas pu participer activement à la campagne de 2007. Celle-ci a été conduite par… son épouse, une belle femme, très dynamique. C’est la raison pour laquelle j’avais pu le rencontrer en juillet, peu avant le second tour.

Je garde de mon entretien une délicieuse impression. Il était au régime mais n’avait pu résister à la coupe de champagne que son savoir-vivre l’obligeait à m’offrir. Il habitait un pavillon tout neuf dans une banlieue résidentielle, dans la grande couronne parisienne. Je suis désolée de sa disparition. Il aura des funérailles nationales au Congo et l’histoire l’oubliera. Comme tant d’autres.


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