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Françoise Clédat | [Se calmer. Reprendre souffle]

Publié le 15 mars 2021 par Angèle Paoli

[SE CALMER. REPRENDRE SOUFFLE]

S e calmer. Reprendre souffle. Etaler la narration. Dire. Simplement le dire : elles étaient mères et filles les aïeules. Une permanence qu'elles lui découvraient, si vieilles, jamais domptée, que sa propre existence n'accroissait ni ne déterminait. Ni une mère seule, ni une fille seule, mais mère et fille dans la violence indomptée de se séparer, cela entre qui s'engendre, et elle, l'enfant, caduque Françoise Clédat,
soudain
sa propre substance d'entre fille et mère d'elle expulsée, volée, hors d'elle exhibée, n'étant plus alors d'aucune mère la fille, ne l'ayant à cet instant jamais été
mais cela que les très vieilles lui découvraient
sans fond ni cils ni margelle
non regard véritablement regard, non regard qui regarde mais passive et fervente dilatation de vide exorbitant les limites du corps tout autour, tout le corps autour se faisant bordure poreuse, lacunaire, réceptacle où la totalité de la scène venait de s'engouffrer
Mi(ni)stère des suffocations, Scène 5, éditions Tarabuste, 2021, pp. 33-34.

Françoise Clédat  |  [Se calmer. Reprendre souffle]

Nul autre repère que cet obscurcissement du sens, nulle autre voie que celle où procéder tendue vers la rupture, accumulant les éléments analogiques jusqu'à ce que parmi eux irrupte, brut, opaque, méconnaissable, celui que ni l'écriture ni le corps ne soutiennent plus mais cette sauvagerie du refus de désespoir
quand le refus ne se distingue plus de l'acceptation
quand l'acceptation s'affole de ne pouvoir être celle qui abolira le mouvement du corps qui follement s'arque
puis de tout son poids
retombe
les limites du corps par le corps rappelées alors te réenserrent
tu te réhabites, crois-tu, neuve, épuisée
et cependant te perds
ne sais ce qui de toi se perd
reflue dans les feuillages bruissants
les colonnes impitoyables et douces s'écartent, les racines sur tes lèvres incurvent l'arche qui les joint, les sépare, tu ne t'arrêtes pas, je cours à tes côtés, l'arbre léger du souffle te tire en avant de tes lèvres, très légèrement te devance, tu ne t'arrêtes pas, le rejoins, je le vois, l'entends, c'est son nom
son nom de fils comme un rouge arbrisseau de brume
sur ta bouche


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