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Nécro, logique !

Publié le 02 octobre 2018 par Legraoully @LeGraoullyOff

Nécro, logique !Charles Aznavour m’a toujours royalement fait chier. Ne cherchez pas l’ironie, il n’y en a pas : je l’ai toujours conchié de son vivant, je ne vais pas faire semblant de l’aimer sous prétexte qu’il est mort. Le personnage, réputé pour ses idées extrêmement libérales sur l’immigration (c’est du moins ce qu’affirme son ami Guy Bedos) m’aurait peut-être plu, mais ses chansons me cassaient tellement les oreilles (pour ne pas dire autre chose) que je n’avais pas envie d’en savoir plus. Je trouvais ses paroles indigentes et ses musiques putassières ; pour ne rien arranger, sa voix me laissait de marbre. Dès que ma mère avait la mauvaise idée d’allumer sa radio sur Nostalgie, je savais qu’il y avait neuf chances sur dix pour que je subisse au moins une fois « La bohème » ou « Emmenez-moi » qui me sortaient par les trous de nez et dont j’ai même parodié les refrains pour me venger ; pour la première, ça donnait : « J’fais d’la merde, ça veut dire que j’gagne de sous, j’fais d’la merde qui n’a jamais rien voulu dire du tout » ! Pour la seconde, il en résultait un détournement que j’interprétais quand mon amie Lyz’An reprenait cette chanson sur scène, histoire de complimenter cette dernière pour son interprétation tout en manifestant ma désapprobation de ce choix de répertoire : « Il me semble que ce son d’Aznavour est déjà moins pénible chanté par Lyz’An ! » Avec cette dernière parodie, j’ai le sentiment de venger tous ceux qui crèvent de faim en plein soleil et vis-à-vis desquels j’ai toujours trouvé le refrain original particulièrement indécent. Nécro, logique !

Si je ne pleure pas Aznavour, en revanche, j’ai eu de la peine en apprenant le décès de René Pétillon qui était un des rares dessinateurs de presse à pouvoir se vanter de m’avoir fait rire à gorge déployée avec un dessin : c’était à l’époque des municipales de 2008, alors qu’un imbroglio invraisemblable secouait la campagne de l’UMP à Neuilly ; il avait résumé l’affaire en montrant Sarkozy engueulant David Martinon en ces termes : « Je te nomme maire de Neuilly et tu n’es pas fichu de le devenir ! » Au-delà de la synthèse bien sentie d’un énième conflit politique, il y avait là une invention verbale tout bonnement géniale qui m’a vraiment fait éclater de rire ! Je n’ai pas vraiment connu Pétillon bien qu’il fût, comme ma famille, originaire de Lesneven et qu’il connût personnellement l’un de mes oncles : je ne l’ai rencontré en chair et en os qu’une fois, peu après la sortie de Palmer en Bretagne, un album qui lui avait valu de devenir, presque malgré lui, acteur du débat sur la pollution du littoral breton et l’avait donc entrainé à la faculté des lettres de Brest pour une conférence à laquelle participait aussi Eaux et rivières de Bretagne. Je fus assez surpris de voir arriver cet homme maigre à la mine sévère, à des lieues des visages rondouillards et rigolards de ses illustres collègues tels que Cabu ou Wolinski : mais bien vite, l’humoriste se manifesta et il apparut avec évidence qu’il était le premier à rire d’être là, dans une posture de conférencier qu’il n’avait jamais recherchée.

En conclusion, je me permettrais juste un bémol concernant l’hommage qui a été rendu à Pétillon : je suis parfaitement d’accord pour dire que sa mort est une grande perte, mais de là à dire qu’il était le dernier grand du dessin de presse, il y a une marge. Et Willem alors ? Et Lefred-Thouron ? Et Lindingre ? Large ? Berth ? Et… Heu, non, je ne ne le dirai pas : restons modeste !


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