Magazine Nouvelles

L'originalité des auteurs

Publié le 08 août 2008 par Isabelle Debruys
Si l’on est auteur (inconnu) et que l’on essaie de glaner de-ci, de-là, quelques informations sur ce qui fera qu’un éditeur acceptera un manuscrit, on lit souvent « originalité », laquelle déclenchera peut-être alors le fameux « coup de cœur ». Haro sur le sentiment de « déjà lu », considéré comme rédhibitoire. On ne va pas blâmer les éditeurs pour cette exigence.
On n’invente rien, je crois. Ce n’est pas tant ce qu’on dit qui importe, c’est comment on le dit (et je passe sur le pourquoi on le dit) : c’est l’angle, et puis c’est la « petite musique » dont parlait Sagan. J’écrivais à un ami (Luis, vous me pardonnerez de faire déborder nos échanges sur un espace public ?) qu’il me semble qu’un auteur a « un son » au même titre qu’un chanteur ou qu’un musicien. Une fois (après maintes années de travail en ce qui me concerne), une fois, donc, qu’on pense avoir trouvé sa « voix », qu’on s’est exercé à la faire sonner, qu’on en aime le timbre et qu’on ne le perd pas, quelque chose de majeur se produit : on se sent « auteur ». Cela procure un curieux sentiment de résistance, de force, et de fragilité. Car la voix fluctue, elle prend des virages inattendus parfois, on ne la domine pas, on n’a même pas la certitude qu’elle ne partira pas un jour. Elle est comme l’imagination : tout à fait indépendante. Si j’étais chanteuse, je chouchouterais sans doute mes cordes vocales, rassurée de pouvoir faire quelque chose pour protéger mon instrument. Mais la vérité, c’est qu’il faut travailler comme un acharné.
Etre original est alors extrêmement compliqué. Il faut non seulement être « auteur », c’est-à-dire avoir trouvé ce son à soi, qu’on est allé dénicher à tâtons avec opiniâtreté sans même savoir qu'on cherchait quelque chose, en se cassant la figure et en se relevant sans cesse (en tous les cas, si l’on n’est pas un génie de la littérature), mais il faut, aussi, que ce son ne ressemble à aucun autre. Comme les chanteurs dont on reconnaît le timbre à peine a-t-on entendu la première note, il faudrait qu’à peine on a lu la première ligne on reconnaisse un auteur. C’est une ambition tout à fait démesurée, mais c’est sans doute celle qui distingue les artistes, ceux qui ont leur art chevillé au corps, des… je ne sais pas. Des autres. On n’est pas dans l’égo : on est de plein pied dans une exigence qui pousse à travailler inlassablement. Quand Tamara de Lempicka disait : « Je veux qu'au milieu de cent autres, on remarque une de mes oeuvres au premier coup d'œil », je n’y vois aucun narcissisme. Je crois qu'un artiste ne peut pas faire autrement

Retour à La Une de Logo Paperblog

Magazines