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Le journal du professeur Blequin (57)

Publié le 20 février 2020 par Legraoully @LeGraoullyOff

Le journal du professeur Blequin (57)Lundi 17 février

11h50 : J’apprends la mort de Graeme Allwright. Il avait 93 ans, mais ça me fait tout de même même quelque chose : quand j’étais petit, ma mère me chantait « Petit garçon » pour m’endormir, j’en ai encore les larmes aux yeux rien qu’à y penser… Il n’y a pas la moindre chance pour que les télés « cassent » leurs grilles de programme pour lui rendre hommage, comme ils l’ont fait pour un certain marchand de lunettes ; il est encore moins probable qu’il se trouve un grand benêt pour faire carrière en tant que sosie vocal de Graeme Allwright : et ces deux faits constituent la preuve que Graeme était un grand artiste, lui !

12h40 : Me restaurant dans une friterie, je suis assis juste à côté d’un groupe de jeunes filles et j’entends l’une d’elles parler de son dernier devoir de géographie : elle avait écrit « Mer noire » au mauvais endroit sur sa carte, ce qui lui a valu de perdre deux points et d’avoir… 16 au lieu de 18. Son interlocutrice qualifie le prof de « salaud » ! Ben merde alors ! 16 sur 20, c’est déjà une bonne note, pourtant, non ? En tout cas, je connais beaucoup d’étudiants qui aimeraient que tous leurs profs soient aussi « salauds » que celui-là : j’ai personnellement connu un autre professeur de géographie auquel cet épithète irait un million de fois mieux ! Il faisait l’éloge du Mein Kampf en plein cours (je ne plaisante pas !) et n’avait que mépris pour ses étudiants brestois qu’il considérait comme des provinciaux bouseux et arriérés… J’aurais préféré que cet individu se contente de me mettre des seize sur vingt !

Le journal du professeur Blequin (57)

Une machine des Capucins vue par votre serviteur.

Mardi 18 février

10h : Ayant reçu des cartes pour manger gratuitement à La Fabrik 1801, je me rends directement à l’établissement concerné, aux Capucins, pour savoir à quoi elles me donnent droit : la première personne que je rencontre est visiblement incapable de me répondre sans devoir rechercher sur une tablette numérique et elle en profite pour montrer la marche à suivre à une autre employée de fraîche date… Arrive ensuite une deuxième personne qui, quand elle apprend la question que je posais, répond : « Elles ne sont pas remboursables » ! J’ai bien du mal à garder patience quand on me donne une réponse à une question que je ne me pose pas… On me dit finalement que chaque carte donne droit à sept euros de marchandise : ça leur aura donné du mal, de me fournir ce renseignement si simple ! Une fois informé, je me dirige vers la partie « Steakhouse » afin de réserver pour dimanche prochain : la jeune femme présente sur place bredouille qu’il lui semble qu’ils ne prennent pas de réservations pour le dimanche midi parce qu’ils proposent un « brunch » (c’est quoi, ça, à la fin ?) mais elle ajoute qu’elle n’en est pas sûre parce qu’elle n’est là que depuis deux jours et finit par me demander de lui laisser mon numéro de téléphone afin que sa supérieure puisse me confirmer directement ce qu’il en est… La précarité de l’emploi, ce n’est pas seulement la vie de merde pour les travailleurs : c’est aussi la dégradation du service pour les consommateurs. Le client est roi, disiez-vous ? Mon cul au bout de la rue ! Le client est une merde, tout comme l’employé, un point c’est tout !

Le journal du professeur Blequin (57)

Croquis pris dans un couloir de la fac.

15h15 : Il y avait longtemps que je n’étais pas venu travailler à la salle des doctorants de la fac, mais aujourd’hui, je n’avais pas le choix. Avisant qu’il est l’heure de partir pour ne pas rater mon prochain rendez-vous, je me lève de la chaise que j’occupais et, au moment où je m’apprêtais à éteindre le PC sur lequel je travaillais, je m’aperçois qu’il y a un fichier Power Point ouvert par le précédent utilisateur (les ordinateurs de la salle ne sont pas nominatifs et sont utilisables par tous les usagers de la salle) : comme le nom de l’auteur figure sur ce fichier, je demande à la cantonade si quelqu’un le connait, et l’intéressé se manifeste ; je lui dis de venir voir, mais il ne comprend pas ma demande, et je réitère ma demande. Un autre doctorant se croit alors obligé de commenter la scène en lançant à son collègue « T’en fais pas, il a souvent des problèmes comme ça ! » Je ravale ma hargne et me décide à m’approcher de l’auteur du Power Point en lui disant qu’il a laissé ouvert son fichier : il le referme. En partant, je me retiens de dire au doctorant qui a fait la remarque désobligeante : « Le gogol te remercie » !

Le journal du professeur Blequin (57)

Deux étudiantes de l’hôpital psychiatrique en pleine écoute attentive.

16h15 : Me voilà à l’hôpital psychiatrique de Bohars où je redonne, devant quelques étudiants, une conférence semi-humoristique basée sur mon expérience de jeune autiste Asperger ; en entrant dans le bâtiment à la suite du professeur qui m’avait sollicité pour cette intervention, je me dis que nous devons ressembler à une mère qui emmène son grand garçon pour le faire diagnostiquer… L’intervention elle-même se passe bien, je tiens bien en main cette conférence que j’ai déjà donnée deux ou trois fois : je me sens comme un artiste reconnu auquel on demanderait de rejouer un de ses vieux succès ! Les étudiants sont très intéressés et les questions fusent, mais la plus surprenante est celle que me pose le professeur qui me demande quel est mon point de vue de philosophe sur la marche du monde ! Je lui réponds que je suis spécialiste de philosophie antique et que je n’ai pas forcément réponse à toutes les questions que soulève l’actualité ; elle n’en démord pas et je m’en sors comme je peux : j’espère que les étudiants ne m’ont pas pris pour un maître à penser car, pour ma part, j’avais plutôt l’impression de repasser mon oral de soutenance…


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