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L'œil, la goutte et le glaucome, une histoire tirée de faits réels.

Publié le 04 novembre 2021 par Jcr3
L'œil, la goutte et le glaucome, une histoire tirée de faits réels. L'œil, la goutte et le glaucome, une histoire tirée de faits réels.

Ce matin, j'avais rendez-vous chez l'ophtalmo.

C'était déjà un deuxième rendez-vous, depuis six mois, je porte effectivement, des lunettes à ma vue, ma mauvaise vue.

Impossible de manquer l'œil géant qui rehausse la façade du bâtiment de style entrepôt, hangar de zone commerciale périphérique. La structure est vaste et associe six docteurs. La borne à l'entrée vous attribue un numéro qui vous oriente vers l'une des deux salles d'attente, aux couleurs rouge ou bleue, au centre de l'espace.

Dans la rouge, des rubans de plastique défraîchis tentent d'isoler un siège sur deux, déjà cinq patients attendent. Le diagnostic se fait en amont par les machines.

Une hôtesse-assistante vient vous chercher et vous conduit de pièce en pièce, chacune de plus en plus plus exiguë, trop étroite pour y tenir à deux, suffisamment spacieuse pour contenir la machine et le poste de l'opératrice, qui vous donne les directives depuis son écran :

" Posez votre menton ici et appuyez votre front là, fixez la croix verte au centre de l'écran, suivez la croix verte de l'œil, pressez la poire à chaque signal lumineux périphérique, l'autre œil maintenant, attention au jet d'air. "

Pfft, pfft... c'est fait. Retour en salle d'attente, soudainement remplie.

Le docteur, cette fois, surgit d'une porte opposée pour venir vous chercher, en personne. Il est jeune, grand, svelte, d'allure sportive, plutôt cool. Il est du genre à se défouler dans de grandes parties de squash avant de se rendre à un récital Haydn dans le parc du château, avec son mari.

On le voit à peine dix minutes et il n'y a que lui qui parle. Il analyse les données reçues entre temps et vous prescrit des gouttes.

Il m'avait diagnostiqué un glaucome au précédent rendez-vous. C'est la maladie dégénérative de l'œil qu'il faut avoir... Associée à une pression intraoculaire (PIO) élevée qui comprime et endommage les fibres du nerf optique et de la rétine, le glaucome peut occasionner une cécité permanente et irréversible.

Dans mon cas, la chose avait relâché la pression et diminué de moitié, " de trente à dix-sept, voyez vous-même ! " jubilait le jeune docteur " comme quoi, c'est bien important de mettre les gouttes ! "

Je n'avais pas respecté l'ordonnance qu'il m'avait prescrite : Un an de gouttes, renouvelable tant que le papier est lisible. Je lui ai alors a demi avoué que je n'en mettais plus depuis l'été passé après avoir égaré la dite ordonnance, en fait je n'en avais jamais mis, mais ça c'était l'autre moitié de la vérité que je ne lui avais pas avoué.

Le toubib paru décontenancé. Il tenta de m'expliquer avec un certain empressement, qu'un glaucome peut grossir ou diminuer au gré de la tension sur le nerf optique causé par la pression intraoculaire, que cela n'a rien à voir avec le fait de porter des lunettes à ma vue ni le stress.

Le glaucome, c'est le glaucome, et dans mon cas, il fallait se fier à la valeur supérieure qui constituait un " plus haut déjà atteint ", une valeur qui sera à chaque fois dépassée dorénavant et que s'il me dit de mettre des gouttes je dois les mettre !

" Après les gouttes il y aurait peut-être le laser... " lâche t-il alors doucement, prudemment, comme s'il trahissait un secret. Il observe ma réaction du coin de l'œil. Oui, oui, il a bien dit " laser ", comme au cinéma.

L'œil, la goutte et le glaucome, une histoire tirée de faits réels.

Jusqu'ici je me croyais chez ma grand-mère, avec ses gouttes, mais il a du sentir que je lui échappais, alors il sort l'artillerie lourde, le laser.

" Mais cela dit, vu votre âge, il faut mettre les gouttes, sans doute pendant les quarante prochaines années ! "

Quarante prochaines années ? Ça y est il m'a re-perdu... cet homme n'est pas docteur !

Au premier coup d'œil - et je ne suis pas docteur - je ne m'en donne pas plus de vingt. Si je marche dans les pas de mon père, il m'en reste dix, à tout casser, des années.

En ce qui concerne le docteur, de toute évidence, il est là pour fourguer des gouttes. Il semble que tous les citoyens qui passent par la case ophtalmo, ressortent avec un glaucome et des gouttes. Une sorte de piège.

La réalité est que la tension dans mon œil est passé d'un niveau élevé à normal sans que je n'y fasse rien, comme un tour de poitrine grossit et diminue au gré des inspirations et expirations, comme la mer monte et descend, comme si il n'avait jamais existé, le glaucome.

Si j'avais mauvais esprit, j'y verrai une arnaque bien roulée, avec l'argent de la sécu., la complicité des professionnels, des officiels et le consentement des usagers, tout ça, au profit des labos qui arrosent en retour. Mais moi, vous me connaissez, j'suis bonne pâte, j'ai dit " Merci docteur, rendez-vous dans six mois ! " et suis passé à la caisse.

Tout le monde était très désagréable, moi le premier, les gens perdaient patience et les arrivants comme les sortant s'agglutinaient aux guichets.

Je me suis cassé.

Je déteste cette impression d'être pris pour du bétail, d'être traité en masse avec le reste du troupeau, comme des brebis ou des veaux qui passent au vermifuge avant la tonte ou l'abattoir. Si l'homme est un animal grégaire il n'en reste pas moins un individu, avec son unicité toute particulière qui fait une nuance de plus dans le kaléidoscope.

Tout en ronchonnant sur le chemin du retour, ce nonobstant, une belle promenade qui me fait prendre le chemin des écoliers en passant derrière mon ancien collège, je laissais mes pensées divaguer :

Dans le fond, une cabine au coin de la rue aurait amplement suffit. Un genre de " photomaton ophtalmologique " ( comme celle-ci : Une cabine " type Photomaton " créée pour effectuer des examens de vue, acuite.fr).

Un tabouret pivotant, une ou deux machines, un emplacement pour le menton, des instructions simples délivrées par Ameli, la Alexa de la sécu :

" Fixez le centre de l'écran suivez la croix verte de l'œil. Comptez les point lumineux. "

Les données pourraient être transmises au docteur I.A., qui les analyse et fait l'ordonnance en temps réel : Boum, des gouttes ! A retirer dans les trois jours à la pharmacie affiliée.

Ça m'aurait évité un déplacement à l' entrepôt pour le même résultat. De toute façon je voulais juste des lunettes à ma vue.

Je vais annuler le prochain rendez-vous et me libérer illico de ce cercle infernal.

L'œil, la goutte et le glaucome, une histoire tirée de faits réels.

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