Il se souviendra longtemps de cette soirée. Lundi 16 mars à 20h, Christophe Buysse, directeur de l'hypermarché Carrefour de Villiers-en-Bière, près de Fontainebleau (Seine-et-Marne), observe l'intervention d'Emmanuel Macron depuis son bureau. Le président de la République annonce l'internement du pays le lendemain à midi. Le gérant de 46 ans comprend l'importance de la décision pour son magasin. Depuis dix jours, les clients "volent" les étagères. Des packs d'eau, des pâtes, des légumes en conserve et du papier toilette remplissent les chariots, les lignes des caisses s'allongent.
Ce lundi soir, le magasin ferme à 21h30, ce qui devrait donner aux équipes un peu de temps pour préparer le rush qui aura lieu le lendemain matin à l'ouverture. Mais en quelques minutes, à partir de 20h30, le parking se remplit. Les consommateurs affluent vers le magasin, le plus grand de la marque en France (26 000 m², 2 millions de caisses par an). "Nous avons dû organiser immédiatement la sécurité, gérer les flux, explique Christophe Buysse. Heureusement, la solidarité s'est immédiatement instaurée au sein de l'équipe."
La sécurité, une préoccupation majeure
Le lendemain matin, la police est là pour aider les employés de Carrefour à gérer la précipitation. La sécurité devient la préoccupation numéro un. En plus des instructions du groupe, les idées des employés sont ajoutées. Le système D joue parfois plein, même si cela signifie utiliser des articles vendus en magasin. "Le magasin est grand, nous avons mis en place un groupe WhatsApp pour que chacun puisse faire passer ses idées très rapidement", explique Christophe Buysse.
Le seul regret qu'il a dit était "qu'il était très difficile de faire appliquer des mesures de sécurité par les clients". Dix jours après le début de l'accouchement, l'hyper fonctionne toujours à plein régime. Il n'y a plus de jours vides ou de grands week-ends. Et les consommateurs continuent de stocker encore et encore. Le montant du panier moyen a considérablement augmenté. Pour les 540 employés, le rythme de travail est intense. "Dans ce métier, nous sommes habitués à gérer les rushs, tempère le manager. Je m'assure que chacun se repose chaque semaine pour lui et s'occupe de ses proches."
Avec les restrictions de confinement et de trafic, les clients ont tendance à passer aux formats locaux
À l'autre extrémité de l'échelle, le choc a également été très brutal pour les 4 000 magasins Carrefour Contact, Express, City ou Bio locaux répartis à travers le pays. "Leurs services de pâtes et papiers hygiéniques ont été initialement dévalués, comme partout ailleurs, observe Alexandre dePalmas, directeur exécutif près de la France. Avec les contraintes de confinement et de circulation, les clients ont tendance à passer aux formats locaux."
Encore une fois, l'offre a dû être repensée en un temps record. "Jusqu'à présent, les commerces de proximité étaient un réseau très important pour les personnes seules et les personnes âgées, nous y avons également effectué des réparations ou des achats supplémentaires, rappelle Alexandre dePalmas. Depuis le début de la crise, de plus en plus de clients y font tous leurs achats. "
L'explosion des commandes en ligne
Bénéficiant de la logistique des hypermarchés Carrefour, ces franchisés ont pu éviter les ruptures de stock... mais pas le stress et l'anxiété. Comment pouvons-nous aider ces commerçants surmenés? Carrefour leur a d'abord envoyé des consignes de sécurité et leur a régulièrement envoyé du gel à base d'alcool. Bientôt, ils recevront et masques. Grâce à un intranet spécialement créé, ils échangent conseils et bonnes pratiques.
Et les équipes d'Alexandre dePalmas restent en contact en les appelant tous les jours pendant quelques minutes. "Ils travaillent beaucoup, de 5h à 22h, ils ont des clients souvent anxieux ou nerveux, explique la réalisatrice. Ce coup de téléphone vise à les soutenir moralement, à obtenir des nouvelles, y compris de leurs familles. Et s'ils crient à parfois, ça fait aussi partie de notre métier! Pour eux, il n'y a pas de frontière entre leur métier et la vie privée "
Le e-commerce c'est avant tout des hommes et des femmes qui préparent les commandes dans un magasin ou un entrepôt
Un autre défi est de faire face à l'explosion des demandes de livraison et des commandes en ligne. Depuis deux ans, le groupe français travaille dur pour rattraper le e-commerce. La pression est d'abord exercée sur les équipes. "Le e-commerce, c'est avant tout des hommes et des femmes qui préparent des commandes dans un magasin ou un entrepôt, précise Élodie Perthuisot, directrice exécutive du e-commerce et du marketing France. Un panier moyen dans un lecteur représente aujourd'hui aujourd'hui 40 à 50 articles pour un montant de 90 euros en moyenne. La demande est très forte sur tous nos services e-commerce, nous essayons d'adapter au mieux notre offre. "
Comme tous ses homologues, le site bat des records de trafic, enregistrant six à sept fois plus de connexions qu'avant le confinement. En conséquence, une file d'attente virtuelle a été créée pour réguler le trafic. Et pour être livré dans une ville comme Paris, vous devez désormais réserver votre créneau plusieurs jours à l'avance.
Un changement de statut
A la tête d'un groupe qui pèse plus de 80 milliards d'euros de chiffre d'affaires, Alexandre Bompard a vu venir cette vague grâce à ses implantations internationales. "Nous avons commencé à nous préparer le mieux possible", explique-t-il, "depuis son bureau de Massy, qu'il ne quitte jamais. Mais malgré tout, nous avons ressenti le choc physiquement, et ce moment de basculement où nous sommes passés du statut de commerçant distributeur à celui d'une entreprise exerçant une mission de service public, celle de nourrir les Français. "
Aucun pays de la planète Carrefour n'a été épargné par la pandémie. Cela n'empêche pas les magasins de fonctionner partout à pleine vitesse. Enfin presque. "Tout est absolument hors du commun, révèle Alexandre Bompard. La capacité de prévoir est devenue extraordinairement difficile, et apporte chaque jour son lot de défis sans précédent: mouvements d'activité irréguliers, entre surchauffe et moments de vide, les défis logistiques à résoudre le long de la supply chain avec nos partenaires, et l'organisation du travail pour s'adapter en permanence afin de soulager les équipes qui sont dès le départ en première ligne. "
Ma priorité absolue, mon obsession, est de tout faire pour protéger la santé de nos équipes et de nos clients
Dans ces conditions, la chaîne d'approvisionnement est mise à rude épreuve. Mais, pour l'instant, elle tient bon. Comme l'organisation de l'entreprise. En deux ans, le géant du retail (330 000 collaborateurs dans le monde, 105 000 en France) a changé. Il est devenu plus agile et plus réactif. Un atout dans cette crise. Mais le défi auquel il est confronté aujourd'hui est celui de la sécurité.
"Ma priorité absolue, mon obsession, est de tout faire pour protéger la santé de nos équipes et de nos clients", explique sérieusement Alexandre Bompard. Aïcha Issadounène, une caissière de 52 ans de l'hypermarché Saint-Denis, est décédée vendredi des suites d'une infection. "C'est une tragédie pour nous tous, regrette le chef d'entreprise. Je pense évidemment à sa famille et à ses proches, mais aussi aux équipes du magasin de Saint-Denis. Aïcha Issadounène a été salariée de Carrefour pendant trente ans, elle a été apprécié par tous. "
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