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Le verrou de Bercy

Publié le 22 mars 2019 par Observatoiredumensonge

un nœud politico-financier qui enserre la démocratie dans les mailles de la corruption


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Le verrou de Bercy

Le verrou de Bercy

Un nœud politico-financier qui enserre la démocratie dans les mailles de la corruption...

Par Daniel Desurvire

Partie 1 de 2
1°) Comment cela fonctionne

Nonobstant un amendement du Sénat dans la nuit du 3 au 4 juillet 2018, puis d'autres tentatives du même acabit déposées depuis diverses sensibilités politiques d'opposition, une fronde visant à rompre le monopole du ministère du budget en matière de poursuite civiles et pénales pour fraude fiscale, la métaphore " verrou de Bercy ", suggère l'opposition les juges judiciaires et le parquet à la souveraineté de l'administration fiscale. L'État, qui dispose de cette forteresse inexpugnable, n'est pourtant pas infaillible avec les siens, lesquels, pour certains d'entre eux, parviennent à se dérober aux lois et aux règlements qui régissent le droit commun des contribuables de France. Voilà donc une réponse implicite et totalement insatisfaisante qui ne saurait convenir pour apaiser la crise de confiance des citoyens envers leurs élus.
De sorte que Bercy conserve un pouvoir absolu pour fixer l'assiette de l'impôt à redresser, qu'ajoutent d'autres prérogatives contraignantes et dissuasives, ainsi les violences économiques exercées contre les tenants du pouvoir de l'information, de la communication et de l'édition. Cette machine à aspirer l'argent s'est augmentée en volume lors de la révision constitutionnelle du 22 février 1996 en absorbant le budget de la sécurité sociale à l'aide de lois organiques (LOLFSS promulguée pour la première fois le 2 août 2005).
En outre, c'est Bercy qui détient la bourse consacrée à l'accueil des réfugiés et à l'aide au tiers-monde musulman, dont l'AP qui finance l'organisation terroriste du Hamas. Cette dépense, estimée entre 70 à 100 Mds d'€ annuels, n'est jamais votée en loi de finances (LOLF), de sorte que le bateau de Bercy rame en eau trouble, puisant dans l'argent du contribuable sans avoir à le budgéter ni à rendre des comptes pour la transparence. Pour faire face à ces milliards d'€ non dédiés à un poste de dépense, il suffit au Gouvernement de demander à Bercy de prélever une quotité çà et là sur chacun des ministères concernés par le problème des réfugiés, puis ordonner des lois de finance rectificatives à coup d'emprunts pour combler les trous, voire créer de nouvelles taxes et relever le taux de la CSG. Quant au train de vie de l'État (12 % plus cher que l'Allemagne par habitant), Bercy crache 1265,682 Mds d'€ par an (2016).
Ce monopole, mis en place dans les années 1920, trois ans après la création de l'impôt sur les revenus des personnes physiques, confère au Ministre en charge du budget, tous les pouvoirs de poursuite et de recouvrement, sans devoir en référer à la justice civile. Quant à déposer plainte (ou non) contre un fraudeur du fisc, voire de se servir sur son patrimoine à l'aide d'instruments juridiques, Bercy dispose de sûretés de préférence en garantie de recouvrement de créances privilégiées que facilite le levier des avis à tiers détenteur. Ces mesures conservatoires et exécutoires sont prises par les comptables de la DGFIP, lesquels jouissent d'une dispense d'autorisation préalable du juge civil compétent, en application notamment des articles L. 252 A et L. 270, L. 273 et 277 4ème alinéa du Livre des procédures fiscales.
La loi n° 77-1453 du 29 décembre 1977 accordant des garanties de procédure aux contribuables en matière fiscale et douanière, a intercalé un nouvel acteur entre le " verrou de Bercy " et le contribuable. Dès lors, le ministre du budget doit dorénavant saisir la Commission des infractions fiscales (CIF), s'il veut entreprendre légalement des poursuites pénales contre un contribuable présumé indélicat. Pourtant, cette prétendue autorité administrative indépendante*, reconnue comme telle par le Conseil d'État sur un rapport public en 2001, n'est certes pas une AAI*. Loin s'en faut, car sur les 28 membres que compte cette institution, seuls 8 sont issus de la Cour de cassation, les autres étant l'émanation du pouvoir prétorien, autrement dit le Conseil d'État, la Cour des comptes et de relais politiques chez des parlementaires choisis. La CIF n'est donc qu'un faire-valoir, une organisation de plus pour réhabiliter l'autorité régalienne et laisser croire, au peuple candide et confiant, qu'elle renforce ainsi l'expression démocratique du pouvoir exécutif.
Soulignons que les membres de la Cour des comptes susvisée ne sont pas des magistrats indépendants issus du siège à l'instar d'une juridiction judiciaire, mais des conseillers de l'ordre administratif régis par les statuts de la fonction publique de l'État. Ceux-là sont interchangeables, hiérarchisés et non pas inamovibles comme cela apparaît dans les textes pour suborner le public, à l'instar du Conseil d'État et de l'Inspection générale des finances (IGF). Ici, l'appositif indépendant est une épithète usurpée, un mot qui rassérène parce qu'il décline l'antonyme d'une concussion ou de tout esprit partisan, mais que dissimule un colbertisme qui s'emploie à tout contrôler et à pourvoir de ses pions l'échiquier politique d'une mandature à la suivant. L'interventionnisme d'État n'est pas providentiel, il est césarien.
En l'occurrence, sans l'avis de la CIF (art. L 228 du LPF) - une supposée AAI, mais sous contrôle de l'état-major ministériel, - le ministre des finances n'est pas tenu d'instruire un dossier devant une justice civile, d'où engager des poursuites pénales devant une juridiction judiciaire, puisque la décision revient de droit à l'initiative souveraine du gouvernement. Faut-il rappeler que la CIF - instance administrative et consultative de l'administration de Bercy - n'est aucunement régie par le Code de procédure pénale, d'où l'impossibilité pour cet organe d'ester dans le cadre d'une procédure contradictoire sans avoir été mandaté, pour ce faire, par les mandarins de la rue de Bercy.
Ironie de cette procédure, dans l'affaire Cahuzac en 2013 s'agissant de ses avoirs dissimulés à l'étranger, ce ministre du budget était seul à décider s'il devait être mis en examen et d'engager des poursuites contre lui-même, n'étant pas tenu de faire connaître ses malversations à la CIF selon ses propres aveux, donc de rendre caduque toute dénonciation contre lui (Sources : Mediapart, Huffington post, 3 avril 2013). Si l'affaire d'évasion fiscale a explosé à son endroit, ce fut pour avoir été forcé à démissionner sur l'intimation de Manuel Vals après le manifeste médiatique sur la détention de ses avoirs en comptes offshore. Mais ce fut le délit de blanchiment qui aura permis à la justice de prendre la main sur cette fraude au plus haut sommet de Bercy.
Selon le sénateur communiste Éric Bocquet, le " verrou de Bercy " est un obstacle à la transparence en démocratie, " qui prive certaines affaires de fraude complexe d'une double lecture qui pourrait pourtant s'avérer utile à la détection et à la répression d'une grande délinquance économique et financière par nature occulte ou dissimulée ". Le sénateur évoque également la rupture du principe de la séparation des pouvoirs, d'où un privilège qui exempte le politique du regard de la justice. Ce droit exorbitant et sans partage est l'apanage de l'exécutif qui rend incompétent les juges judiciaires à un accès civil tombé en obsolescence autour des fraudes de contribuables, avant l'évasion de capitaux à blanchir vers des paradis fiscaux.
Cette disposition réglementaire qui protège Bercy contre tous, fit l'objet d'un recours devant le Conseil constitutionnel en mai 2016, lorsque l'avocat Éric Planchat déposa en QPC la contestation d'une condamnation de son client par le fisc : " Le verrou de Bercy est contraire au principe d'indépendance de l'autorité judiciaire et au principe de la séparation des pouvoirs ". Le Conseil constitutionnel y répondit que la loi " ne porte pas une atteinte disproportionnée au principe selon lequel le procureur de la République exerce librement [...] l'action publique ". Sauf que l'action publique s'inscrit ici seulement pour elle-même, tel un État dans l'État, ne protégeant que les élus, électrons libres de la République, pas le justiciable lambda, qu'il soit contribuable ou cotisant !
Si la fraude fiscale, qualifiée par l'article 1741 du CDI se caractérise par le contournement ou le détournement de l'impôt dû, les poursuites à l'encontre du contrevenant ne seront engagées que par l'Administration conjointement avec le CIF. De sorte que ni le procureur, ni aucune partie civile n'a la compétence d'emmener le processus d'un dépôt de plainte et de poursuivre le prévenu pour fraude fiscale devant une juridiction civile. En revanche, le Parquet peut dresser une requête en justice sans en passer par la CIF s'agissant des infractions de droit commun, telles les escroqueries à la TVA (ainsi la fraude carrousel depuis des sociétés éphémères ou écrans) et les actions en blanchiment de fraude fiscale. Ce fut précisément sur le chef de blanchiment sur un compte numéroté en Suisse que Jérôme Cahuzac fut appréhendé puis mis en examen, non sur la fraude fiscale elle-même puisque ce dernier se trouvait ainsi protégé de ses actes dans les murs de sa propre administration.
Ce dispositif dérogatoire au droit commun (article 40 du Code de procédure pénale), relève d'une exception juridique au principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs, ainsi mis en cause par Maître Éric Planchat (op. cit.). C'est ainsi que le " verrou de Bercy " acquière une véritable autonomie et confère une sécurité quasi absolue quant à ses méthodes et même ses pratiques, puisque les fonctionnaires y travaillant, sont tenus au secret de la confidentialité concernant les infractions décelées en interne, a fortiori lorsqu'une forfaiture provient d'un membre de leur hiérarchie. Autrement dit, le linge sale se lave en famille ! Ainsi, les agents de l'Administration qui, dans l'exercice de leur fonction, acquièrent la connaissance d'un délit particulièrement grave, a l'obligation d'en informer le procureur. Sauf que, dans la pratique, un tel signalement leur est interdit, tout au moins fortement déconseillé, sans en référer à leur autorité de tutelle.
En résumé, les inspecteurs des finances publiques, juridiquement tenus d'informer le procureur d'un délit ou d'un crime parvenu à leur connaissance, ont l'obligation paradoxale d'obtenir réglementairement l'aval de leurs supérieurs. Nantis de ce blanc-seing, ces fonctionnaires, autorités constituées ou officiers publiques, auront dès lors l'autorisation d'y déférer à l'appréciation du juge administratif, conformément à l'article le 40 susvisé. Or, ce passage obligé entre la communication judiciaire et la hiérarchie peut être contourné si " l'ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public ". Mais ne nous y trompons pas, car les sanctions disciplinaires sont là pour rappeler les inspecteurs des finances à leur devoir de réserve, ce que Rémy Garnier aura voulu ignorer et pour lequel il fut inquiété après avoir enquêté sur le patrimoine de Jérôme Cahuzac, son patron entre mai 2012 à mars 2013. Son rapport d'enquête fut un élément majeur pour étayer les soupçons de fraude et d'évasion fiscale qui pesaient contre l'élu, alors maire de Villeneuve-sur-Lot, député du Lot-et-Garonne, puis président de la commission des finances à l'Assemblée nationale avant d'être nommé au Trésor public.
Mais cette entorse à la hiérarchie value l'annulation du redressement fiscal de l'enquêteur, en date du 2 juin 1999, par le secrétaire d'État Christian Sautter ; décision confirmée en 2012 par le Tribunal d'instance de Paris saisi par ledit inspecteur, au motif que cette intervention ne répondait pas régulièrement à la procédure interne de l'Administration. Dépossédé de son dossier, soupçonné de délit d'abus de fonction dirigé contre l'Administration, Rémy Garnier aura été tantôt désavoué, puis remis en selle pour se voir de nouveau piégé par sa hiérarchie, puis en 2002 indirectement menacé de révocation par Jérôme Cahuzac en ces termes rapportés, " Un fonctionnaire, ça se mute, un fonctionnaire ça se casse ". Ainsi fut maltraité ce limier du fisc surnommé Columbo par ses pairs (Voir Omertaaurectorat, du 22 décembre 2012, signé Dominique Richard).
Entre les accusations en diffamation, de concussion, de violation du secret professionnel, de manquement au règlement, de harcèlement moral et de dénonciation calomnieuse, toutes les manigances temporisatrices et tentatives d'intimidation furent mis en œuvre pour dissuader l'honnête fonctionnaire dans l'exercice de ses fonctions. Ô paradoxe, un contrôle fiscal fut même dirigé contre sa personne ! Il aura fallu dix années de procédures contraignantes et humiliantes pour lever les sanctions professionnelles contre cet inspecteur des finances pugnace et courageux, la Cour de cassation le 24 mai 2011 ayant au final annulé par deux fois les jugements intentés contre lui.
Pourtant, Emmanuel Macron persiste. Le Président défend le monopole tant décrié de l'administration de Bercy ; un dispositif autonome et scellé qui n'a pas son pareil dans l'Union, mais jugé efficace en termes de recouvrements des impôts par le chef d'État. Rémi Clément, journaliste à Challenges (16 avril 2018), y voit plutôt un " héritage de l'ancien monde, (où) ni la justice, ni une partie civile ne peuvent enclencher de procédure, même en cas de flagrant délit ". L'expression " verrou de Bercy " illustre les pleins pouvoir de l'Administration qui, dans ce cas d'espèce, préfère sacrifier les siens pour garantir son immunité ainsi ficelée au mépris des droits souverains du peuple : sa Constitution. Que nenni, le Président Macron, faisant fi des lanceurs d'alerte parmi ses propres fonctionnaires, ne changera rien à ce système clos et opaque, pour lequel il a lui-même servi et profité dans ce bastion où le fisc règne en maître absolu.
En conclusion, le " verrou de Bercy " recèle le nerf de la guerre d'une politique détenue par une poignée d'énarques qui reprogramme la démocratie à son avantage. Que penser d'un ministère tellement hermétique qu'il ne laisse filtrer que des lois de programmation jamais respectées et sans cesse réajustées, cela sans faire état du montant annuel des dépenses prélevées sur les impôts et les caisses de la Sécurité sociale au profit d'une politique d'immigration dépourvue de ministère ? Que dire de l'employeur de Bercy qui empêche ses inspecteurs de dénoncer les fraudes fiscales les plus glauques décelées depuis le tréfonds de l'établissement, en particulier lorsque c'est précisément cet employeur qui est suspecté de fraude et de blanchiment ?
Si l'affaire n'avait pas été portée par la presse d'investigation (Fabrice Arfi du Lyon Figaro puis de la Tribune de Lyon), il est probable que la tête de l'exécutif n'aurait pas demandé son éviction - grimée en démission - pour se dédouaner et obliger Bercy à ouvrir sa propre enquête sur le chef de fraude fiscale. Puis encore, si le procureur, à l'appui de l'enquête menée par l'inspecteur des impôts, n'avait pas emprunté le cheminement pénal du blanchiment, nul ne serait parvenu à forcer les murs de la citadelle de Bercy. Quant à Jérôme Cahuzac, il n'aurait certainement pas scié la branche sur laquelle il était assis !
A suivre

Ancien directeur du Centre d'Étude juridique, économique et politique de Paris (CEJEP), correspondant de presse juridique et judiciaire.

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Daniel Desurvire pour Observatoire du MENSONGE

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