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«Pourquoi la démocratie française s’abîme»

Publié le 19 février 2019 par Observatoiredumensonge

Le diagnostic présidentiel d'une France "empêchée" serait convaincant s'il ne s'accompagnait d'une politique tendant à verrouiller des paroles dérangeantes et à étouffer des contestations

«Pourquoi la démocratie française s’abîme»

Par Ivan Rioufol

CHRONIQUE - Quel est ce pays où le pouvoir peut recourir à l'intrusion, à la suspicion, à la répression, au complotisme, à la propagande pour tenter de se protéger de citoyens excédés?
Quel est ce pays où la justice décide de perquisitionner un journal et où la liberté d'expression est mise sous la surveillance d'une loi anti- "fake news"? Quel est ce pays dont les parlementaires veulent réduire le droit de manifester tandis que des protestataires se font éborgner ou arracher des mains par des armes dangereuses utilisées par les forces de l'ordre? Quel est ce pays dont le président s'invite régulièrement sur des télévisions durant d'interminables heures, tout en dénonçant l'influence d'un pays étranger sur le peuple révolté? Bref, quel est ce pays où le pouvoir peut recourir à l'intrusion, à la suspicion, à la répression, au complotisme, à la propagande pour tenter de se protéger de citoyens excédés? Cette régression démocratique ne s'observe ni dans la Hongrie d'Orban, ni dans l'Italie de Salvini, ni dans aucune des nations "populistes" dénoncées par Emmanuel Macron. En revanche, oui, la France donneuse de leçons a pris ce visage abîmé, dans l'indifférence des faux gentils: ceux-ci ne voient de menaces que chez les "gilets jaunes".

Le diagnostic présidentiel d'une France "empêchée" serait convaincant s'il ne s'accompagnait d'une politique tendant à verrouiller des paroles dérangeantes et à étouffer des contestations

Le chef d'État raille ceux qui veulent se "claquemurer". "Je ne crois pas à ceux qui font des murs, ça ne marche pas", a-t-il répété lundi devant des élus de Seine-Saint-Denis. Pour ce cinquième débat, Macron a réitéré sa performance en restant plus de six heures en scène, dans une prestation retransmise par toutes les chaînes d'info en continu. Mais c'est lui-même qui s'enferme dans sa Cité interdite. En effet, son obsession à vouloir maîtriser l'information trahit sa crainte des réalités "monstrées". Selon Le Point, son goût pour les faits aseptisés l'a même conduit à proposer que l'État subventionne des journalistes "garants", comme aux belles heures des censeurs des régimes totalitaires. Non content d'avoir fait voter une loi contre les fausses nouvelles, qui laissera au juge le soin de dire le vrai, le président entend renforcer les pouvoirs de contrôle du Conseil supérieur de l'audiovisuel. Il envisage aussi une "instance de déontologie" pour la presse, qui ne demande rien. Or les "fake news" sont aussi dans les désinformations officielles sur les "gilets jaunes" et l'état du pays.

«Pourquoi la démocratie française s’abîme»


Le diagnostic présidentiel d'une France "empêchée" serait convaincant s'il ne s'accompagnait d'une politique tendant à verrouiller des paroles dérangeantes et à étouffer des contestations. La perquisition ordonnée par le parquet de Paris dans les locaux de Mediapart, lundi, est un acte dangereux: il vient contredire la liberté de la presse et le secret des sources des journalistes. D'autant que cette célérité, à laquelle le site d'information a pu s'opposer, s'inscrit dans le feuilleton sulfureux de l'affaire Benalla, du nom de cet ancien "Tonton Macroute" de la présidence. La "tempête dans un verre d'eau" dénoncée initialement par Macron cacherait-elle des pratiques justifiant cet affolement du parquet, hiérarchiquement lié à l'exécutif? Le prétexte de l'"atteinte à l'intimité de la vie privée", constituée par la divulgation d'une conversation compromettante entre Alexandre Benalla et son collègue Vincent Crase, n'autorise pas la fouille d'un média, aussi peu regardant soit-il dans ses méthodes.
En fait, l'immaturité gagne le pouvoir quand il alimente le complotisme qu'il dénonce chez les esprits faibles. L'autre jeudi, le chef de l'État a laissé comprendre qu'il voyait, derrière les plus radicaux des révoltés, une manipulation de la Russie et de ses chaînes diffusant en France. Il y a un mois, Marlène Schiappa s'était interrogée sur le financement des casseurs, en désignant de possibles "puissances étrangères". "La question n'est pas incongrue, eu égard aux positions de responsables italiens", avait argumenté la secrétaire d'État en désignant implicitement Matteo Salvini. Ces procédés puérils se rajoutent à la vieille technique stalinienne de la diabolisation, déployée pour avilir le peuple réfractaire. Le 31 décembre, Macron avait dénoncé "une foule haineuse", accusée de s'en prendre notamment "aux Juifs, aux étrangers, aux homosexuels". Après avoir épluché le réseau Facebook des "gilets jaunes", Le Monde de mercredi a pu constater l'absence de pensée raciste, antisémite ou xénophobe. Oui, l'Élysée aussi colporte des mensonges grossiers.
Occuper le terrain
Le président comédien surjoue trop de rôles à la fois. La tirade sonne faux quand Macron déclare en novembre, après avoir éreinté ceux d'en bas: "Nous sommes les vrais populistes, nous sommes avec le peuple." Il ne paraît guère plus sincère quand, il y a quelques jours, il assure devant des confrères: "Moi aussi, je suis "gilet jaune"." Il a beau évoquer aujourd'hui "l'âme des peuples", c'est le même homme qui avait déclaré au Danemark: "Le vrai Danois n'existe pas, il est déjà européen. C'est vrai aussi pour les Français." Cet art de la séduction, qui mime l'empathie avec l'interlocuteur, est porté à son sommet quand le président arrive à emporter une salle à l'issue de six ou sept heures de mots déversés. Un lutteur est dans l'arène quand il tombe la veste, relève les manches, boit un peu d'eau pour repartir au combat. Une partie de l'opinion semble être sensible à ce one-man-show, à en croire les sondages qui remontent. Mais derrière la mise en scène, il y a un public le plus souvent choisi et paisible.
En apparence, l'exercice du grand débat national est fait pour illustrer une démocratie en ébullition. En réalité, c'est la campagne pour les européennes qu'entame le chef de l'État en faisant l'autopromotion de sa personne et de son bilan. Une quinzaine de rencontres sont prévues au total, dont celles de jeudi face à des jeunes de Saône-et-Loire. Alors qu'une France asphyxiée se réveille, la stratégie présidentielle vise à occuper mimétiquement le terrain, pour tenter d'assourdir les colères. Le chef de l'État fait le pari de la lassitude de l'opinion devant ces manifestations régulièrement noyautées par la violence des black blocs et autres "antifas". Reste que le risque est, pour le président, de s'enfermer dans sa solitude d'artiste génial, persuadé de sa destinée. Le projet qui lui est prêté, d'organiser un référendum en même temps que les européennes, ne ferait qu'obscurcir le débat attendu sur l'Union européenne.
Responsabilité des black blocs
Dans ce contexte, le choix du gouvernement de promouvoir une loi anticasseurs visant les "gilets jaunes" vient alourdir la répression d'une révolte démocratique. Ce sont les black blocs - prétendument "antifascistes" - qui pour l'essentiel ont causé les dernières violences. Vêtus de noir, ils sont reconnaissables entre tous et sévissent depuis des lustres. Pourquoi ne sont-ils jamais inquiétés?

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Ivan Rioufol

éditorialiste au Figaro

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Ivan Rioufol pour Le Figaro

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