Magazine Humeur

Le journal du professeur Blequin (158)

Publié le 12 mai 2021 par Legraoully @LeGraoullyOff

Lundi 10 mai

14h : On ne dira jamais assez à quel point les petits faits de la vie quotidienne sont riches d’enseignements quand on prend la peine de leur accorder l’attention qu’ils méritent. Ainsi, à l’issue d’un week-end du 8 mai sans histoires, je me rends à la poste du trou perdu où habitent mes parents pour expédier le « chèque énergie », que j’avais réceptionné la semaine dernière, et, dans la foulée, acheter un carnet de timbres. Mesures sanitaires obligent, je fais la queue hors du bureau, dans le vent glacial (les mois de mai pourris, ça existe) et je suis accueilli par une postière déguisée en terroriste… Après avoir finalisé mon emplette et digéré mon agacement généré par ces règles imbéciles, je rentre au bercail et, chemin faisant, je recalcule le montant de l’opération : pour expédier mon chèque énergie censé me permettre d’économiser 146 euros sur mes prochaines factures, en y joignant une copie d’une facture récente comme demandé, ça m’a coûté 2,16 euros. Donc, pour économiser 146 euros, il m’a fallu en dépenser 2,16. Vous me direz que ce n’est pas grand’ chose ; d’accord, mais ce n’est quand même pas rien, surtout quand, comme beaucoup d’artistes en ce moment, on est obligé de compter chaque sou… Vous me direz aussi que si je ne voulais pas dépenser mon fric à la poste, j’avais aussi la ressource d’utiliser mon chèque énergie sur le site Internet prévu à cet effet ; mais là, je dis non : pourquoi les gens qui n’ont pas Internet (ça existe encore), n’y ont pas facilement accès ou ne sont pas à l’aise avec l’informatique (c’est plus courant qu’on ne le croit) devraient-ils être pénalisés ? Assurément, ce n’est pas la grave des injustices, mais c’en est une toute de même ! Cela dit, tout s’éclaire quand je vois le prix de mes timbres : il m’ont coûté 12,96 en tout, soit plus d’un euro pièce ! Pas besoin de chercher loin où l’Etat trouve l’argent pour nous payer des « chèques énergie »… Les Guignols le disaient déjà à l’époque du gouvernement Juppé : l’argent, soit on le leur donne, soit ils nous le prennent ! 25 ans après, rien n’a changé…

Mardi 11 mai

11h30 : Un peu poussé par mes parents, je réserve mes billets de train pour les rejoindre en Sarthe pour le mois d’août. Pour faire l’aller-retour de Brest jusqu’au trou perdu où ils passent leurs vacances (on aime bien les trous perdus dans ma famille), il me faut, en tout, cinq billets… Dont un qui ne sera téléchargeable que le 27 août. Ne me demandez pas de vous expliquer pourquoi ! Voilà le genre de prouesse que permet l’informatique ! De quoi regretter le temps où on n’avait pour interlocutrices que des guichetières qui avaient des sourires de porte de prison mais qui, au moins, délivraient de vrais titres de transport bien palpables qui n’attendaient pas trois mois pour exister… Comme je serai en Sarthe le 27 août et que je n’y aurai ni connexion Internet ni imprimante, il me faudra donc probablement déranger un voisin, ce dont j’ai horreur : de façon générale, comme j’ai toujours besoin que tout soit préparé et minuté, ce genre de contretemps me fait l’effet d’un caillou dans la chaussure… Ceux qui craignent une robotisation de la vie à cause de l’emprise grandissante de la technologie n’ont rien compris : plus il y a d’informatique, plus c’est le bordel !

19h30 : Après dîner, je regarde N’oubliez pas les paroles avec mes parents. Entre deux parties, France 2 diffuse une bande annonce pour la retransmission d’un match de foot… N’ayant pas envie de polémiquer avec ma mère, je garde le silence, mais au fond, je ne décolère pas : voilà des mois qu’on laisse les artistes crever de faim, mais les footballeurs, eux, ont le droit de continuer à accumuler les millions en tapant dans une sphère en cuir ! Prime au muscle et mépris de la culture… Je dirais bien qu’on a rattrapé en connerie les Américains, mais je crois qu’on les a dépassés depuis longtemps !

Mercredi 12 mai 

10h : Il pleut des cordes. Je décide néanmoins de faire ma marche quotidienne dans la nature environnante. Je suis trompé jusqu’à l’os, mais je n’arrive pas à trouver ça désagréable : au moins, je sors sans masque, je suis libre de mes mouvements, je respire à pleins poumons l’air vivifiant de ma chère Bretagne et puis j’ai l’assurance d’être accueilli par quelqu’un qui m’aime une fois rentré… La plupart de mes compatriotes n’ont pas ma chance ! Et puis avoir un mois de mai pourri m’arrange bien en ce moment : je vais pouvoir passer le pont de l’Ascension blotti dans un cocon douillet, à l’abri des folies de ce monde… En principe, je rentre chez moi dans deux semaines : je crois que je vais avoir du mal à reprendre pied dans la réalité.


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