Affaire Méric, affaire merdique

Vous commencez à me connaître : vous savez donc que je ne suis pas du genre à vivre dans le passé. Mais il y a quand même des choses qui me rendent nostalgique. Pour ne citer qu’un exemple, saviez-vous qu’il fut un temps où on ne cherchait pas à tout prix des circonstances atténuantes aux skinheads assassins ? Quand ils noyaient ou tuaient par balles un pauvre type qui n’avait pas la chance d’avoir une gueule de mâle blanc, la presse n’avait aucun scrupule à dénoncer leur crime comme il le méritait, la société civile se mobilisait contre l’extrême-droite et la justice pouvait travailler et infliger à ces débiles sanguinaires le châtiment qu’ils méritaient.

Pourquoi j’en parle au passé ? Souvenez-vous : il y a six ans à peine, ça passe vite, un jeune homme plein d’idéal, natif comme moi du pays de Brest, se faisait tuer en plein Paris par ces crânes rasés. Et qu’est-ce qui s’est passé après ? Est-ce que la presse en a profité pour dire aux gens que c’est là le vrai visage de l’extrême-droite, est-ce que les citoyens ont saisi l’occasion pour relancer la lutte contre ces idées pourries, est-ce que la justice a pu travailler dans la sérénité ? Je t’en fous ! A notre époque où « antifa » et « progressiste » sont devenus des insultes et où plus personne n’ose répliquer quand l’extrême-droite s’arroge le monopole de la parole populaire, les médias ont repris la version des skinheads comme une parole d’évangile ! Avec une mention spéciale pour Pierre Carles, ce sombre crétin qui a pris Bourdieu en otage pour servir la soupe au RN et qui a perdu le peu de crédibilité qui lui restait en osant écrire dans Siné Mensuel qu’Esteban Murillo, en tuant Clément Méric, prenait sa revanche sur une société qui le rejetait ! Les lecteurs de la revue satirique ont gueulé, ce qui était bien la moindre des choses, mais à part ça, l’action de la société civile s’est limitée à des votes de plus en plus massifs en faveur de l’extrême-droite et personne ne s’est offusqué que l’accusé ne soit même pas présent à son procès ! On imagine sans peine le malaise des juges…

Comme si toutes ces aberrations ne suffisaient pas, il a fallu que j’apprenne avant-hier que les meurtriers, déjà condamnés…. Faisaient appel ! Oh, oui, je sais, vous allez me dire : c’est leur droit, on ne va pas les en priver, tous les accusés doivent avoir les mêmes droits, et si on n’accorde pas le droit de faire appel à la pire des fripouilles, alors on ne peut l’accorder à personne… Qu’on s’entende bien : je suis PAR-FAI-TE-MENT D’AC-CORD ! Ce qui me met hors de moi, ce n’est pas qu’ils y aient droit : c’est qu’ils aient l’outrecuidance de le prendre alors que ces fachos sont souvent les premiers à réclamer une justice plus sévère et à appeler à la peine de mort au moindre fait divers un peu sordide ! En clair, en faisant appel alors qu’ils sont condamnés pour homicide, ils prennent un droit qu’ils seraient les premiers à refuser à toute autre personne condamnée pour le même motif ! Là, vous allez me dire : c’est normal, s’ils n’étaient pas sans vergogne, ils ne seraient pas d’extrême-droite et c’est dans la logique de leur idéologie nauséabonde de réclamer la justice pour les petits blancs chrétiens et la vengeance pour tous les autres. Vous avez raison : mais moi, ça m’indigne toujours autant. Et j’espère garder longtemps la capacité à m’indigner des pratiques de l’extrême-droite au lieu de capituler comme le font la plupart de mes compatriotes !

Mais j’ai peut-être tort de m’énerver : après tout, ces skinheads vont peut-être perdre aussi en appel et même en cassation s’ils osent aller jusque là ! Faites donc appel si ça vous amuse, têtes de cons ! Vous n’échapperez pas à la taule pour autant, ça prendra le temps que ça prendra ! Et si vous vous suicidez pour échapper à la justice, comme l’a fait votre grand inspirateur à petite moustache avant vous, comptez sur moi pour aller pisser sur vos tombes !