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Gérard Titus-Carmel | en traîne d’ocre et de blanc

Publié le 04 août 2018 par Angèle Paoli

EN TRAÎNE D'OCRE ET DE BLANC v oix tues en traîne d'ocre et de blanc, toutes béantes d'absence, images pâles et brouillées en surplomb, décrochées des parois de la yourte, une fumée fauve restée vive en son centre, la gardant toujours simple et droite -

(et dehors le dessin des ombres bleues marbrant les pavés, tordant les heures à notre avantage)

une douleur, pourtant, au défaut de l'épaule, une crainte nue qu'on devine sans recours, car attachée à une autre durée, comme le signal de l'effondrement à venir, suivi du froissement sec de la mémoire poussée en ses derniers replis -

(comment dire cette aigreur surie au cœur de l'été, le souffle rendu rauque et les mots à peine lâchés, irritant durablement les lèvres, une guerre de position, les nerfs portés à vif, prêts à trahir)

même le jour s'est fermé à la faveur de cette chute il a transi nos fronts autour de cette figure cryptée qu'il découvre logée en fossile dans le fin mica d'une peau étrangère -

Gérard Titus-Carmel, Serpentes, III.1, éditions Obsidiane, Collection Le Carré des lombes, 2018, page 24. Dessins et vignettes de Gérard Titus-Carmel [en librairie le 21 août 2018].

Gérard Titus-Carmel | en traîne d’ocre et de blanc

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NOTE DE L'ÉDITEUR : avec ce premier titre, la collection Le Carré des lombes publiera, deux fois l'an, de courts volumes au format 22 x 21cm, qui mêleront poésie et œuvres graphiques. Après Serpentes, écrit et accompagné par Gérard Titus-Carmel, Le Carré des lombes publiera des livres de Jean-Baptiste de Seynes (et Bazaine), Gérard Noiret (et Jean-Louis Gerbaud), Emmanuel Moses (et Liliane Klapisch)... Premier volume de la nouvelle collection Le Carré des lombes, Serpentes, ainsi nommé en référence aux feuilles de soie intercalées entre deux gravures, est un polyptyque sexpartite, scandé par les encres de Titus-Carmel : " Peau translucide ", " serpent de lumière ", " voile de brume "... Ce long poème, mélancolique et rêveur, décline les virtualités synonymiques (métaphoriques aussi bien) des feuilles légères qui, d'une stance à l'autre, menacent " qu'une cendre nue recouvre lentement toutes les pages de ce livre ". Mais c'est toujours la fragilité de la parole poétique qui est lovée (d'où la présence du serpent dans les vers) au cœur des poèmes de Titus-Carmel (sa langue riche et gourmande !), fondée sur l'obsession de l'absence, de l'effacement et de la nuit - voir aussi La Nuit au corps ou Travaux de fouille et d'oubli ainsi que ses livres publiés chez Obsidiane.


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