Magazine Journal intime

En revue

Publié le 15 juillet 2008 par Lephauste

Dans le fond je me suis dit je vais y aller pour voir, comment elle défile, la troupe.

Paris avait cet air de "Day After" auquel je ne me fais pas et qui me rend un peu nerveux, la léthargie encadrée par les forces de police à un côté alarmant. Et si c'était pour de vrai que jamais on n'entende plus les klaxons, les démarages de scooters au feu vert, les piétons qui déboulent de leur saint paradis d'invincibles. Et si c'était vrai que l'enfer quotidien devienne tout à coup comme un rêve d'écologiste puritain, un immense jardin public, sous un ciel bleu d'acier avec des policiers en grande tenue vous faisant signe de remonter sur le trottoir en frappant du plat de la main sur la portière de la voiture pie (chose vue). Et si c'était vrai qu'il n'y aurait plus dans ce gris paradis de la peine capitale que les sonnettes des Vélib's pour vous faire sursauter ? Brrr ! ca fait froid dans le veau,  comme disait de Gaulle.

Donc j'y vais, c'est la première fois, je suis un peu ému, je me souviens d'une garde au drapeau au monument aux morts, 1979 à Toulouse. Nous sommes là six, choisis pour leur taille et leur capacité à ne pas tomber dans les vapes au bout de trois petites heures de garde à nous. Sur les six trois ont du libanais rouge plein le coffre à THC et les trois autres ont la foi. Giscard s'avance et à ce moment là tout un groupe d'anti-nucléaire passe les rangs de la foule, le premier rang de service d'ordre au cri de,  Volem Lou Pérac de Portsall à Quézac ! Et se ramasse sur un tas de types sapés comme des quidams du Dimanche,  mais qui au dernier moment sortent la chicotte et leur jouent un paso doble de chez Verschuren. Je ne sais pas bien faire le bruit  de la matraque ni celui des mèches de cheveux longs que l'on agrippe.

Giscard se replie accompagné de ses médecins; il souffre parait-il de la particule et le peuple, qui à cette époque n'est pas soumis aux formules du type "le peuple n'a pas toujours raison !", lui fait au sens litéral du terme,  horreur. Je me souviens de son regard. Le dix Mai quatre vingt un il aura changé, nous aussi mais on aura perdu une bonne occasion de débourrer les urnes ! Nous,  les six de la garde au drapeau, on reste au garde à vous avec le monument, on incorpore.

J'arrive par les quais, à l'ombre des grands platanes et me faufile au travers d'une masse compacte d'appareils photo numériques et citoyens. Impossible d'avancer plus loin que l'assemblée et c'est par le pont de la Concorde que la troupe arrive, en fin de parcours mais pas encore débandée; ca chante des truc où il est question de mères qui pleurent, de vagues qui fendent les flots, d'honneur, de sacrifices, de mitrailles, de corps démembrés, de plaines fumantes d'un jeune sang, d'horizons patriotiques. Les breloques battent les poitrines, les sabres sont au clair, garçons et filles marchent au pas, on les applaudit, on les aime, comme la paix est jolie quand Paris ressemble à une boite de soldat sous le plomb du soleil.

C'est merveilleux ! dit un morveux à sa maman et tout le monde sourit, ce cher petit ! ce futur mutilé de la fracture sociale ! Cet ange en passe de réussir à devenir aussi con que son papa qui ne boude pas sa fierté d'être Batave. J'aurai pu dire Serbe, mais mais mais ne l'oublions pas le Serbe est ...

Mais la foule s'émule !? Mais où sont les blindés ? Les blindés ! Les blindés ! Les voilà dit une mère qui se rêve en veuve de guerre; Et en effet, éfroyables comme il est pas permis voilà que s'avance tout ce dont on a besoin pour remplir demain le réservoir de l'auto, le coeur des réacteurs et tous ces petits rien sans lesquels nous ne serions que des animaux à peine sortis des ages farouches (Où toi aller à présent Rahan, mon frère ?). Salves d'aplaudissements, ho ! et ha ! en rafales soutenues,  comme à Carcassone. Les amateurs sont dans les tourelles et les pots d'échappement, crassent les lèvres en coeur d'un halo patriote. Les papa expliquent, les mamans protègent les jeunes fronts des ardeurs atomiques du soleil et les engins porteurs du sigle nucléaire passent comme la mort au sommet de son art. nous sommes tous bien ravis et attentifs à ce que le petit dernier, celui qui pleure pasque la télécomande y faut changer les piles que le char y stoppe pas quand il appuis sur le bouton rouge et qu'il tire même pas pour de vrai, passe pas sous les chenilles avant de devenir à son tour un papillon mortel.

Mais voici que s'achève le rêve "merveilleux", les chutistes ont chuté et sous le dai immaculé,  là bas,  de l'autre côté de la Seine,  toi aussi petit Nicolas il faut te réveiller et revenir à la réalité des affreux qui sont tes frères et avec qui, en notre nom à tous,  il va te falloir trinquer à l'amitié entre les peuples.

Bon j'enlève mon uniforme, je rebrousse chemin, j'évite l'invincible, le vélib et le char d'assaut et vous livre ici ma dernière réflexion de la journée : La crise pétrolière ? ce sont les militaires qui en parlent le mieux ! 


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