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Pierre Dhainaut, Pour voix et flûte par Sabine Dewulf

Publié le 28 février 2020 par Angèle Paoli


Pierre Dhainaut, Pour voix et flûte     par Sabine Dewulf
Caroline-François-Rubino, Pour voix et flûte
Page d'avant-titre

D ans son dernier recueil, Pierre Dhainaut se livre tout entier à l'élan de ce souffle qu'il appelle " poésie ", où l'on entend aussi le chant. Une lecture orale pourrait aisément s'accompagner ici du son de la flûte, instrument qui fascine le poète depuis longtemps, qu'il soit d'orient ou d'occident. Ce son est l'un des seuls, confiait-il récemment, à pouvoir arracher un être humain au désespoir qui l'accable. Quant au flûtiste, il s'impose comme l'image idéale du poète, à l'écoute de ce qui s'apprête à naître du mouvement même de la respiration :

" [...] lui pressent l'émergence,

le devenir du premier souffle,

en se concentrant, il accorde

à la respiration l'essor, l'alliance

de l'inquiétude et de la joie

selon un ordre exigé par l'écoute ".

Cette vibration naissante, qu'elle traverse les sons ou les mots prononcés, est appelée à vaincre l'idée fausse que l'on se fait de la mort. Apanage de " l'âme inlassablement fugitive ", un tel frémissement nous dit :

" Non, ce n'est pas la peine, imaginer

l'endroit et le moment de la rencontre,

de la rencontre avec la mort. Jamais

ainsi nous n'en serons les hôtes. "

Pour nous accueillir vraiment, notre trépas aura besoin que nous ayons accordé une pleine attention à la vie, dont l'importance ne se mesure pas à l'aune de nos préoccupations, ni même de nos valeurs :

" Le moindre bruit ou la moindre lueur,

ayons pour eux, longtemps d'avance,

un visage attentif. [...] "

La poésie de Pierre Dhainaut recueille ainsi le sens profond de vies qui nous semblaient éparses. Par cette qualité d'écoute, inséparable d'une certaine approche du devenir, elle nous invite à prendre la mesure de ce vivant dont tous les souffles, qu'ils expirent ou reprennent, forment la trame. À ce réseau rien n'échappe, pas même la rupture éphémère de la mort. La densité des liens que tisse le poète, de livre en livre, entre parole, sons, rythme et respiration, s'incarne plus particulièrement en ce recueil qui multiplie la reprise d'un même nom : les poèmes y ressemblent à ces mantras où ce qui importe, finalement, c'est le silence reliant le mot à un autre, l'écho rappelant le vers qui précède, le mystère qui contient avant de faire éclore. L'usage réitéré des virgules bondissantes joue un rôle similaire. Qu'un corps expire, un autre prend la relève, et, entre deux, chacun de nous peut se faire le " relais " de la grande " force appelée "parole" " qui guide le poète et qui est, avant tout, " résonance ". Le sens alors est libéré, débordant chaque forme singulière :

" ce mot-là, par exemple, "corolle",

[...]

mais que veut-il avec tant d'insistance

pour la première fois nous faire entendre

qui n'est pas plus en nous que dans la fleur ?

"corolle", "corolle", infatigablement redit,

à l'écho ou l'aura que nul ne dirige

nous laissons le soin de nous répondre. "

Pierre Dhainaut savait, en écrivant ce livre, que l'accompagneraient les encres de Caroline François-Rubino. Leur collaboration n'est pas due au hasard : cette artiste esquisse des paysages formés de traces dynamiques, qui se suscitent l'une l'autre dans le blanc de la page. L'image est ici couleur du souffle, " relais ", elle aussi, de cette immense parole qui traverse le temps :

" Bleu, la sonorité première

à voir le jour, bleu dans le bleu [...]

[...]

tu n'as jamais fini de naître. "

Sabine Dewulf
D.R. Texte Sabine Dewulf
pourTerres de femmes


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