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Le journal du professeur Blequin (40)

Publié le 09 janvier 2020 par Legraoully @LeGraoullyOff

Le journal du professeur Blequin (40)Mardi 7 janvier

18h30 : A l’issue de cette journée bien remplie où j’ai croisé bon nombre de proches, je dois convenir que personne ne m’a parlé du 7 janvier 2015… Je ne peux évidemment pas leur en vouloir : personne n’a envie de commencer l’année et la décennie sur un souvenir aussi horrible. Mais pour ma part, comment pourrais-je oublier ? Pour la majorité des témoins, ces attentats n’avaient été « que » la manifestation d’une menace sur les valeurs républicaines, ce qui était bien le cas, mais pour moi qui avait été nourri au biberon de Charlie, il y avait un surplus émotionnel que la plupart de mes semblables ne semblaient pas partager : ils n’étaient « que » choqués alors que j’étais carrément traumatisé. Cela dit, je suis presque nostalgique. Pas des attentats en eux-mêmes, bien sûr, j’aurais mille fois préféré qu’ils n’aient jamais lieu, mais de ce qui a eu lieu tout de suite après : rappelez-vous, cet immense élan de solidarité qui transcendait tous les clivages, les millions de citoyens descendus dans les rues pour affirmer leur attachement à la liberté d’expression, l’extrême-droite qui échouait à récupérer un mouvement où elle n’avait de toute façon pas sa place… Pour la première fois dans ma vie, je me suis vraiment senti appartenir à un peuple : j’ai compris que l’attachement à la liberté d’expression était le seul vrai ciment de la France. Rien que pour ça, il ne faudra jamais oublier ce qui s’est passé !

Mercredi 8 janvier

Le journal du professeur Blequin (40)

20h : Je rentre du cours du soir sous la pluie ; la plupart de mes concitoyens râlent, mais ces averses me font du bien à l’âme : je me dis que j’ai de la chance de ne pas habiter en Australie… De façon générale, quand j’ai vent de ce qui se passe dans le monde, je me dis que j’ai vraiment de la chance d’habiter en Bretagne ! Et je ne dis pas ça par chauvinisme : si je soutenais inconditionnellement tout ce qui est breton, j’écouterais Nolwenn Leroy ! J’aime ma région, c’est entendu, mais je ne suis pas non plus maso ! J’aime la pluie, pas la merde !

Le journal du professeur Blequin (40)

André Franquin vu par votre serviteur.

Jeudi 9 janvier

17h : Je viens de corriger mes copies d’examen : j’avais donné à commenter la fameuse Idée noire de Franquin où, après avoir exécuté un condamné, un bourreau est exécuté par un autre bourreau qui est lui-même exécuté par un autre bourreau, qui lui-même… Enfin, bref, vous vous en souvenez ? Quoi qu’il en soit, je pensais naïvement que des étudiants de première année n’auraient pas trop de difficultés pour commenter cette planche où l’engagement de l’auteur contre la peine de mort est on ne peut plus explicite : que certains soient quand même passés à côté, ça, je ne m’en étonne pas. En revanche, ils ont tous écrit que le bourreau se frottait les mains alors qu’il ne fait qu’enlever ses gants ! Et la moitié d’entre eux a pris le juge de l’histoire pour un roi : je le croyais moi aussi quand j’étais petit, mais je n’avais même pas douze ans… Que voulez-vous, un enseignant ne fait pas de miracles : et s’ils ne sont pas fichus, à dix-huit ans passés, de lire une image, je ne peux rien pour eux !


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