Magazine Journal intime

Auteure tout de même

Publié le 16 mai 2020 par Claudel
Début mai, ce devait être le Festin de livres 2020. Une belle rencontre organisée depuis trois ans par le Centre d’action culturelle de la MRC Papineau.
On sait pourquoi il n’a pas eu lieu, mais il s’est transformé en Festin de livres virtuel avec présentation des auteur·e·s et organismes qui devaient être présents. Tout le mois d’avril.
Puis, toujours dans le cadre du Festin de livres, ce devait être le concours d’écriture. Cette année, le thème était « Terre ».
Il eut lieu.
Je ne me sens plus tellement auteure parce que je n’ai rien en vue. La Floride en hiver, la Covid au printemps, rien pour me donner le goût d’écrire. Ou en tout cas de structurer mes idées, d’exprimer mes sentiments mitigés, de mettre des mots sur mes sautes d’humeur, de faire la leçon aux insouciant·e·s, d’argumenter avec ceux ou celles qui ne pensent pas comme moi.
Mais j'ai participé. Je n'ai pas gagné.
Les gagnants ont eu leur vitrine, ils ont pu lire leur texte sur vidéo publiée sur Facebook. De textes riches, de belles histoires.
Je publie donc le mien ici.
Auteure tout de même

Haro!

Humains de la terre, entendez-vous mes peurs? Entendez-vous mes alarmes? Voyez-vous ma détresse? Je vous le dis « En vérité, je suis malade ». Pas qu’un peu, pas un petit rhume qui passera en quelques jours ou quelques semaines. Non, vraiment pas bien. Et ce, depuis plusieurs années, peut-être même des siècles. Je m’autodiagnostique, je me soigne, je reçois un peu d’aide, mais pas assez. Plus assez. Il me faut vraiment plus.
J’explose de partout. Dans tous mes pores, dans tous mes coins, dans tous mes trous. De tous bords, à l’envers à l’endroit. Dedans et dehors. Je suis fatiguée, essoufflée, fiévreuse. Vieille. Abandonnée.
Sept milliards de personnes et encore plus d’animaux sauvages à faire vivre. Je me sens responsable, mais j’ai besoin de votre aide. J’ai crié. Je crie encore. Je veux bien faire ma part, être optimiste, être courageuse, être patiente, mais qui m’entend?
— Depuis le temps que tu existes, n’as-tu pas déjà vécu de beaux jours, dit un humain moins sourd et moins aveugle que les autres.
La terre n’en avait pas fini de ses reproches.
Toi qui fumes, tu me tues à petit feu.
Toi qui conduis des autos polluantes, tu m’étouffes et tu étouffes tes enfants.
Toi qui m’arroses de pesticides, d’insecticides, tu ruines mes champs, tu mégaproduis, tu épuises mes ressources.
Toi qui continues à recourir au pétrole des sables bitumineux, tu charbonnes mes saisons.
— As-tu fini de m’accuser? Utilise le « je », dit un humain mécontent.
Quand ma colère gronde, je tsunamise, je pleute torrentiellement, j’éruptionne.
Et si je me réchauffe, je me déglacifie, je me déforeste. Quand tu m’exploites outrageusement, je me tropicalise, je cyclone, je guerroie, je pandémise. Je me meurs.
— Bon, bon, tout de suite les gros maux. Je répète : depuis le temps que tu existes, n’as-tu pas déjà vécu de beaux jours, dit une humaine, irréductible optimiste.
La terre réfléchit longuement, calme son emballement, et finit par trouver :
Au printemps, je peux être belle, je rayonne, je refleuris, je colore les forsythias, les tulipes, les cerisiers. Quand j’étais Gaïa, j’ai créé des montagnes, des fleuves, des mers, des ciels. Connais-tu les Rocheuses? Ne marches-tu pas sur les plages de l’Atlantique? Ne vois-tu pas les couchers de soleil du Bas-Saint-Laurent?
Quand comprendras-tu que toi, c’est moi? Que toi et moi, nous ne faisons qu’un? Que ta vie dépend de la mienne. Je suis la vie, prendre soin de moi, c’est prendre soin de toi.
— N’as-tu pas un peu d’espoir? N’entends-tu pas les Greta, Hubert Reeves, David Suzuki. Même Richard Desjardins.
— Ce n’est pas à moi de les entendre, c’est aux hommes, aux femmes, aux enfants, aux collectivités, aux décideurs, aux politiciens, aux entrepreneurs. Et ne pas agir seulement en temps de crise ou lors de tempêtes.
— Bon, bon, d’accord, tu voulais que je me sente coupable, ça y est, tu as réussi. Coupable sur toute la ligne.
— Je ne veux pas que tu te sentes coupable, mais responsable et que tu agisses pour le bien de l’humanité. Parce que prendre soin de la terre, c’est prendre soin de l’humanité.
Les humains, déjà sensibles à l’environnement, s’exprimèrent en chœur.
— Ô terre, ö ma terre-mère, ô Gaïa, source de ma nourriture et de ma vie, je me suis réveillé, j’ai pris conscience que je dépends de toi, et puis maintenant j’agis. D’abord à petite échelle, chez moi, dans ma maison, dans mon jardin, dans ma rivière, dans ma forêt. Il me reste à me joindre aux voix des peuples en parlant à mes voisins, à mes députés, à mes dirigeants. Répéter, insister, démontrer, chercher, produire, recycler. Et surtout te respecter, t’aimer.

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