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Fonctionnaires : Devoir de réserve...Voir ?

Publié le 26 décembre 2018 par Georgezeter
Fonctionnaires : Devoir de réserve...Voir ?

Il y a 5,5 millions de nos concitoyens devant se taire. Cela se nomme " le droit de réserve " que doit respecter chaque fonctionnaire sous peine de sanctions très graduées, pouvant aller jusqu'au renvoi définitif. Ce qui fait d'eux des français à part, avec l'interdiction pour certains de manifester ou d'exprimer ouvertement des opinions, sauf à travers leurs syndicats, qui bien souvent sont plus ou moins accoquinés au pouvoir en place.

Tout dépend dans quel secteur le fonctionnaire opère, car ce devoir de réserve est à géométrie variable. Deux exemples :

- Jean-Hughes Matelly, officier de gendarmerie, avait été radié des cadres en 2010 pour avoir critiqué, en tant que chercheur au CNRS, le rapprochement police-gendarmerie. En 2011, le Conseil d'Etat avait reconnu la faute mais ordonné sa réintégration, jugeant la sanction " manifestement excessive ".

- Imagine-t-on un tel scénario à la suite d'une critique de la réforme du collège ? Poser la question est y répondre. Jusqu'à un certain point, le devoir de réserve s'accommode des controverses qui traversent l'éducation nationale. Le code de l'éducation stipule que les agents exercent " dans le respect des programmes et des instructions du ministre ", et impose le respect de la chaîne hiérarchique.

Et oui, c'est là où réside la contrainte : respect des instructions du ministère, et respect de la chaine hiérarchique... En clair, sachant que les ministres valsent régulièrement et ne font que passer tout en voulant marquer ce passage ; Suivre " les directives " revient à savoir applaudir lorsque cela est opportun, sentir le courant porteur et surtout savoir nager entre deux eaux. Un bon fonctionnaire gradé, est un nageur de combat qui s'ignore, son subalterne ? Un pécheur à la ligne. Pour qu'un fonctionnaire grimpe l'échelle des galons, son sens " politique " doit prévaloir et donc, pas étonnant que le plupart usent d'une langue de bois en chêne massif avec moulures à la feuille d'or ( le silence est d'or). Au lieu de se montrer productif, décisionnel et de se consacrer pleinement à sa tache, il doit être un expert pour marcher sur des œufs, qui en soi est tout un art que beaucoup pratiquent tels des danseurs étoile.

Jamais en reste d'une bonne vieille reforme la clique " en marche " veut par le biais du ministre de l'éducation nationale reformer par la disposition d'un projet de loi appelé " l'école de la confiance "...Faut avouer qu'ils ont un sacré talent pour trouver des titres ronflants. Jean-Michel Blanquer veut rappeler aux enseignants leur devoir de réserve :

- Le projet de loi " pour une école de la confiance " demande d'insérer un article dans le Code de l'éducation: " Par leur engagement et leur exemplarité, les personnels de la communauté éducative contribuent à l'établissement du lien de confiance qui doit unir les élèves et leur famille au service public de l'Éducation." Okay, ça c'est le blabla sous l'appellation " comme d'hab. " Mais la suite devient intéressante.

- " Les dispositions de la présente mesure pourront être invoquées [...] dans le cadre d'affaires disciplinaires concernant des personnels de l'éducation nationale s'étant rendus coupables de faits portant atteinte à la réputation du service public." Réputation du service public... Un " réputation " ne se construit-elle pas sur des opinions souvent divergentes et disparates ? Mais entendez la fin, significative de sa volonté de la faire boucler.

- " Il en ira ainsi lorsque des personnels de la communauté éducative chercheront à dénigrer auprès du public, leurs collègues et de manière générale l'institution scolaire." Dénigrer et critiquer ? That's the question mister le ministre ! Il va falloir faire de sacrées acrobaties pour faire joujou avec la sémantique. Mais nous pouvons vous faire confiance, en la matière, vous êtes expert.

Il ne faut pas non plus oublier que si cette ième reforme passe, les petites vengeances de certains hiérarques vont fleurir légalement comme l'edelweiss au printemps. Un fonctionnaire de rang inférieur n'ayant pas respecté la chaîne hiérarchique, sera comme on dit trivialement " dans le collimateur ", où le petit chef-chef pourra régler ses comptes sur le dos de cette nouvelle directive " pour une école de la confiance ". Il en ira de même pour tous les corps des employés de l'état ; des règles qui ouvrent les portes de la soumission bien comprise, de la non- remise en question d'un modèle qui ne fonctionne plus et surtout, l'apothéose du petit rond de cuir devenu marquis.

Il est tout de même surréaliste que dans un pays de " liberté d'expression " des policiers, des gendarmes suite aux événements des gilets jaunes soient obligés de témoigner devant les caméras le visage en flouté, avec une voix d'outre tombe, comme dans les émissions trash qui mettent en scène des gangsters recherchés, des prostituées ou des dealers. En oubliant le sensationnel, cela donne surtout le sentiment que ces forces de l'ordre sont au service exclusif de ceux d'en haut, les tireurs de ficelles et que briser l'omerta comme dans la mafia, reviendrait à briser son serment, d'où conséquences sur la carrière, l'avancement et la mise au placard certaine. Tout le monde n'a pas l'étoffe d'un héro, comme le général Pierre de Villiers qui démissionna en osant critiquer ouvertement le budget des armées devant le president.


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