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Le journal du professeur Blequin (127) Ringard et heureux de l’être

Publié le 19 septembre 2020 par Legraoully @LeGraoullyOff
Le journal du professeur Blequin (127) Ringard et heureux de l’être

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Vendredi 18 septembre

13h : En attendant l'heure du premier cours du semestre sur la bande dessinée, je converse, sur le parvis de la faculté, avec une copine artiste, une femme d'âge mûr en reprise d'études. Elle m'apprend une triste nouvelle : sa belle-mère est morte hier ; cette personne, qui était malade depuis longtemps, avait décidé de partir dans la dignité et était donc allée en Suisse pour recevoir l'injection mortelle. Je n'avais encore jamais eu l'occasion d'écouter un témoignage sur ce qu'on ressent quand on accompagne dans ces derniers instants une personne qui a décidé de mourir : maintenant, c'est fait, et c'est dur ! Je ne vous en dirai pas plus, par décence élémentaire ; j'ajouterai seulement que ça ne me fait pas changer d'avis sur le droit à mourir dans la dignité qui devrait être reconnu et inaliénable... Plus amusant : on en arrive peu après à traiter du cours que je vais donner, elle me parle alors d'un auteur qu'elle apprécie et me demande de le chercher sur mon téléphone... C'est assez fréquent qu'on me fasse ce genre de suggestion : mais il me suffit alors de montrer le modèle antédiluvien qui me sert de portable pour faire comprendre que je ne peux pas m'en servir comme un smartphone ! J'en ris, mais dans l'absolu, c'est quand même exaspérant d'être présumé propriétaire d'un smartphone sous prétexte que j'ai la trentaine ou, pire, que " tout le monde en a un "... De toute façon, quand mon interlocutrice essaie de faire la recherche sur son propre smartphone, elle n'arrive pas à se connecter, alors...

14h : Le cours commence. Il dure trois heures que je partage avec le scénariste Kris ; avec mon accord, celui-ci intervient avant moi. Mais avant tout, le responsable de l'UE présente le cours aux étudiants : il explique, entre autres, que l'évaluation ne se fera pas au travers d'un examen " classique " mais par la constitution d'un dossier qu'ils devront lui rendre en décembre au plus tard et sur lequel ils devront travailler par groupes de cinq. Je n'ose pas dire : " L'avantage de travailler en groupe, c'est que si vous avez une mauvaise note, vous pourrez toujours dire que c'est la faut des autres ! " Cette pensée peut prêter à rire mais elle est représentative du scepticisme que m'inspire les méthodes d'évaluation qui se veulent innovantes par rapport aux examens traditionnels : en tout cas, rien que pour ça, je suis bien content de ne plus être étudiant, moi qui ai toujours eu horreur de travailler en groupe !

17h : J'ai donné mon cours, je libère les élèves. Une étudiante vient me demander si je pourrai parler moins vite à l'avenir : je lui promets d'essayer d'y faire attention, mais je ne me fais pas d'illusions, je sais bien que, comme toujours quand je parle de quelque chose qui me passionne, je vais finir par m'emballer et à ne plus contrôler mon débit oratoire... Après tout, c'est le rythme de l'université et il faudra bien qu'elle s'y fasse. Et puis si elle a du mal à entendre, elle n'a qu'à ne pas s'installer au fond de la salle ! Cela dit, si elle avait suivi mes premiers cours il y a deux ans, elle aurait pu constater que je parle de mieux en mieux ; j'en suis d'autant plus fier qu'avec ce foutu masque, c'est difficile : à plusieurs reprises, j'ai eu l'impression que j'allais l'aspirer et m'étouffer avec ! Rien que pour ça, pour ne pas devoir le remettre tout de suite, je décide de rentrer à pied : comme j'ai mon pc dans mon sac à dos, la marche s'annonce sportive, mais ça ne peut pas me faire de mal...

18h : Me voilà rentré chez moi, il m'aura à peine fallu une heure de marche, ce n'est pas la mort. Je relève mes mails et découvre qu'une surprise m'attendait : mon père a déjà répondu au message que je lui avais envoyé hier, persuadé qu'il ne le lirait pas avant son retour de vacances prévu dans deux jours. Mais j'ignorais qu'il pouvait lire ses mails là-bas sur son téléphone ! " Cette époque me tue " soupiré-je ; ça ne me donne toujours pas envie d'avoir un smartphone, ça m'en dissuade même de plus belle ! Oh, j'entends déjà parler les vieux cons qui s'imaginent qu'obéir aux diktats des grands groupes est une preuve modernité : " Je suis plus âgé que vous, et pourtant je suis plus moderne " ; je vous signale que c'est ce que Cabu faisait dire au Beauf' reprochant à Duduche de distribuer des tracts anti-nucléaire ! Le grand Cabu s'avouait passéiste : il y a des jours où je le comprends...


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