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Le journal du professeur Blequin (156)

Publié le 30 avril 2021 par Legraoully @LeGraoullyOff

Lundi 26 avril

19h : Nous voilà théoriquement dans la dernière semaine de ce qui doit être, toujours théoriquement, le dernier confinement. Cette perspective est loin de me procurer la joie que je devrais en retirer et c’est logique : quand on a déjà été « libéré » trois fois en un an, on se sent plus proche de l’éternel évadé systématiquement rattrapé par les garde-chiourmes que du résistant qui a vaincu la bête immonde ; bref, on se sent plus proche des Dalton que du général Leclercq ! J’en suis là de mes réflexions quand je renverse mon verre de vin blanc sous les yeux de mes parents… Ceux-ci ont renoncé depuis longtemps à enguirlander leurs enfants quand ils commettent ce genre de maladresse qui, malheureusement, ne disparait pas avec l’âge : je ne peux cependant pas m’empêcher de frissonner comme si j’avais encore huit ans…

Mardi 27 avril

9h : J’ouvre mes volets : une fois encore, le ciel est libre de tout nuage. Ce temps sec et frais est monotone ; il me lasse d’autant plus qu’il me rappelle désormais trop de mauvais souvenirs… Je n’ai qu’une envie, celle de me replier dans mon cocon et de prier le monde de m’oublier encore quelques semaines, mais ce soleil aussi tenace qu’imbécile semble vouloir m’exhorter à tout prix à sortir de ma coquille et à répondre à l’appel de l’extérieur. Les beaux jours, c’est fatigant : j’aimerais pouvoir faire comme à la fin du cartoon de Chuck Jones intitulé What’s Brewin, Bruin ? où un ours, pour prolonger son hibernation, crie « silence » à l’attention d’une nature renaissante… Qui lui obéit et reprend aussitôt son sommeil hivernal. Chuck Jones était un poète à sa façon : il n’acceptait pas le monde tel qu’il était…

Mercredi 28 avril

9h : Réveil sous le crachin. Ces gouttes de pluie sont autant de doses de baume sur ma conscience ravagée. N’empêche que je me demande comment j’ai pu en arriver à ne plus aimer le printemps : faut-il qu’on me l’ait excessivement pourri !

Jeudi 29 avril

15h : Le soleil est déjà de retour. La pluie me manque déjà et je ne dois pas être le seul, la région est en déficit pluviométrique : le bonheur des héliotropes imbéciles fait le malheur des paysans… Tout en jouant au Scrabble avec ma mère, je ne supporte déjà plus d’entendre les oiseaux chanter, je les accuserais bien de me déconcentrer si je ne gagnais pas deux parties coup sur coup et, si je m’écoutais, je leur crierais : « Fermez vos becs, vous n’avez toujours pas compris que notre monde est malheureux ? » Mais depuis que j’ai lu et relu le Riquet à la houppe d’Amélie Nothomb, je ne tiens pas à être pris en flagrant délit d’agressivité, même verbale, envers la gent ailée ! Bon, ça ne m’empêche pas de continuer à manger du poulet…

Vendredi 30 avril

14h : Le réveil a été particulièrement difficile aujourd’hui : on a diagnostiqué un cancer de la gorge à l’un des meilleurs amis de mes parents… Je n’en finis pas d’avoir des morts et des maladies graves dans mon entourage… Mais, dans le tas, pas un seul cas de Covid-19 ! Je dis bien : pas un seul ! Et on voudrait que je me sente concerné par la pandémie ! Je crois que je vais rester encore quelques jours chez mes parents ; de toute façon, que la vie puisse reprendre dans les semaines à venir, je le croirai quand je le verrai ! Défaitiste, moi ? Non, traumatisé, seulement.


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